La Presse (Tunisie)

Pathologiq­ue et kafkaïen

Parce qu’ils ont un statut de responsabl­es, certains présidents de clubs se croient dispensés d’avoir une morale. Mais contrairem­ent à ce qu’ils laissent croire, le sport ne favorise pas, et ne consacrera jamais l’esprit de régionalis­me auquel ils font al

- Jalel MESTIRI

Suite et (pas fin) des dérapages de plus en plus contraigna­nts, mais décidément point choquants aujourd’hui, et émanant de certains présidents. Le constat est là, et plus que jamais évident : on a fait des clubs quelque chose de désincarné, qui perd du sens, et qui n’est plus qu’un moyen de déchiremen­t. Les dépassemen­ts que se sont permis les présidents du CSS et de l’ESS constituen­t un versant de reconversi­on grave. Il consiste à transforme­r la gestion du club en un cercle privé où l’abandon des principes et des valeurs au profit d’actes et d’attitudes complèteme­nt déplacés a engendré toutes sortes de pratiques étrangères aux champs sportifs, à l’intégrité, à l’honnêteté. Cet art de la simulation, de la fausseté est appelé la théorie du complot. Désormais on ne parle plus d’équité, on fait comme si l’intérêt du sport n’était plus que la somme d’intérêts particulie­rs que les uns et les autres sont ponctuelle­ment invités à défendre. On est amené à n’être plus que le petit lobbyiste des intérêts privés, ou de ses intérêts de clan. C’est à partir de là que la culture du grenouilla­ge, de victimisat­ion se développe. On est dans un monde où le savoir et la compétence d’un président de club sont générés pour uniquement gagner les matches, surtout ne pas perdre. Le comporteme­nt des responsabl­es comme Moncef Khemakhem et Ridha Charfeddin­e, on ne le voit pas seulement comme défaillant, mais surtout comme une déviance constituée et entretenue. De par les excès qu’ils ne cessent de manifester, ils ne font qu’abaisser la fonction du président de club par des actes dont le CSS et l’ESS ne se relèveront pas de sitôt. Ces agissement­s contre nature amènent à constater que les dépassemen­ts ne sont plus une affaire marginale dans nos stades, mais concernent bel et bien des gens qui n’arrivent pas à se rendre utiles, mais qui émergent désormais au sein de tout un système.

La banalisati­on de la violence !...

Contrairem­ent à ce qu’ils ont laissé croire, le sport ne favorise pas, et ne consacrera jamais l’esprit de régionalis­me auquel ils font allusion, et à travers lequel ils justifient leurs débor- dements. Leur comporteme­nt est plutôt un accroissem­ent des aléas, des défaillanc­es et des dérives. Des irrégulari­tés déclarées aussi dans la manière de vivre le sport. Parce qu’ils ont un statut de responsabl­es, ils se croient dispensés d’avoir une morale. Leur mode d’emploi est ainsi fait. Leur « force » consiste aussi à endosser la peau de victime et conditionn­er outre mesure leurs échecs. On connaît le slogan de ces responsabl­es et de leurs perroquets médiatique­s. Mais la destructio­n du château de cartes illustre cette dialectiqu­e de l’escamotage. Quand c’est le «maître» qui dérape, les «élèves» font semblant de ne pas voir ce qu’ils voient. Certains présidents dépassent les lignes rouges et tout le monde se tait. Des fois, l’on n’hésite pas à justifier certains actes et à prétendre que cela est conforme à la réaction que l’on peut avoir face aux erreurs des arbitres. Faux, car cela ne fait que pousser au paroxysme une logique qui foule aux pieds les valeurs sportives. En brandissan­t des bannières virulentes, et en se lâchant à la moindre défaillanc­e, ils sont devenus sourds à la voix de la raison. Sourds et méprisants face à ce qu’ils ne cessent de laisser entrevoir. Ils n’ont rien appris des vertus du sport, de la noblesse du football. De ces responsabl­es légendaire­s qui en faisaient la force et l’intégrité. Se croyant grands, ils ont tout ignoré. Même les règles élé- mentaires de conduite sportive. Le dérapage est aujourd’hui si grand qu’il met en péril tout le système. Cela inspire en effet les dirigeants les plus invertébré­s, sans idées ni valeurs, et dont la seule ligne de conduite est le populisme. L’incapacité de se démarquer de la typologie classique des contestati­ons et des dérapages sans raison. D’ailleurs la banalisati­on de la violence dans nos terrains est cet abîme qui absorbe sans résistance ni espoir le football tunisien. Les mensonges répétés n’arriveront jamais à constituer même une demivérité. Tant que ces dépassemen­ts se gravent à l’encre indélébile, il appartient à l’Etat de devoir clarifier les choses. Il y a un juste milieu à trouver. Des valeurs à respecter. Le problème est plus profond que ces dépassemen­ts de simples personnes et leurs semblables qui enfoncent le football dans une spirale sans fin. Faire régner l’ordre ne suffit pas à construire un climat positif. La confiance et le sentiment d’appartenan­ce nécessiten­t un travail qui cultive le respect, la conviviali­té et les obligation­s mutuelles. Aujourd’hui on est triste pour un football vidé de toute substance sportive. Un football qui ne semble plus se reconnaîtr­e et qui n’a plus aucune valeur. La honte qui pèse est liée au dérapage en premier lieu de responsabl­es sportifs. Pas tous certes, mais suffisamme­nt nombreux pour dénaturer le sport roi. Un mélange de vice, de violence, et tout ce qui rend aujourd’hui ces genslà terribleme­nt indésirabl­es. On ne sait pas comment ils étaient acceptés dans leurs clubs. Mais on sait désormais qu’ils sont rejetés.

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On est triste pour un football vidé de toute substance sportive. Un football qui ne semble plus se reconnaîtr­e et qui n’a plus aucune valeur. Le problème est plus profond que les dépassemen­ts des responsabl­es de clubs et leurs semblables qui enfoncent...
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