Gare à l’euphorie!
Il ne faut pas que les Aigles se laissent griser par le moment magique qu’ils traversent en attaquant de façon inconsidérée et en s’exposant aux rushes meurtriers adverses
Chemin faisant, l’équipe de Tunisie se trouve bel et bien dans son élément. Le premier tour a suffisamment rodé l’effectif, consolidé les acquis et convaincu du bienfondé des choix adoptés depuis le 15 janvier et qui viennent dans la foulée du désaveu apporté par la mini-tournée ibérique de la fin de l’année dernière. Il aura suffi de récupérer Wahbi Khazri, remplaçant tout au long de la première période du match initial face au Sénégal, pour voir l’attaque donner la pleine mesure de ses moyens. Avec le milieu de couloir de Sunderland, la ligne avant était montée en puissance et a trouvé les repères qui lui faisaient défaut. A partir de là, elle n’a pas cessé de se procurer un nombre ahurissant d’occasions, y compris lors de la défaite face au leader de la poule «B», le Sénégal, lorsqu’elle «brilla» par sa capacité à rater les occasions les plus faciles. On sait que, par la suite, la ligne avant va faire amende honorable en plantant la bagatelle de six buts, ce qui en fait la meilleure attaque de la première phase de la CAN, ex aequo avec le Sénégal. Ce groupe «B», soit dit en passant, a vraiment fait parler la poudre puisqu’il comprend les deux attaques les plus efficaces. Toujours est-il que le fait de voir les Aigles occuper la première marche du podium des lignes d’attaque a quelque chose d’incongru et de profondément surprenant quand on pense au récital d’occasions, l’une plus nette que l’autre, ratées contre les Lions de la Teranga, mais également face à l’Algérie et au Zimbabwe. Quoique le taux de concrétisation se soit singulièrement amélioré lundi dernier, devant les «Warriors», un peu du fait de la naïveté et de la pagaille défensives de l’adversaire, et un peu par l’effet de la titularisation de Taha Yassine Khénissi à la pointe de l’attaque qui a fait bénéficier l’équipe des jaillissements, de la justesse des appels et de la spontanéité du geste final d’un véritable killer. Si l’attaquant de l’Espérance de Tunis arrive à point nommé pour aider ses copains à résoudre l’énigme de la concrétisation et du réalisme devant les buts adverses, il ne faut pas pour autant insulter l’avenir en négligeant la solution que peut constituer à tout moment Ahmed Akaïchi, capable de rentrer en cours de match, cet après-midi, et de dépecer une défense burkinabée déjà largement sollicitée, grâce à sa fraîcheur, son dynamisme et sa faculté à exploiter les espaces et proposer très peu de repères à ses cerbères. Il faut croire qu’en pointe, aucune surprise n’est attendue tant la titularisation de Khénissi coule de source. Et que, tout juste derrière, le trio Khazri, Sliti et Msakni, qui fait feu de tout bois, demeure l’arme maîtresse des Aigles de Carthage grâce à laquelle la surface adverse se trouve, sérieusement menacée. La nouveauté s’appelle Sliti, découvert à la faveur de la phase précompétitive des quatre matches amicaux. Son intégration s’est faite très vite, et son adaptation de façon on ne peut plus naturelle. Et c’est comme s’il jouait avec les Aigles depuis une éternité. Eh bien, le bonhomme a su faire bénéficier l’attaque de ses grandes qualités techniques et de son tempérament de véritable géomètre et de distributeur du jeu. Sans pour autant qu’il néglige la moindre «ouverture» qui lui est offerte, c’est-à-dire de s’engouffrer dans les 16,50 m adverses, d’où la supériorité qu’il peut créer dans la surface de vérité. L’équipe de Tunisie serait pourtant très mal inspirée si elle tombait dans le piège que lui prépare une vieille connaissance du public tunisien, Paulo Duarte. Celui de prendre les rênes du jeu de façon inconsidérée, d’avancer très loin de sa zone de récupération et de s’exposer de la sorte aux contres de Bancé et consorts. Les Etalons n’attendent que cela, conscients des largesses écoeurantes de la défense d’Aymen Abdennour et d’une certaine lenteur qui a pleinement profité au Sénégal, le 15 janvier. D’ailleurs, Duarte ne fit pas autrement pour piéger l’équipe de Tunisie, en 2008 à Radès même, lorsqu’il drivait une autre génération d’Etalons. Pour résumer, abondance offensive contre dénuement défensif : voilà le tableau que propose le team national aujourd’hui à l’heure de chercher la quête du Graal. C’est-àdire de frapper aux portes du carré d’as qui se refuse à ses ambitions depuis la nuit des temps. L’équilibre recherché ne consiste pas à changer un défenseur par un autre, mais plutôt à exiger une meilleure couverture de l’arrièregarde, notamment du flanc où opère Ali Maâloul et à montrer une plus grande vigilance et un placement judicieux sur les balles arrêtées.