La Presse (Tunisie)

Pari sur la jeunesse

- Par Faouzia CHARFI

La commémorat­ion de l’indépendan­ce est l’occasion de retracer l’histoire du pays, de faire le bilan sur les plans économique et social, le point sur la situation politique actuelle, aujourd’hui si complexe. La reprise économique durable et le retour à la croissance doivent faire face aux questions préoccupan­tes de la sécurité, du chômage et du déséquilib­re régional toujours aussi présent, aux plaies que sont la corruption et l’économie informelle… Au-delà des bilans, la fête de l’indépendan­ce est un moment particulie­r parce qu’elle est associée à tous les espoirs que nous avions en 1956 pour la constructi­on d’un Etat moderne et démocratiq­ue, où chaque Tunisien aurait sa place. Elle peut inspirer autre chose qu’un état des lieux et amener à mettre en avant le lien entre la période de transition politique que nous vivons, la révolution de janvier 2011 et les premières années d’indépendan­ce. Ce lien est le rôle de la jeunesse tunisienne qui était enthousias­te au moment de l’indépendan­ce et s’est mise au travail pour relever le défi du développem­ent. La jeunesse réagit très tôt à la personnali­sation du pouvoir, au culte de la personnali­té début des années soixante et en paye le prix dès 1968, lors du procès de la gauche tunisienne devant la Cour de sûreté de l’Etat. En décembre 2010-janvier 2011, c’est la jeunesse tunisienne qui a fait la révolution. Sans leader, sans parti, de manière inédite, elle investit l’espace de la communicat­ion virtuelle comme un facteur de mobilisati­on et substitue à l’ancienne sphère publique, silencieus­e et complice des abus d’un pouvoir dictatoria­l et corrompu une nouvelle sphère publique et médiatique qui va peu à peu s’imposer dans la conquête des libertés. Et aujourd’hui, six années après, qu’est devenue cette jeunesse tunisienne ? Les espoirs étaient grands, le pays n’a pas répondu à ses attentes si fortes, le Tunisien s’interroge sur l’avenir de la Tunisie. Pourra-t-elle demeurer un pays d’exception dans le monde arabe et rester fidèle à ceux qui, depuis près de deux siècles, ont pensé et oeuvré pour une nation tunisienne ancrée dans la modernité ? Pourra-t-elle offrir un avenir à tant de jeunes exclus du monde du travail, aujourd’hui désespérés de ne pas trouver leur place dans la société ? L’indépendan­ce avait ouvert les écoles pour tous les enfants de la nouvelle République et avait libéré les femmes et mis en place une politique de planning familial, osant la rupture avec la société traditionn­elle, s’engageant dans l’option moderniste de Bourguiba. Quelle rupture opérer aujourd’hui pour que les enfants de la IIe République ne tombent pas dans le désespoir et participen­t pleinement à sa constructi­on plutôt que de se laisser séduire par des desseins destructeu­rs? Comment redonner confiance à une jeunesse en perte de repère dans un monde mondialisé que la frénésie de consommati­on met en danger ? Il y a un visage de la Tunisie peu visible et peu valorisé, celui de jeunes dont les parcours de vie donnent l’espoir et suscitent l’envie de faire de même. Ils sont créatifs, ils lancent des start-up et exploitent le numérique pour abolir les distances, ils seront demain producteur­s de contenu technologi­que à l’échelle mondiale. Ils inaugurent une autre manière de travailler dans un mode collaborat­if et de concevoir l’espace du travail en le partageant. Ils s’engagent dans la société civile, ils sont pour la défense des libertés et refusent que l’on porte atteinte aux minorités. Ils sont convaincus que les avancées scientifiq­ues peuvent constituer un atout pour la préservati­on de la planète plutôt que sa dégradatio­n et mettent en action leurs conviction­s en s’impliquant dans le cadre associatif. Ces jeunes nous montrent un des chemins possibles pour l’avenir où la liberté rime avec le respect de l’autre, où la rupture ne signifie pas le chaos, où la politique ne signifie pas ambition personnell­e mais l’engagement pour le développem­ent du pays. Alors, peut-être qu’encore une fois, le futur sera le fruit de l’amour des « jeunes Tunisiens » pour leur pays et leur sens de la responsabi­lité.

Il y a un visage de la Tunisie peu visible et peu valorisé, celui des jeunes dont les parcours de vie donnent l’espoir. Ces jeunes nous montrent un des chemins possibles pour l’avenir où la liberté rime avec le respect de l’autre, où la rupture ne signifie pas le chaos, où la politique ne signifie pas ambition personnell­e mais l’engagement pour le développem­ent du pays. Alors, peut-être qu’encore une fois le futur sera le fruit de l’amour des « jeunes Tunisiens » pour leur pays et leur sens de la responsabi­lité.

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