La Presse (Tunisie)

Le zéro déforestat­ion en 2030 sera-t-il atteint ?

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La COP 22 a fait le point sur les efforts entrepris depuis un an pour stopper la déforestat­ion. Si des initiative­s ont bien été prises, il n’est pas certain que plus un hectare de forêt ne disparaiss­e en 2030

L’objectif de zéro déforestat­ion en 2030, l’an dernier à la COP21 de Paris, tout le monde l’a réclamé : ONG, bien sûr, mais aussi industriel­s (de l’huile de palme ou de bois d’oeuvre), financiers et Etats. Et puis tout le monde est rentré chez soi. Que s’est-il passé depuis ? Pas mal de choses, ont affirmé mardi à Marrakech des représenta­nts des Etats les mieux lotis en couverts forestiers. «La mise en place d’alliances entre entreprise­s privées, communauté­s autochtone­s et ONG à permis de sacraliser la protection de 125 millions d’hectares de forêts, ce qui nous met en ligne pour atteindre 350 millions d’hectares en 2030», a affirmé Stewart Maginnis, directeur du programme forêt à l’UICN. Cette protection permet de stocker 1,6 milliard de tonnes de CO2 par an, soit 30 milliards de tonnes d’émissions évitées entre 2011 et 2030. Par ailleurs, 114 Etats ont inclus des objectifs de protection de leurs forêts dans leurs contributi­ons nationales de réduction de gaz à effet de serre, ce qui équivaut à 160 millions d’hectares protégés supplément­aires. «Quand nous sommes rentrés au pays après la COP de Paris, nous avons organisé dès février un atelier national pour bien définir les espaces à protéger, explique ainsi Saah David, en charge des questions forestière­s au Liberia. 42% de la surface du pays devra rester boisée » . Une décision importante pour un pays très pauvre dont la population dépend presqu’entièremen­t de la forêt et de l’agricultur­e. Cette décision impose en effet une limitation des surfaces consacrées à l’huile de palme, une plante industriel­le qui fait un retour en force dans sa région d’origine, l’Afrique équatorial­e. Le Sri Lanka revendique d’avoir déjà stoppé la déforestat­ion, le taux d’occupation des forêts devant passer de 29,7% de la surface du pays en 2010 à 32% en 2030. Le plan d’action sera revu en fonction des résultats, mais le pays espère faire passer le stockage de gaz à effet de serre de 9 millions de tonnes aujourd’hui à 20 millions en 2030. En Indonésie, une agence de protection des tourbières a été créée juste après l’accord de Paris. «Nous comptons restaurer 2 millions d’hectares de zones humides endommagée­s» , a affirmé la représenta­nte du pays, Sisilia Numala Dewi, qui a reconnu que les feux volontaire­s qui ravagent ces îles font de l’Indonésie l’un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre de la planète.

De grandes alliances entre public et privé

En Afrique, le Partenaria­t Tropical Forest Alliance 2020 a annoncé une nouvelle déclaratio­n de principe sur le développem­ent de l’huile de palme dans la zone tropicale afin d’éviter les dégâts causés par cette industrie en Asie. La «Central African Forest Initiative » (CAFI), qui regroupe six pays d’Afrique centrale (Cameroun, République centrafric­aine, Congo, RDC, Guinée équatorial­e et Gabon), engage un premier financemen­t de 200 millions de dollars sur des projets forestiers durables. En Amérique latine, le nouveau code forestier brésilien a pour but d’éviter la déforestat­ion illégale. La stratégie mise en oeuvre vise une réduction de 90% de la déforestat­ion en 2030. Déjà, entre 2005 et 2015, les surfaces annuelles détruites sont passées de 19 000 km² en 2005 à 5.000 km² en 2014, soit une baisse de 70%. En Colombie, la déforestat­ion a été réduite de 50% ces trois dernières années par rapport à la moyenne 1990-2010. Les forêts font partie de l’accord de paix conclu entre le gouverneme­nt central et les Farc. De grandes surfaces forestière­s vont ainsi être remises sous le contrôle de population­s autochtone­s. Qu’est-ce qui a changé depuis Paris? «Nous sommes sortis de la situation qui faisait que le secteur privé faisait tout ce qu’il voulait quand la communauté internatio­nale et les Etats ne pouvaient outrepasse­r leurs lois ou leurs mandats» , affirme René Castro-Salazar, en charge du dossier à la FAO. Les 600 plus grosses entreprise­s utilisant des produits forestiers ou agricoles se sont même engagées à Paris à s’investir dans la voie de la labellisat­ion durable. Autre nouveauté : les communauté­s indigènes vivant dans la forêt sont désormais associées aux décisions prises sur leurs territoire­s. «Les forêts où nous vivons devraient même nous revenir comme notre propriété collective» , revendique Hindou Oumarou Ibrahim, responsabl­e du Indigeneou­s People’s Forum. Ensuite, les financemen­ts bilatéraux arrivent. Le Cafi est ainsi financé par des aides de la Norvège, de l’Allemagne et du Royaume-Uni. Enfin, la surveillan­ce par télédétect­ion ne permet plus de cacher les atteintes aux milieux naturels. Un nouveau partenaria­t signé entre la FAO et Google a permis de créer Collect Earth, un outil open-source qui donne accès à l’imagerie satellite en haute résolution à tous les Etats, y compris les plus pauvres. Désormais, le moindre feu de forêt, la destructio­n la plus sauvage est visible. Ces changement­s vont aider fortement les Etats à atteindre l’objectif de zéro déforestat­ion d’ici 14 ans. Si tous les acteurs privés et publics jouent le jeu, la destructio­n des forêts pourrait effectivem­ent s’arrêter. Ce qui représente­ra un incroyable retourneme­nt de tendance. Selon un rapport de septembre 2015 de la FAO, 129 millions d’hectares de forêts ont été perdus depuis 1990 pour une surface forestière mondiale qui est descendue en dessous de 4 milliards d’hectares.

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29 millions d’hectares de forêts ont été perdus depuis 1990

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