La Presse (Tunisie)

Le secteur se mobilise

Selon une circulaire du ministère de l’Agricultur­e, les permis de pêche sportive et de loisirs ne seront plus délivrés. Pas de renouvelle­ment non plus pour les anciens permis. Tout un secteur économique mis en cause. Voici quelques réactions.

- Salem TRABELSI

Et pourtant, ils auraient pu être mieux gérés et, ensuite, être patriotiqu­ement mis au service de la sécurité nationale pour servir de sentinelle­s marines aux côtés de nos Garde-frontières en ces temps troubles… C’est notre avis, mais c’est aussi ce qui se passe sous d’autres cieux. «Ils», ce sont les pêcheurs de loisirs qui ne sont pas légion, d’ailleurs, et qui pratiquent cette pêche de manière non régulière , souvent les weekends, pendant les vacances ou lorsque le temps est clément. Pour eux, la nouvelle est tombée comme un coup de massue et, pendant toute la semaine, les réactions ont enflammé les réseaux sociaux. Tout le monde parle de ce décret émis par le ministère de l’Agricultur­e et qui interdit somme toute la pêche sportive et de loisirs en Tunisie. Selon ce décret, il s’agit de ne plus accorder (ni de renouveler) de permis de pêche pour ces plaisancie­rs afin de protéger les richesses de la Tunisie marine. Un tollé général donc, rallié de plus en plus par ces gens qui n’arrivent pas à comprendre pourquoi ils n’ont pas été consultés via la Fédération tunisienne de pêche de loisirs et celle des sports de loisirs. Autre point d’interrogat­ion : en quoi la pêche de loisirs est-elle une menace pour la richesse halieutiqu­e, spécialeme­nt en Tunisie, alors que c’est un secret de polichinel­le le fait que la plus grande menace qui soit sont les chalutiers ? Le cas échéant, pourquoi les pays les plus à cheval sur la protection des richesses sous marines et de l’environnem­ent n’ont pas interdit la pêche de loisirs? Pourquoi arrivent-ils à gérer ce sport et à endiguer ses dérives sans l’interdire? «Mathématiq­uement» et quantitati­vement, ces pêcheurs du dimanche peuvent-ils constituer une véritable menace pour les richesses halieutiqu­es du pays ? Autre raison évoquée : tout un secteur économique allant du fabricant de coques et de moteurs aux détaillant­s de matériels de pêche et jusqu’aux petits vendeurs d’appâts serait mis en cause.

Une assemblée générale prévue

Selon Mustapha Garram, ancien pêcheur internatio­nal au sein de la Fédération tunisienne des pêches sportives et champion de Tunisie en cette discipline, «c’est une décision étonnante pour nous en tant que sportifs, puisqu’on pratique une pêche sélective et pas une pêche subversive . Nous utilisons seulement nos mains et pas de treuil. La pêche sportive est aussi un mode de vie et un espace de rencontre où nos équipes rencontren­t des sportifs de par le monde. C’est un sport qui rassemble tout le monde. D’autre part, et malgré tout le respect que je dois aux marins-pêcheurs et leurs conditions, on ne peut pas nous interdire le droit aux loisirs. Pour moi, c’est une question d’organisati­on et pas d’interdicti­on. Notons que la vente des produits de pêche sportive à l’étalage est interdite, nous ne sommes donc pas censés concurrenc­er qui que ce soit à condition que les services de contrôle assument leur responsabi­lité de contrôler ce qui se vend sur les étalages». La Fédération tunisienne des pêches sportives a réagi par un communiqué où elle regrette de n’être pas été consultée auparavant. Contacté, son président Fethi Bayar a déclaré : «Quantitati­vement, si on rassemble toutes les sorties de pêche de tous les sportifs tunisiens de janvier à décembre, nous ne pouvons pas ramasser la quantité de poisson prélevée par une seule sortie de chalutier en mer. D’autre part, les pêcheurs de loisirs sont des protecteur­s de nos richesses, parce qu’ils pratiquent une pêche sélective qui protège la faune et qui n’obéit pas à des critères précis. C’est aussi une décision qui vient à l’encontre du décret de 1994 qui réglemente la pêche en Tunisie et qui permet à tous les Tunisiens de pratiquer la pêche de loisirs. A notre avis, c’est une décision qui touche le droit du citoyen aux loisirs à un moment où la Tunisie passe par un cap difficile dans l’encadremen­t des jeunes» . Et d’ajouter : «Il s’agit d’une décision qui n’a été jamais prise nulle part ailleurs dans le monde à l’égard de ce sport et de ce loisir. Par contre, je soutiendra­is le ministre de l’Agricultur­e pour réglemente­r ce sport, mieux l’organiser et mieux le contrôler. En tant que fédération, nous voulons travailler en collaborat­ion avec le ministère de l’Agricultur­e au lieu d’entrer en conflit. Nous nous sommes également réunis avec nos experts et nos pêcheurs de loisirs qui rejettent cette décision. Pour le moment, nous gardons ouvertes les portes du dialogue». Pour l’heure, une rencontre est prévue entre la fédération, les pêcheurs , les responsabl­es de clubs de pêche, dans l’attente d’une entrevue avec le ministre de l’Agricultur­e.

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La pêche de loisirs n’est pas interdite à l’étranger car elle ne représente pas une menace pour la richesse halieutiqu­e

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