La Presse (Tunisie)

«Aucun apport»

Pour l’ancien sélectionn­eur des cadets, un footballeu­r qui ne perce pas en junior n’ira pas loin. D’où l’inutilité de la catégorie espoir.

- Walid NALOUTI

«La catégorie espoir ou élite, comme on l’appelle aujourd’hui, n’apporte pas grand-chose au football tunisien. De par son rôle, un entraîneur d’une équipe élite ne peut pas disposer d’un groupe homogène. On lui réserve souvent des joueurs de la catégorie junior, censés être des talents sûrs. Il a également dans son effectif des joueurs qui ont l’âge des seniors, mais qui n’ont pas leur place parmi le groupe des 23 pros. Tout cela sans compter la tendance à sanctionne­r un joueur en le reléguant chez les espoirs sous forme de mesure disciplina­ire. Du coup, c’est une équipe à cheval entre deux catégories et qui, finalement, ne sert ni l’une ni l’autre. De mon temps, quand j’étais joueur dans les années 1980, la catégorie junior s’étalait sur trois ans et on pas- sait directemen­t à la catégorie senior. C’était beaucoup plus pratique aussi bien pour les joueurs que pour les clubs. Car, un joueur qui ne perce pas quand il est junior et qui ne passe pas senior ne fait pas partie du projet sportif de son club. Au fait, le talent d’un footballeu­r se détecte à la première année junior, ça se travaille durant la deuxième année et il est normalemen­t bon pour le service chez les seniors dès sa troisième année. Depuis le début des années 1990, on a créé la catégorie espoir. On a réduit le passage chez les juniors à deux saisons pour passer par la suite espoir durant trois ans. L’idée de départ était de garder le joueur pendant cinq ans au service du club. Mais le résultat final de cette opération s’est avéré dérisoire dans la plupart des clubs tunisiens. Dans les grands clubs comme l’Espérance Sportive de Tunis ou le Club Africain, un junior qui n’est pas retenu dans l’équipe senior est obligé de voir ailleurs, c’est-à-dire dans un club de rang inférieur où il pourrait trouver sa place. Je pense qu’il est plus judicieux pour les quatre grands clubs tunisiens de faire comme en Europe et créer une équipe B qui joue en Ligue 2 ou dans les catégories inférieure­s. Ce serait plus utile que de maintenir des équipes élites qui ne servent pas vraiment à grand-chose. Car ce n’est pas à 20 ou 21 ans qu’on entame sa carrière de footballeu­r. On n’est pas considéré comme jeune footballeu­r à cet âge-là où, au contraire, on est censé être un joueur confirmé. Dans les clubs du milieu du tableau, un joueur non confirmé peut aller tenter sa chance en Ligue 2 ou dans une division inférieure. Au fait, le football est ainsi fait : on peut être un mordu de football, mais avoir juste des qualités modestes qui ne permettent que de jouer dans un championna­t amateur, comme c’est le cas du CFA en France, à titre d’exemple. Bref, il est temps de repenser la réorganisa­tion de la formation des jeunes dans nos clubs. Je pense qu’il est nécessaire de supprimer la catégorie élite et revenir aux vieux fondamenta­ux avec une catégorie junior qui s’étale sur trois ans. Car si un joueur n’est pas bon quand il est junior, il ne sera jamais un grand joueur une fois arrivé à l’âge d’être senior».

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia