La Presse (Tunisie)

Et vogue la galère pour les civils

La tentation du retour, le rêve d’une vie «normale»

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AFP — Aux portes de Mossoul ravagée par les combats, les déplacés continuent de quitter la deuxième ville d’Irak. Mais Samir Hamed et ses cinq frères ont décidé de faire le chemin en sens inverse pour rentrer chez eux. «On est restés une semaine chez des parents, maintenant on va retrouver nos maisons», confie ce père de cinq enfants, fraîchemen­t débarqué de la petite localité de Hamam Al-Alil, à quelque 15 kilomètres de Mossoul. Selon les autorités irakiennes, 152.857 personnes ont quitté Mossoul-Ouest, d’où les forces de sécurité tentent de chasser les jihadistes du groupe Etat islamique (EI). La majorité d’entre elles — plus de 98.000 — ont trouvé refuge dans des camps établis dans les environs de Mossoul, où elles reçoivent soins, vivres, couverture­s et matelas en mousse. Mais M. Hamed, ses cinq frères et leur famille, soit 34 personnes, vont tenter de retourner dans leur quartier de Wadi Hajar, repris par les forces de sécurité. «On n’a pas trouvé de place dans le camp (de Hamam Al-Alil). Il y a trop de monde, trois ou quatre familles par tente», avance le trentenair­e en guise d’explicatio­n, tout de noir vêtu et chaussé de sandales en plastique couvertes de boue.

«Entre la vie et la mort»

Face à une butte qu’il faut gravir pour rentrer dans Mossoul, la famille de M. Hamed se saisit de petites charrettes en fer, abandonnée­s par des habitants qui ont fui la ville. Ils y placent leurs bagages à main, bourrés d’affaires. Une femme du groupe, dans un niqab noir, peine à avancer avec la couverture beige sale qu’elle tient dans ses bras. Elle finit par relever le voile qui lui couvre le visage. «On sera mieux à la maison», poursuit M. Hamed, qui rapporte des biscuits, du lait, du beurre dans ses affaires. Avant de quitter Mossoul, la famille a pourtant vécu un enfer. «On était entre la vie et la mort. Il n’y avait rien à manger, rien à boire. On se couchait le soir, je regardais mes enfants et me demandais lequel allait mourir ou être blessé», raconte M. Hamed. A ses côtés, son fils aîné, un bonnet enfoncé sur la tête. Il est âgé de 12 ans mais en paraît moitié moins. «On rentre parce qu’on nous a dit que la situation s’était améliorée, il n’y a plus de combats. On va retrouver nos maisons», persiste-t-il. Comme lui, nombreux sont les habitants de Mossoul qui aspirent à un retour à une vie normale.

Magasin vide

Dans le quartier résidentie­l d’AlJawsak, où les habitants ont accroché des drapeaux blancs à l’entrée des petites maisons bordant des rues jonchées de gravats et de ferrailles, Louai Adnan, 34 ans, a rouvert depuis quatre jours l’épicerie qu’il tient avec son frère. «Je restais à la maison, je n’ai nulle part où aller. Ce magasin, c’est notre seule source de revenus», souligne-t-il dans la semipénomb­re de sa boutique. Les volets en fer blanc de sa devanture, striés d’impacts de balles, n’ont pas été ouverts et les combats ont fait voler en éclats sa façade en verre. «J’ai ouvert pour permettre aux gens de faire leurs courses, pour que la vie reprenne son cours normal», explique M. Adnan. Mais des rayons entiers restent vides. Sur quelques étagères seulement, des marchandis­es fraîchemen­t acheminées de Hamam Al-Alil: sauce tomate, paquets de vermicelle et de boulghour, haricot blanc, huile, oeufs, thé. « Il y a plein de choses qui manquent, le magasin est vide. On n’a pas de viande, pas de recharge téléphoniq­ue», soupire M. Adnan, une casquette enfoncée sur ses cheveux poivre et sel. Avant l’arrivée de l’EI en juin 2014, «ce magasin était rempli, vous pouviez trouver tout ce que vous vouliez», confirme Ahmed, un voisin qui vient d’acheter de l’eau, des oeufs et des pommes de terre. «Il n’y a pas de légumes, pas de poulet», déplore ce quadragéna­ire à la barbe grisonnant­e vêtu d’une djellaba grise, venu accompagné de son fils, Mohamed, 13 ans. Le garçon en survêtemen­t marron se tient timidement à ses côtés, un pansement blanc entourant son front. Il a été blessé par un éclat d’obus.

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