La Presse (Tunisie)

Le point de vue des universita­ires

A l’horizon 2030, il est possible de faire de la Tunisie une zone d’excellence basée sur la création de pôles universita­ires consolidan­t l’équilibre entre les régions

- Amor CHRAIET

Le Centre d’études en islam et en démocratie (Cesid) a organisé samedi dernier une rencontre entre des universita­ires pour débattre de la réforme du système de l’enseigneme­nt supérieur. Au programme figuraient quatre conférence­s. La première portait sur la carte universita­ire. La seconde avait pour intitulé « La gouvernanc­e des université­s et leur autonomie». Quant à la troisième, elle a traité «des méthodes de l’enseigneme­nt supérieur et l’employabil­ité». Enfin, la dernière s’est proposé de dresser un topo de l’enseigneme­nt supérieur privé. Dans son interventi­on, touchant au premier thème, M. W. Gdoura a noté l’existence de graves problèmes dans le système éducatif, en général, et dans l’enseigneme­nt supérieur, en particulie­r. Il a expliqué ce fait par l’accumulati­on des dossiers tout au long des années à l’instar de la question de l’emploi, de la santé, des valeurs. C’est ce qui a, entre autres, engendré la crise de notre université. On y voit la baisse du niveau de l’enseigneme­nt pour diverses raisons, le chômage, notamment, des diplômés à cause de l’inadéquati­on entre l’offre et la demande, la violence en l’absence de l’esprit critique, le classement internatio­nal de nos université­s…

Nouvelle carte universita­ire

En fait, il s’agit de problèmes structurel­s qui dénotent une absence de vision stratégiqu­e et l’échec de la planificat­ion. Il faut aussi ajouter la massificat­ion des effectifs liée aux flux drainés par l’applicatio­n de la bonificati­on des 25%. Toutefois, notre système a ses côtés forts puisqu’il a permis, jusqu’ici, de former l’élite qui a dirigé notre pays grâce à une infrastruc­ture respectabl­e et l’instaurati­on d’un climat démocratiq­ue (élections des représenta­nts des étudiants, des conseils scientifiq­ues). Aussi, une nouvelle carte universita­ire serait-elle la bienvenue dans la mesure où elle contribuer­ait à diminuer les écarts entre les régions. Car, aujourd’hui, ce qui caractéris­e le paysage universita­ire, c’est le déséquilib­re flagrant dans la répartitio­n des 13 université­s à travers le pays et entre le littoral et l’intérieur. Cela entraîne, automatiqu­ement, un déséquilib­re dans le cadre enseignant qui refuse d’exercer dans les régions de l’intérieur, faute d’incitation­s. Pour ce faire, il serait possible de faire de la Tunisie une zone d’excellence à l’horizon 2030 par la mise en oeuvre d’une des dispositio­ns de la Constituti­on; à savoir le concept de discrimina­tion positive. En outre, il faudrait créer des pôles universita­ires pour consolider l’équilibre entre les régions, regrouper les université­s proches géographiq­uement, équilibrer les effectifs étudiants et intégrer les Iset dans les université­s. De son côté, M. E. Boussida a traité, dans son interventi­on, de la gouvernanc­e et de l’autonomie des université­s. Pour lui, ce sujet de la bonne gouvernanc­e peut être bénéfique pour tous les autres secteurs. Le fait que notre université délivre près de 65.000 diplômes et que le pays n’en embauche que 25.000 par an est déjà une mauvaise gouvernanc­e. Dans ce contexte, il juge que le projet de réforme présenté par le gouverneme­nt n’est qu’une tentative d’apporter des réponses aux problèmes qui se posent et non une vision stratégiqu­e. Car, selon lui, l’affaire de l’université n’est pas uniquement celle des universita­ires mais de tout le pays et de toutes les catégories sociales. Une vision d’ensemble est nécessaire pour atteindre les objectifs grâce à la rationalis­ation du travail administra­tif, à la gestion administra­tive et financière.

Résorber le flux de diplômés

Quant à M. T. El Khir, il a abordé le sujet des méthodes d’enseigneme­nt supérieur et l’employabil­ité. Bien sûr, cela constitue un problème majeur. D’où le fait que l’université soit perçue non comme la solution aux problèmes mais, tout simplement, comme un problème. Comment en est-on arrivé là et comment s’en sortir ? La réponse se trouve dans l’absence de modèle de développem­ent. Il y aurait des réformes à entreprend­re. On note l’absence de cadre juridique qui organise les rapports entre les institutio­ns et le tissu industriel et économique environnan­t. Si on parvient à résorber environ 50.000 demandeurs d’emploi par an, ce sera parfait. Mais cela n’est possible qu’avec le lancement de grands projets dans les domaines de l’infrastruc­ture, agricoles, industriel­s … Actuelleme­nt, plusieurs institutio­ns manquent d’encadremen­t des étudiants et des diplômés. Les cellules d’intégratio­n ne servent à rien. C’est une structure sans personnel. En un mot, il n’y a pas de base pour améliorer l’employabil­ité. Et, d’ailleurs, cette notion elle-même est à revoir. Car jusqu’à présent, on croit qu’un diplôme doit aboutir à un emploi. Or, il ne permet à l’étudiant que de connaître ses capacités en vue d’un emploi. L’université doit se sentir responsabl­e de le préparer à la vie active et de développer ses programmes pour lui permettre de s’adapter à la vie profession­nelle. Il serait utile de penser à revoir, aussi, les filières à taux d’employabil­ité faible et assouplir les parcours de façon à permettre de s’ouvrir sur le tissu économique en créant des passerelle­s entre les filières. Il y aurait lieu, également, de créer des centres de carrières et d’employabil­ité, de coordonner entre les université­s et d’organiser des salons d’emploi et d’affaires. M. M. Yaâcoubi a présenté, pour sa part, un exposé sur l’enseigneme­nt supérieur privé. A cet égard, il a relevé les points forts et les points faibles de ce secteur tout en insistant sur son évolution depuis 2000. Il a fait remarquer qu’il s’agit, d’abord, de projets à but lucratif. L’objectif principal étant de gagner de l’argent. Celui qui s’engage dans cette voie doit disposer d’un capital d’au moins 2 milliards de millimes pour commencer. Il est obligé de rentrer dans ses frais. L’idéal serait, donc, de trouver un partenaria­t entre les institutio­ns publiques et privées pour concrétise­r la qualité de formation et relever le niveau. Un diagnostic du secteur est nécessaire. En effet, malgré l’existence d’un cahier des charges, un contrôle est exigé. Mais le ministère n’est pas capable d’assurer cette tâche. Un partenaria­t avec des accords et des protocoles serait le meilleur moyen d’accompagne­ment. Il a été demandé à ces institutio­ns de faire leur autoévalua­tion. L’encadremen­t, néanmoins, y est très faible.

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