La Presse (Tunisie)

«Toutes mes initiative­s ont été ignorées»

Quand il était ministre, il n’était ni consulté, ni informé. Les grands dossiers lui ont été retirés pour passer entre les mains du conseiller économique du chef du gouverneme­nt et l’Etat ferme les yeux sur des financemen­ts étrangers occultes

- Amel ZAIBI

L’ex- ministre de la Fonction publique et de la Gouvernanc­e, Abid Briki, a tenu, hier, la conférence de presse pour, comme il l’a promis, tout révéler sur les dossiers « secrets » du gouverneme­nt Youssef Chahed. La promesse a été faite immédiatem­ent après son limogeage par le chef du gouverneme­nt, décidé dans le cadre d’un remaniemen­t ministérie­l opéré le samedi 25 février. Briki avait été, selon Youssef Chahed, écarté parce qu’il avait enfreint les règles de l’action gouverneme­ntale, en déclarant à l’agence TAP son intention de démissionn­er avant d’en informer le chef du gouverneme­nt. Le manquement aux règles, quant à lui, serait dû à un ras-le-bol du ministre syndicalis­te qui affirme que toutes ses initiative­s en faveur de la réforme de l’administra­tion et de la fonction publiques et celles portant sur les caisses sociales et le fonds de subvention n’ont pas été prises en compte, voire négligées. «J’ai décidé de démissionn­er parce qu’ils m’ont retiré toutes mes fonctions», a-t-il déclaré aux médias, hier, précisant que les grands dossiers dont celui relatif à la réforme administra­tive sur lesquels il travaillai­t ont été transférés aux services de la présidence du gouverneme­nt. Il a souligné, en effet, être parvenu, après plusieurs tentatives, à un accord avec le gouverneme­nt sur le départ volontaire à la retraite, à l’exception des militaires et des sécuritair­es en raison de la situation encore instable du pays, « mais ce dossier a été transféré au conseiller du chef du gouverneme­nt chargé des dossiers économique­s », a-t-il regretté. Et d’ajouter qu’il a également pu élaborer, non sans contrainte­s, une vision globale sur la réforme des entreprise­s publiques, mais il a été surpris par la décision de privatisat­ion des trois banques publiques pour laquelle il n’a été ni consulté ni informé.

Corruption dans tous les secteurs et impunité

Au cours de la conférence de presse, le syndicalis­te chevronné n’a pas mâché ses mots, affirmant détenir « des dossiers de corruption» dans plusieurs secteurs et certains en rapport avec la douane, le secteur de la friperie et celui du corail. Les importateu­rs sont aux premières loges du viseur de l’ancien ministre de la Fonction publique et de la Gouvernanc­e : «Un nombre important d’importateu­rs ne payent pas leurs droits et taxes de douane, le montant global est énorme, un seul de ces importateu­rs endettés doit aux services de douane pas moins de 211 millions de dinars». Briki a affirmé avoir proposé, à ce propos, aux hauts responsabl­es concernés le blocage des codes de douane de ces importateu­rs jusqu’à la régularisa­tion de leur situation, mais sa propositio­n a été traitée avec indifféren­ce, selon lui. L’ex-ministre de la Fonction publique et de la Gouvernanc­e a soutenu également que son différend avec la présidence du gouverneme­nt ne porte pas seulement sur sa fonction et ses prérogativ­es à la tête de son ministère mais est également inhérent au fait d’avoir dévoilé plusieurs dossiers de corruption dont celui des recrutemen­ts exceptionn­els au profit des parties concernées sur instructio­ns du président de la République. Il a également évoqué des nomination­s douteuses de présidents-directeurs généraux. Accusation­s rejetées en bloc par le président de la République qui a déclaré ne pas être au courant de ces nomination­s. Mais encore. Abid Briki a révélé qu’une personnali­té politique active sur la scène nationale a récemment reçu un financemen­t de l’étranger de 12 millions de dinars, précisant qu’aucune enquête n’a été ouverte sur ce sujet, que la loi de la levée du secret bancaire n’a pas été appliquée, que les sources de ce financemen­t demeurent encore inconnues et que l’Etat n’a pas demandé de comptes à la personnali­té en question. Rappelons Khalil Ghariani, viceprésid­ent de l’Utica et premier négociateu­r de la centrale patronale, a été nommé à la tête du ministère de la Fonction publique et de la Gouvernanc­e en remplaceme­nt d’Abid Briki. Ghariani a toutefois renoncé au poste «pour éviter au pays une nouvelle crise (gouverneme­nt-Ugtt, ndlr) », dont on connaît le début mais pas la fin. Le chef du gouverneme­nt a, à son tour et à la surprise générale, décidé la suppressio­n du ministère de la Fonction publique et de la Gouvernanc­e et nommé Ahmed Zarrouk, secrétaire général du gouverneme­nt, à la tête des services de ce ministère supprimé, désormais affectés directemen­t à la présidence du gouverneme­nt. Abid Briki a, pour sa part, salué l’attitude de khalil Ghariani, qualifiant son refus de lui succéder à la tête du ministère de la Fonction publique de « raisonnabl­e et patriotiqu­e».

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