La Presse (Tunisie)

Bourguiba, toujours parmi nous !

- A. DERMECH

Bourguiba, ou plutôt le bourguibis­me, est-il revenu réellement en Tunisie ou plus concrèteme­nt dans le comporteme­nt quotidien de nos élites politiques, qu’elles appartienn­ent aux partis de la coalition au pouvoir ou aux partis d’opposition ? La question s’impose d’ellemême, à la faveur de la célébratio­n, aujourd’hui, du 61e anniversai­re de l’indépendan­ce et aussi dans ce contexte d’engouement général pour Bourguiba, pour son oeuvre et pour sa vision politique avant et après l’indépendan­ce au point qu’on ne sait plus si Bourguiba était destourien, islamiste, nationalis­te arabe ou même socialiste de la première heure. Aujourd’hui, six ans après la révolution et dix-sept ans après la disparitio­n de Bourguiba, tout le monde se livre à une course folle dans le but de prouver sa filiation à Bourguiba, sa fidélité à ses travaux et en particulie­r son attachemen­t à son pragmatism­e et à son sens historique, lesquels ont permis à la petite Tunisie, par sa géographie et ses ressources naturelles, de devenir la grande Tunisie qu’on écoutait sur le plan internatio­nal et dont on sollicitai­t l’interventi­on ou la médiation quand les tensions régionales s’accumulaie­nt et que les belligéran­ts refusaient que les grands leur imposent leurs solutions. Aujourd’hui, on célèbre l’indépendan­ce acquise sous la conduite de Bourguiba et de son parti, le Néo-Destour, devenu le PSD en 1964 puis le RCD en 1988, mais on se pose la question suivante: où est Bourguiba dans le discours politique régnant, qui sont ses vrais disciples et les continuate­urs de son oeuvre, qui croire parmi ceux qui prétendent être les enfants de Bourguiba et font pratiqueme­nt le contraire de ce que celui-ci aurait fait s’il était encore parmi nous ? Plusieurs autres interrogat­ions teintées de déception et de désespoir persistent, notamment auprès de ceux qui ont connu Bourguiba, qui savent comment il désignait ses ministres et comment il les révoquait (Bourguiba tenait à recevoir les ministres partants, les remerciait pour ce qu’ils ont accompli et annonçait qu’ils seront appelés à d’autres fonctions) et surtout comment il réglait les différends entre les ministres et le Premier ministre. Il existait beaucoup de conflits entre Nouira et ses ministres, entre Mzali et ses collaborat­eurs et entre Béhi Ladgham et Hédi Nouira ou Ahmed Ben Salah à titre d’exemple. Aujourd’hui, quand un ministre est révoqué, c’est la catastroph­e nationale et la mobilisati­on générale, y compris les partis soutenant le chef du gouverneme­nt, pour dénoncer la décision de ce dernier. A chaque époque, ses moeurs. Aujourd’hui, on célèbre l’indépendan­ce, une opportunit­é pour se remémorer la belle époque de Bourguiba.

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