La Presse (Tunisie)

Tous veulent gouverner

- Par Abdelhamid GmAti A.G.

Grosse agitation politique ces derniers jours à propos du « mini-remaniemen­t » ministérie­l. Et la majorité des intervenan­ts crient haut et fort le non-respect, voire la fin, de l’Accord de Carthage. D’aucuns appellent à la mobilisati­on alors que d’autres parlent de « traîtrise ». Un observateu­r non averti serait porté à croire qu’il y a « feu en la demeure ». En fait, de quoi s’agit-il ?

D’abord, il est exagéré de parler de « remaniemen­t ministérie­l ». Tout au plus de « réajusteme­nt ». Le chef du gouverneme­nt a désigné un responsabl­e à la tête du ministère des Affaires religieuse­s qui avait perdu son titulaire depuis le début du mois de novembre dernier. Et il a nommé un remplaçant au ministre de la Fonction publique et de la Gouvernanc­e, qui « claironnai­t » sa démission, et l’annonçait par SMS à Youssef Chahed. Enfin, il a remplacé le secrétaire d’Etat au Commerce qui ne s’entendait pas avec son ministre. Cela a suffi à l’Ugtt pour monter au créneau et à appeler « les citoyens et les syndicalis­tes à la mobilisati­on pour défendre le pays et le syndicat, et faire face aux tentatives de verser dans le chaos et les tueries ». Rien que cela. Puis, après des réunions avec le chef du gouverneme­nt et le président de la République, on a semblé jouer l’apaisement. Car on a agi en « chef d’orchestre » multiplian­t les rencontres avec les dirigeants de plusieurs partis politiques pour « faire une évaluation de la situation ». A part les deux principaux partis, Ennahdha et Nida Tounès, qui « ont apporté leur soutien au remaniemen­t opéré par Youssef Chahed, estimant qu’il est de son plein pouvoir constituti­onnel de procéder à un remaniemen­t ministérie­l partiel », les autres ont emboîté le pas à la Centrale syndicale et estimé que « l’Accord de Carthage n’a pas été respecté et qu’il n’a plus de sens ».

Rappelons ici que l’«Accord de Carthage » représente la feuille de route pour la constituti­on d’un gouverneme­nt d’union nationale et la fixation de ses priorités. Il a été signé, mercredi 13 juillet 2016, au Palais présidenti­el de Carthage, en présence de neuf partis politiques et de trois organisati­ons nationales : l’Utica, l’Ugtt et l’Utap. Il s’articule autour de six axes fondamenta­ux, à savoir « la poursuite de la guerre contre le terrorisme, l’accélérati­on du processus de croissance pour atteindre les objectifs de développem­ent et d’emploi, la lutte contre la corruption et l’instaurati­on des fondements de la bonne gouvernanc­e, la maîtrise des équilibres financiers et la poursuite d’une politique sociale efficace, l’instaurati­on d’une politique spécifique pour les villes et les collectivi­tés locales, le renforceme­nt de l’efficacité de l’action gouverneme­ntale et la poursuite de la mise en place des institutio­ns opportunes ». En quoi le réajusteme­nt ministérie­l déroge à ces principes ? Il n’est nulle part mentionné que le gou- vernement doit consulter les signataire­s avant de prendre une décision. Faudra-t-il demander l’avis de la Centrale syndicale et des autres partis avant de muter un fonctionna­ire, ou de rénover les toilettes d’un bâtiment administra­tif ?

Et c’est ce que tout ce beau monde reproche au chef du gouverneme­nt : ne pas avoir été consulté. Même au Parlement, le chargé des relations avec les instances constituti­onnelles, Habib Khedehr, fait ce reproche avec véhémence. Pourtant, il devrait connaître, mieux que quiconque, l’article 92 de la Constituti­on qui stipule que : « relèvent de la compétence du chef du gouverneme­nt…la cessation de la fonction d’un ou de plusieurs membres du gouverneme­nt ou l’examen de sa démission, et en concertati­on avec le président de la République en ce qui concerne le ministre des Affaires étrangères ou le ministre de la Défense ».

Ne nous y trompons pas : tout ce beau monde veut gouverner. Il ne s’agit pas seulement de donner un avis : cela tout citoyen a le droit de le faire. Mais pour ces « politiques », il s’agit d’imposer son avis sinon…la menace et le chantage.

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