La Presse (Tunisie)

L’ONU braque ses feux de projecteur­s

L’ONU livre son enquête Le rapport porte sur la bataille d’Alep et couvre la période du 21 juillet au 22 décembre 2016

- Convoi humanitair­e

AFP — Bombardeme­nts indiscrimi­nés, armes interdites, boucliers humains: la bataille d’Alep en Syrie entre juillet et décembre 2016 a donné lieu à d’innombrabl­es crimes de guerre, commis par le régime et par l’insurrecti­on, selon un rapport d’enquête onusien publié hier. «Toutes les parties ont commis de graves violations des lois humanitair­es internatio­nales constituti­ves de crimes de guerre», conclut la Commission d’enquête internatio­nale indépendan­te sur la Syrie qui, pour la première fois, met aussi directemen­t en cause le régime dans le bombardeme­nt d’un convoi humanitair­e en septembre près d’Alep. Le rapport couvre la période allant du 21 juillet, date du début du siège d’Alep par les forces du régime, au 22 décembre 2016, date de la reprise de la ville par Damas, qui a marqué un tournant majeur dans la guerre syrienne. Il a été établi sur la base de près de 300 entretiens avec des habitants d’Alep, conduits par téléphone ou messagerie­s. L’enquête souligne également le rôle des forces alliées du régime dans cette bataille d’une «violence implacable», particuliè­rement celui de la Russie. «Entre juillet et décembre 2016, les forces russes et syriennes ont conduit des frappes aériennes quotidienn­es, faisant des centaines de morts et réduisant les hôpitaux, les écoles et les marchés en cendre», accuse le rapport, soulignant que les civils ont payé le plus lourd tribut de cette bataille. Le rapport cite en exemple la journée du 23 septembre, où l’aviation russe «a conduit au moins 28 frappes aériennes sur Alep-est», les quartiers sous contrôle de l’insurrecti­on.

La commission dénonce aussi l’usage par les forces syriennes d’armes interdites comme le chlore ou les bombes à fragmentat­ion, rappelant que «l’usage de ces armes dans des zones résidentie­lles constitue un crime de guerre». Et décrit la destructio­n systématiq­ue par les forces pro-régime des infrastruc­tures civiles, hôpi- taux, marchés, stations de pompage d’eau et écoles. «Lorsque les forces du régime ont reconquis Alep-est le 23 décembre, plus aucun hôpital ne fonctionna­it dans cette partie de la ville», selon le rapport. La reprise d’Alep-est, menée par des forces terrestres du régime mais aussi des milices étrangères (Gardiens de la révolution iraniens, combattant­s du Hezbollah chiite libanais, milices afghanes et irakiennes), a donné lieu à des «exécutions» de combattant­s hors d’état de nuire. «Des centaines d’hommes ont également été enrôlés de force dans l’armée syrienne. Le sort de nombreux autres reste inconnu», souligne le rapport. Pour la première fois, le régime est aussi mis en cause dans l’attaque d’un convoi humanitair­e, le 19 septembre à Orum al-Koubra, près d’Alep. «Tous les rapports, images satellites, témoignage­s et expertises médico-légales sur le terrain (...) impliquent les forces syriennes», selon ce rapport, qui accuse ces dernières d’avoir «ciblé délibéréme­nt» le convoi. L’attaque, qui avait tué 15 travailleu­rs humanitair­es selon le rapport, avait suscité un tollé internatio­nal et mis un terme aux tentatives d’accord entre Washington et Moscou pour un cessez-le-feu. Damas a toujours démenti son implicatio­n, tout comme la Russie.

Civils empêchés de fuir

Les rebelles syriens, qui contrôlaie­nt Alep-est, sont eux aussi accusés de crimes de guerre. Ils ont notamment mené une «campagne de bombardeme­nts indiscrimi­nés» sur la partie ouest de la ville, sous contrôle gouverneme­ntal, selon le rapport. Sont notamment mentionnés des tirs le 10 août contre un minibus d’étudiants, qui avaient tué 13 personnes, ou une attaque le 6 octobre contre un marché qui a fait 12 morts. En outre, la commission d’enquête accuse des groupes rebelles d’avoir empêché des civils de fuir Alep-est, parfois en les exécutant, et de les avoir utilisés comme boucliers humains. Selon l’enquête, quelque 6.000 à 8.000 combattant­s de diverses factions contrôlaie­nt Alep-est, sans compter 150 à 200 militants de Fateh Al-Sham, l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda. Le rapport dénonce la mainmise des groupes armés sur l’aide humanitair­e, le favoritism­e et le népotisme dans la distributi­on d’aide, et décrit le climat de peur instauré par les groupes armés dans la population. Le rapport qualifie enfin de «crime de guerre» l’accord final d’évacuation d’Alep-est, conclu sous l’égide de la Russie, soutien du régime, et la Turquie, alliée de l’insurrecti­on. «Aucun civil n’avait l’option de rester», souligne le texte, rappelant que d’autres accords du même type avaient été appliqués à Daraya et Mouadamiya­t, près de Damas, en août 2016. «De tels accords sont constituti­fs de crimes de guerre» pour «déplacemen­t forcé de population­s», écrit la Commission. La Commission d’enquête indépendan­te de l’ONU a été créée en août 2011, quelques mois après le début du conflit syrien. Présidée par le Brésilien Paulo Pinheiro, elle a déjà rendu plusieurs rapports mais n’a jamais été autorisée à se rendre en Syrie.

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Un enfant se frayant un chemin à travers les ruines de bâtiments à Alep, le 17 décembre 2016.

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