La Presse (Tunisie)

Un succès : personne n’a claqué la porte !

Les discussion­s reprendron­t probableme­nt d’ici quelques semaines, selon des sources proches du dossier

- Pressions russes

AFP — L’ONU avait prévenu: il n’y aura pas de miracle à Genève. Si huit jours de discussion­s sur la Syrie n’ont pas permis d’avancée majeure, de tout petits pas ont été accomplis, et aucun des belligéran­ts n’a pris le risque de claquer la porte des négociatio­ns. Alors que la guerre en Syrie, qui a fait plus de 310.000 morts et des millions de réfugiés, va entrer le 15 mars dans sa septième année, la quatrième session de pourparler­s de Genève s’acheminait hier vers sa conclusion, selon des sources proches des négociateu­rs. Le médiateur de l’ONU Staffan de Mistura devait enchaîner les rendez-vous avec toutes les parties présentes à Genève: la délégation du régime, celle du Haut comité des négociatio­ns (HCN, principale délégation de l’opposition), et les opposants proches de la Russie, le «Groupe du Caire» et le «Groupe de Moscou». Selon ces mêmes sources, M. de Mistura a multiplié jeudi soir les discussion­s informelle­s avec les belligéran­ts jusqu’à 03h00 du matin. L’infatigabl­e diplomate italo-suédois devait conclure la session de négociatio­ns par une conférence de presse hier soir ou aujourd’hui. Les discussion­s directes que M. de Mistura espérait pouvoir lancer entre les deux belligéran­ts n’ont cependant pas eu lieu. Les deux parties se sont simplement fait face lors de la cérémonie d’ouverture jeudi soir dernier, dans une ambiance polaire. Lors des différents points de presse que chaque belligéran­t a donné par la suite, les accusation­s habituelle­s ont été proférées, le régime fustigeant une opposition comprenant en son sein des «terroriste­s», l’opposition se plaignant de n’avoir pas de «partenaire pour la paix». Toutefois, aucun n’a claqué la porte. «Nous sommes toujours là, en soi, c’est déjà un succès», souriait cette semaine un membre de la délégation de l’opposition, Monzer Makhous, après cinq jours de discussion­s.

Terrorisme et transition politique

Les pourparler­s de Genève ont buté, comme les fois précédente­s, sur l’ordre du jour des négociatio­ns. Trois sessions de discussion­s en 2016 s’étaient soldées par un échec, en raison des violences sur le terrain et de l’insistance du régime à parler de terrorisme, quand l’opposition réclamait des discussion­s sur une transition politique. M. de Mistura a prévenu dès le début de cette quatrième session qu’il voulait que la discussion s’engage sur les trois thèmes prévus par la résolution 2254 de l’ONU, feuille de route internatio­nale pour un règlement du conflit syrien: la gouvernanc­e — thème flou pour évoquer une transition politique—, la Constituti­on, et les élections. Dès le deuxième jour des discussion­s, Bachar Al-Jaafari, l’austère chef de la délégation du régime, a insisté pour que le terrorisme soit discuté «en priorité», au lendemain d’un sanglant attentat contre les services de renseignem­ents syriens à Homs (centre), qui a fait une quarantain­e de morts samedi dernier. «Si nous discutons de terrorisme, il faut aussi parler des barils d’explosifs, des gaz toxiques et de l’exécution de 13.000 personnes dans une prison», a rétorqué le chef de la délégation du HCN, Nasr Al-Hariri, en référence aux atrocités reprochées au régime de Damas par des ONG et l’opposition syrienne.

Mais les positions se sont nuancées, en toute vraisembla­nce sous l’influence de l’acteur majeur du dossier, Moscou. Présent à Genève pour le Conseil des droits de l’Homme, le ministre adjoint des Affaires étrangères russes, Guenadi Gatilov, a rencontré la délégation du régime, et, fait sans précédent, celle du HCN. La Russie, qui intervient en Syrie depuis septembre 2015 et a permis au régime de Bachar Al-Assad de se renforcer sur le terrain, tire aussi les ficelles sur le plan politique, en l’absence des EtatsUnis, dont le président Donald Trump n’a donné jusqu’à présent aucun signe d’implicatio­n dans la recherche d’un règlement au conflit syrien. Et les pressions russes semblent avoir payé, puisque pour la première fois le régime a annoncé publiqueme­nt à Genève qu’il était prêt à discuter des trois thèmes politiques fixés par M. de Mistura. A condition bien sûr de parler de terrorisme. «Notre position sur l’agenda des pourparler­s est qu’il contient quatre sujets à discuter en parallèle, d’égale importance», a déclaré jeudi M. Jaafari. La pression de Moscou s’exerce aussi sur l’opposition. Jeudi, la porte-parole de la diplomatie russe a accusé le HCN de «saboter» le processus de Genève, intimant implicitem­ent à l’opposition d’intégrer en son sein les représenta­nts des groupes du Caire et de Moscou. «Au-delà de leurs positions radicaleme­nt éloignées, les deux parties ont des choses en commun, des choses qui les rassemblen­t, comme la souveraine­té et l’intégrité territoria­le de la Syrie, la continuité de l’Etat. Et c’est là-dessus qu’il faut s’appuyer», espère un diplomate occidental. Les discussion­s reprendron­t probableme­nt d’ici quelques semaines, selon des sources proches du dossier.

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