Benoît Hamon : profil d’un candidat
Incarnation d’une «gauche utopique», le candidat de la gauche fustige la course à la croissance et promeut une réduction du temps de travail et un revenu universel
AFP — Sorti en tête du premier tour de la primaire de la gauche pour la présidentielle française, Benoît Hamon, bientôt 50 ans, s’est forgé une stature pendant la campagne, éliminant ses adversaires avec des propositions pour un «futur désirable», économique, social et environnemental. Celui que certaines ténors socialistes appellent le «petit Benoît», politicien de carrière à la silhouette de jeune homme, affronte au second tour demain l’ancien Premier ministre Manuel Valls. Face à cette figure, il s’est montré, dans la campagne et lors des débats, posé et sérieux dans ses interventions, assumant d’être souvent taxé «d’utopique» face au candidat de «l’hyperréalisme». Son registre, c’est «+le renouveau, le rêve, l’inventif+, à grands renforts de statistiques... pour faire premier de la classe», résume Bertrand Perier, un professeur d’art oratoire. «Le petit chose est devenu un grand machin», admirait le quotidien de gauche Libération. Député de la région parisienne, ce Breton qui a passé une partie de son enfance à Dakar s’est fait connaître lorsqu’il est devenu ministre de François Hollande. En désaccord avec ses orientations économiques, à ses yeux trop libérales, il a quitté le gouvernement avec fracas en 2014. Comme ministre délégué à l’Economie sociale et solidaire et à la Consommation, il a fait adopter une loi qui a renforcé les droits des consommateurs (action de groupe au civil, résiliation d’assurance facilitée...). Il a ensuite été quelques mois ministre à l’Education, fonction abandonnée avant même sa première rentrée scolaire, une première pour un titulaire de ce ministère qui n’a pas manqué de susciter l’ironie. Ses détracteurs épinglent aussi ses 25 ans au coeur de l’appareil socialiste: il y adhère en 1987, devient en 1993 président du Mouvement des jeunes socialistes, puis porte-parole du parti en 2008. Benoît Hamon a reconnu en novembre avoir cette «image d’homme d’appareil». Pendant la campagne de la primaire, ses meetings ont fait salle comble, avec un public plutôt jeune, altermondialiste, en quête d’une «autre politique» ou d’un «vrai socialisme». À coups de propositions innovantes, ce licencié d’histoire, fils d’un ouvrier devenu ingénieur et d’une secrétaire, entend refaire «battre le coeur» (son slogan) de nombreux désillusionnés, refusant de restreindre le discours aux questions de «sécurité, fermeté, identité» chères à son rival.
Une voie
Souvent décriées, raillées, ses idées ont fait couler beaucoup d’encre: le revenu universel d’existence, la possibilité pour une minorité de citoyens de proposer une loi ou de la bloquer, la transition écologique... Il fustige «la course à la croissance», préfère la «tempérance», veut «encourager» la réduction du temps de travail et, surtout, «changer le rapport au travail» dans un monde en plein bouleversement numérique. Et défend une société dans laquelle plus personne ne serait stigmatisé pour son orientation sexuelle, son genre, ou sa reli- gion — notamment les musulmans. Il refuse que la France se serve de sa loi sur la laïcité comme d’«un glaive», face à Manuel Valls, tenant d’une laïcité rigoureuse, hostile au foulard islamique. Ses positions lui ont valu d’être affublé par certains d’un nouveau patronyme sur les réseaux sociaux, un prénom arabe accolé à son nom de famille... Benoît Hamon serait l’incarnation «d’une sorte de gauche pure et parfaite», ironise le quotidien de droite le Figaro. «Gauche utopique», renchérit l’hebdomadaire de gauche l’Obs. Benoît Hamon rétorque qu’il propose simplement «une voie». «Vous pouvez la trouver juste ou pas. C’est une voie», explique-t-il en rejetant toute idée d’«homme providentiel», une notion à ses yeux «irresponsable». Côté vie privée, ce père de deux filles reste plutôt discret, à la demande de sa compagne, dit-il. Celle-ci est cadre supérieure chez le groupe de luxe Lvmh.