Prétextes futiles ou utiles ?
HIER, la constitution post-révolution, qui a nécessité trois années de crises politiques successives et de tiraillements entre des centaines de partis nés pour la plupart après le 14 janvier 2011, bouclait ses trois ans. L’événement, tel qu’il paraît à certains, est passé sous silence, sans aura ni grands discours, comme ces derniers, dont des mentors de l’Assemblée nationale constituante, l’auraient souhaité. Le trophée-emblème de la révolution de la dignité qu’on disait unique dans l’histoire de la Tunisie ne ferait-il plus l’unanimité autour de sa singularité et de sa portée sur le parachèvement du processus démocratique ?.
La question gêne, fâche même, mais s’impose. La constitution de 2014 est, en effet, sujet de débats, voire de discorde. Certains acteurs politiques n’hésitent pas à lui faire endosser la responsabilité de l’instabilité politique : « l’alliance contre-nature entre Nida et Ennahdha » étant imposée et rendue inévitable par le mode de scrutin élaboré et adopté par l’ANC, maître d’oeuvre du « document historique ». Des voix s’élèvent donc déjà pour revendiquer son amendement et la rectification du tir afin de donner, dans le cas échéant, au parti majoritaire issu des urnes l’occasion de gouverner seul et d’en assumer seul les conséquences. Le « consensus » n’ayant pas pu venir à bout de tous les aléas et relents qui résistent et s’opposent à l’instauration définitive d’une nouvelle et difficile expérience démocratique.
Les adversaires de cette proposition, « choqués par les prétextes futiles » des premiers, ne manquent pas non plus d’arguments. Amender aujourd’hui la Constitution, après seulement trois ans de son élaboration, alors que les institutions constitutionnelles n’ont pas été créées en totalité, fragiliserait la Loi fondamentale et ouvrirait la porte à d’autres initiatives similaires encore plus déstabilisatrices. En tout état de cause, il n’est pas erroné ni abusif de souligner le grand retard qui a été accusé dans la mise en application de toutes les dispositions de la constitution de 2014. La raison que nul n’ignore, même si elle n’est pas la seule, réside dans les crises politiques qui se succèdent et les tiraillements éreintants qui ont affaibli l’action gouvernementale et fait perdre aux citoyens leur confiance dans les institutions de l’Etat.
En démocratie, rien n’est plus sacré que les droits humains et les libertés. Pour la jeune démocratie tunisienne, les défis sont encore nombreux et importants, si bien que tout amendement de quelque loi que ce soit peut être envisageable et négociable dans la perspective d’améliorer et de renforcer les assises de la jeune et fragile démocratie tunisienne. Mais à condition que les droits et les libertés auxquels les Tunisiens sont fortement attachés soient préservés.