Longues seront les guerres
E combat contre le terrorisme se poursuit», déclarait le ministre de l’Intérieur. «C’est une guerre de longue haleine». Propos judicieux et pertinents. Mais si le terrorisme s’est imposé comme une dure et amère réalité, voire une fatalité à affronter, qu’en est-il des autres défis économiques et sociaux, et surtout politiques auxquels la Tunisie est aujourd’hui confrontée ? Défis majeurs et qui placent la Tunisie dans une crise profonde qui a généré un manque de confiance et un grand scepticisme.
Il est vrai que depuis soixante et un ans d’indépendance, la Tunisie n’a pas encore vu le bout du tunnel de toutes les formes de sous-développement, des écarts régionaux et sociaux, presque de la mise en quarantaine de régions et de pans entiers de la société. Cela était dû à l’iniquité des systèmes mis en place, à la gestion des affaires publiques par un pouvoir trop personnel et rigide ne tolérant pas le débat, la concertation et encore moins la remise en question.
La révolution vint redonner espoir aux Tunisiens en de lendemains meilleurs, c’est-à-dire à la démocratie, à la liberté, à la dignité et au progrès économique et social global, sans exclusion ni exclusive.
Mais qu’advint-il, six ans après ? Hélas, hormis la liberté et une démocratie quelque peu faussée et maquillée par les enjeux, les faux calculs et les tiraillements partisans et étriqués, il n’y a pas grand-chose à retenir.
En fait, les politiciens ont vite fait de remplir le vide pour s’emparer de la révolution et la détour- ner de ses objectifs pour jouer à la course de relais, c’est-à-dire la course aux postes de commande. Résultat : des gouvernements successifs critiqués, d’autres controversés, avec un bilan dérisoire, voire insignifiant, à leur actif. Le septième gouvernement aujourd’hui en place peine difficilement à redresser la barre et à mettre le cap.
Pendant toutes ces années, politiciens et dirigeants n’ont pas arrêté de faire des analyses et des diagnostics et de proposer les meilleurs remèdes selon leurs théories et leurs points de vue. A telle enseigne qu’ils ont entraîné le pays dans les boyaux de la démagogie.
Jusqu’aux séances d’audition publiques instaurées par l’Instance vérité et dignité et qui, à la longue, se sont transformées en une catharsis collective à travers laquelle les victimes viennent soulager leurs souffrances; une séance de psychiatrie publique à laquelle manquent les bourreaux d’hier pour venir exprimer leur mea culpa.
On est donc bien loin encore de la réconciliation nationale globale et dont le résultat est un malaise général, une crise politique, sociale et économique qui couve encore, faute d’un engagement réel et d’une volonté d’enclencher le processus de réconciliation.
Il est temps de redresser la barre, de prendre les problèmes du pays à bras-le-corps et de surmonter toutes les crises, à commencer par la crise de confiance qui s’installe. Car le chemin des guerres que nous menons contre le terrorisme et toutes les formes de sous-développement est encore long.