Il est où le malaise ?
Ce qui nous semble surtout inquiétant, c’est que la sélection perd de plus en plus l’un des plus importants leviers qu’elle puisse avoir dans ses différentes épreuves: la créativité, l’épanouissement dans le jeu et la culture de la performance
Il y a réellement un décalage entre ce qui est souhaité, exigé et ce qui est présenté en sélection. Entre l’image qu’on veut donner de l’équipe de Tunisie et la valeur intrinsèque des joueurs choisis. C’est à se demander si le sélectionner se voit et s’assume en stratège ou bien en un gestionnaire ordinaire? Est-il davantage un simple utilisateur de joueurs ou encore un entraîneur qui tient à aller bien au-delà? Une chose est cependant sûre: le potentiel actuel et les joueurs qui se revendiquent en tant que tels sont loin de pouvoir répondre aux aspirations. La qualification à la phase finale de la CAN et les deux dernières victoires des éliminatoires de la coupe du monde ne plaident pas vraiment en leur faveur. Dans le groupe le plus facile de ces éliminatoires, la sélection s’affirme dans la souffrance. La chance est aussi à ses côtés. La dernière victoire face à la Libye, un adversaire contraint à jouer tous ses matches en déplacement et qui ne se prépare pas en conséquence, ne reflète en aucun cas la physionomie du match. Encore moins les différentes phases de jeu. Il serait souhaitable que le sélectionneur prenne un peu de recul dans ses prises de position, dans ses choix, dans ses déclarations et surtout regarder son équipe de l’extérieur. Ça pourrait être une bonne expérience car, quand on est à l’intérieur, on ne voit pas tout ce qui s’y passe. On ne saurait suffisamment le dire, mais la sélection est entrée de toute évidence et depuis un bout de temps dans une phase de décomposition. Ses responsables s’amusent à se renvoyer l’ascenseur et à fuir ainsi leurs responsabilités. Pire que les solutions de facilité, c’est une stratégie de faiblesse, d’indifférence, d’insensibilité et un aveu d’insouciance qui semblent orienter le parcours de l’équipe. Sur le terrain, il y a de plus en plus de joueurs, notamment depuis l’arrivée de Kasperczak, qui n’ont ni la carrure ni le charisme qui pourraient faire d’eux des joueurs d’exception. Ils ne sont pas les seuls. Ceux que le sélectionneur favorise au détriment d’autres ne sont au fait que de pâles joueurs de salon. On peut les énumérer un par un, personne n’échappe à la critique. Des joueurs donc ordinaires pour la plupart, mais desservis par un environnement contraignant et des approches descendues du ciel, travaillées à la va-vite, avant de basculer sans cesse dans des considérations chamboulées. Il serait également bon que le sélectionneur accepte l’idée qu’aucune équipe de football n’est parfaite, qu’il y a de bons, mais aussi de mauvais matches. Il serait enfin préférable qu’il admette que les dernières presta- tions de la sélection sont loin d’être rassurantes. Qu’il ne défende pas gratuitement les joueurs dont on connaît les limites et qui n’ont pas leur place dans l’équipe.
Les maux et les mots…
La sélection a besoin aujourd’hui d’une remise en question de chacun dans le but de produire un véritable esprit d’équipe. Elle a intérêt à s’y inscrire avec tout le sérieux et la rigueur que cela impose. Désagréable, ennuyeux et intrigant, le jeu de l’équipe n’offre pas vraiment le registre dans lequel les joueurs peuvent réellement s’épanouir. Il n’en finit pas de susciter les débats, généralement sur fond de constat amer. Au fait, on n’est jamais suffisamment réaliste lorsqu’il s’agit de donner son avis sur la sélection. Mais ce n’est pas parce qu’on est aux commandes qu’on peut voir les choses mieux que les autres. Pareil constat peut s’appliquer à la fois au sélectionneur et à ses détracteurs. Chacun, à sa façon, donne l’impression de faire du surplace et de patiner au point d’en perdre des fois la face. Ego ou devoir de parole? On se laisse toujours prendre au piège de la tentation médiatique. A défaut de joueurs d’exception, la sélection est plus que jamais dans l’obligation de chercher sa force dans le collectif plus que dans les individualités. L’utilité plus que les noms. D’ailleurs l’acte de remise en cause doit être avant tout un choix collectif. Il s’agit de revoir les diverses options techniques et la façon de penser le football tel qu’il doit être exprimé en sélection. Jusqu’à présent, il n’y a pas vraiment d’amélioration dans les formes et les formules de jeu. Les mêmes tendances, les mêmes restrictions. Ce qui nous semble surtout inquiétant, c’est que la sélection perd de plus en plus l’un des plus importants leviers qu’elle puisse avoir dans ses différentes épreuves: la créativité, l’épanouissement dans le jeu et la culture de la performance. Maintenant et tout en étant respectueux de ce que chacun peut faire, on devrait partir du principe qu’on ne peut être bon et performant que dans le choix des joueurs les plus indiqués, les plus en forme et les plus compétitifs. Autrement, celui qui vient en sélection n’est pas là pour remplacer ou effacer. Il vient pour faire ce qu’il sait faire, apporter sa pierre à l’édifice. La façon dont le sélectionneur fait jouer l’équipe et tourner l’effectif compte aussi. En tout cas, tout devrait être clair aussi bien sur le papier que sur le terrain. Le football, comme tant d’autres activités, est un repère de don de soi, de surpassement et générosité dans l’effort. C’est dire à quel point les joueurs et le sélectionneur ne parviennent pas à avoir conscience de la réalité. Nous espérons que le jour où ils en prendront la mesure, il ne serait pas trop tard. D’ailleurs, plus que des histoires de résultats ou de matches gagnés ou perdus, le parcours de la sélection offre en tout cas les contours d’un étonnant sujet de réflexion sportive. Joueurs, entraîneurs, responsables, voilà qu’apparaît devant chacun un champ d’action qui ne semble pas servir les intérêts de l’équipe. Il faut dire que d’autres étapes ont davantage compliqué la marche de la sélection ces dernières années. On sait que derrière autant de défaillances et de manquements, se cachent toujours de bien terrifiants dangers. Maintenant, le plus important, c’est d’évoluer et progresser avant de penser aux résultats. La sélection ne peut continuer à se justifier à travers des victoires peu convaincantes. On a pu le remarquer, certains de ses matches sont devenus l’incarnation d’un manque d’envie et de dimension. On ne lui demande pas certainement d’écraser tout ce qui vient sur son passage. Seuls quelques ignorants de la chose du sport peuvent transformer un rêve en exigence. Mais d’utiliser le sens de la bonne formule pour remettre les choses à leur place…