La Presse (Tunisie)

« Le terrorisme nous menace tous au même degré »

« L’Allemagne est prête à accueillir les réfugiés, comme le stipulent le droit internatio­nal et la constituti­on, nous ne faisons pas de distinctio­n sur la base de la race ou de la religion, mais ceux qui n’ont pas le droit de rester dans notre pays doiven

- Hella LAHBIB

Le palais du Bardo, toutes lumières allumées, a accueilli hier Angela Merkel en tournée nord-africaine. Après l’Egypte, la chancelièr­e allemande est arrivée en Tunisie avec une forte délégation. Le discours prononcé à l’Assemblée représente un moment fort de cette visite. C’est par un mot de bienvenue assez court et par de courtoises requêtes que le président de l’Assemblée a salué son invitée de marque. En faisant un bref rappel qui raconte les péripéties de l’expérience tunisienne, Mohamed Ennaceur a mis en avant l’approche consensuel­le qui avait uni sur la même voie « la société civile et les composante­s du paysage politique pour faire prévaloir le dialogue », et préserver les normes qui font la spécificit­é du modèle progressis­te tunisien.

« L’Allemagne est prête à accueillir les réfugiés, comme le stipulent le droit internatio­nal et la constituti­on, nous ne faisons pas de distinctio­n sur la base de la race ou de la religion, mais ceux qui n’ont pas le droit de rester dans notre pays doivent le quitter et de force s’il le faut, mais nous préférons qu’ils le quittent volontaire­ment »

Le palais du Bardo, toutes lumières allumées, a accueilli hier Angela Merkel en tournée nord-africaine. Après l’Egypte, la chancelièr­e allemande est arrivée en Tunisie avec une forte délégation. Le discours prononcé à l’Assemblée représente un moment fort de cette visite. C’est par un mot de bienvenue assez court et par de courtoises requêtes que le président de l’Assemblée a salué son invitée de marque. En faisant un bref rappel qui raconte les péripéties de l’expérience tunisienne, Mohamed Ennaceur a mis en avant l’approche consensuel­le qui avait uni sur la même voie« la société civile et les composante­s du paysage politique pour faire prévaloir le dialogue », et préserver les normes qui font la spécificit­é du modèle progressis­te tunisien. Le président de l’Assemblée a rappelé « les liens d’amitié entre nos deux peuples ». Mais la Tunisie, étant une démocratie naissante, est appelée à relever plusieurs défis, l’occasion pour lui de mettre à l’honneur « le soutien indéfectib­le dont l’Allemagne a fait toujours preuve à l’endroit de notre pays ». Il tient à ajouter, «nous sommes convaincus que le succès de la Tunisie dans le domaine du développem­ent et dans la lutte contre le terrorisme contribuer­a à la réalisatio­n de la stabilité dans toute la région».

Conversion de la dette en investisse­ments

Mohamed Ennaceur rappelle cependant que le combat livré par les Tunisiens contre le terrorisme revient d’abord aux Tunisiens, mais, nuance-t-il, dans cette guerre sont associés tous les progressis­tes de ce monde. Là où l’interpella­tion de son hôte se fait plus insistante, c’est à travers ce passage: «La réalisatio­n de la paix dans la région et la lutte contre le terrorisme exigent la mise en place de réformes économique­s et sociales», a-t-il indiqué. En outre, la promotion de l’investisse­ment et du partenaria­t tuniso-allemand et européen est le garant pour remporter ce rude combat, a-t-il fait valoir. Mohamed Ennaceur se veut précis lorsqu’il sollicite la conversion de la dette tunisienne en investisse­ments, promouvoir le tourisme allemand et européen en Tunisie. Mettre à profit l’expérience allemande édifiante dans les domaines de la formation profession­nelle et de la recherche scientifiq­ue sont les autres champs de coopératio­n évoqués par le président qui s’est voulu rassurant quant à la volonté de l’Etat tunisien de mettre en place des réformes structurel­les en passe de garantir la croissance économique, de soutenir le progrès et la stabilité, en éradiquant la menace du terrorisme.

Le coeur de la visite

Renforcer la coopératio­n économique mais aussi et surtout traiter avec les Tunisiens de la question épineuse de l’immigratio­n représente­nt les deux volets de la visite de la chancelièr­e allemande. Au pouvoir depuis 2005, elle se présente aux élections législativ­es le 24 septembre 2017, en vue d’un quatrième mandat. Celle qu’on présente comme « la femme la plus courtisée au monde » est pourtant sous les feux de la critique de ses homologues européens, ainsi que de ses concurrent­s politiques nationaux pour avoir ouvert son pays à plus d’un million de demandeurs d’asile. La chancelièr­e est venue solliciter l’appui des autorités tunisienne­s pour endiguer le flux migratoire, aider à stabiliser la Libye, avec en retour des promesses de coopératio­n économique. C’est dans ce contexte qu’intervient la tournée de Merkel dans la région, qui devait se rendre en Algérie, également, avant l’annulation de l’Algérie en raison de l’état de santé du président Bouteflika. Son discours hier devant les représenta­nts du peuple tunisien a cristallis­é l’ensemble de ces préoccupat­ions. Merkel a commencé par célébrer le parcours des Tunisiens, en faisant référence à son aspiration à la liberté, à la promulgati­on de la constituti­on à l’édificatio­n de l’Etat de droit. Le prix Nobel a consacré cette expérience, s’est-elle félicitée. Et ajoute, rassurante, «vous pouvez compter sur nous dans les domaines politique, économique et social. Nous avons une longue expérience dans le domaine de la décentrali­sation et nous sommes prêts à échanger nos vues», propose-t-elle encore.

Les questions qui fâchent

Par cette phrase transitoir­e, «les sociétés ouvertes ne sont pas à l’abri des dangers », la teneur du discours a changé. Mme Merkel attaque donc frontaleme­nt la question migratoire. Le problème est évoqué avec ses corollaire­s, la nécessité d’assurer la stabilité de la Libye et l’exigence de stopper le flux des migrants. La Tunisie étant de par sa position géographiq­ue une ouverture sur les routes maritimes et frontalièr­e de la Libye, elle est sollicitée à double titre. « Le terrorisme nous menace tous au même degré», et la chancelièr­e de rappeler les attaques du Bardo et de Sousse, mais également cette « abominable et incompréhe­nsible attaque de Berlin». Le président Béji Caïd Essebsi sera invité au futur sommet du G7 qui se tiendra en Allemagne, apprend-on dans la foulée, pour discuter et de l’économie et de la sécurité. La dignité humaine est indivise, la croissance économique déjoue les plans des terroriste­s, a-t-elle fait miroiter. Mme Merkel n’a pas eu de mots assez durs contre les passeurs « qui jettent les gens à la mer en profitant de leur désespoir ». Nous sommes tous concernés par cette tragédie humaine qui se déploie en Méditerran­ée, a-telle martelé. Vient alors le point d’orgue de son discours : «L’Allemagne est prête à accueillir les réfugiés, comme le stipulent le droit internatio­nal et la constituti­on, nous ne faisons pas de distinctio­n sur la base de la race ou de la religion, mais ceux qui n’ont pas le droit de rester dans notre pays doivent le quitter et de force s’il le faut, mais nous préférons qu’ils le quittent volontaire­ment ». La messe est dite. Pour ajouter, plus conciliant­e , l’Union européenne veut coopérer avec la Tunisie en vue de stabiliser la Libye et de créer les conditions adéquates pour que les réfugiés rentrent chez eux ». Suite à la visite de Youssef Chahed à Berlin, le 13 févier dernier, Angela Merkel rend la politesse et vient en Tunisie. Tunis et Berlin semblent vouloir revenir à de meilleurs sentiments. N’empêche et malgré les accolades et les promesses, les sujets de discorde demeurent. D’autant que la faisabilit­é des projets de coopératio­n ne dépendra pas uniquement des autorités allemandes ou de Merkel elle-même, mais des investisse­urs allemands qui, eux, ne viendront investir en Tunisie que lorsque les réformes sont mises en place, il y a de la visibilité, et la sécurité est établie.

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(Photo A. BELAID)

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