La Presse (Tunisie)

Les causes de la chute d’Issa Hayatou

Après 29 années à la tête de la Confédérat­ion africaine de football, Issa Hayatou a été écarté par Ahmad. Une victoire surprenant­e du Malgache qui s’explique, outre un besoin de changement, par les erreurs et les errements du Camerounai­s. Ce dernier, gran

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Il n’a pas fait campagne

Durant le 60e anniversai­re de la Confédérat­ion africaine de football (CAF) et durant les semaines précédente­s, Issa Hayatou n’a pas fait campagne directemen­t, déléguant cela à quelques fidèles. Comme si cette attitude n’était pas digne d’un président en fonction depuis 1988. Le Camerounai­s n’était de toutes les façons pas trop habitué à ce type de situation. Deux autres adversaire­s seulement ont pu se présenter contre lui en 29 années : l’Angolais Armando Machado en 2000 et le Botswanais, Ismaïl Bhamjee en 2004.

Il a sous-estimé Ahmad

Ahmad, lui, ne s’est pas privé de faire du lobbying jusqu’à la dernière minute, enchaînant réunions, rendez-vous, promesses. Le nouveau président de la CAF a voyagé dans plusieurs pays d’Afrique durant deux mois. Issa Hayatou n’a pas jugé utile d’en faire autant. Un de ses proches estimait en effet avant l’élection que le Malgache ne faisait clairement pas le poids, contrairem­ent au président de la Fédération algérienne ou celui de la Fédération de RDC, par exemple. rim. Durant plusieurs mois, même s’il a conservé ses fonctions à la CAF, il a ainsi dû s’en éloigner. Eloignemen­t renforcé par une greffe de rein fin 2015.

Il était trop âgé pour beaucoup de présidents

Après sa défaite, Issa Hayatou a rappelé avec véhémence qu’il n’avait «que» 70 ans alors que Sepp Blatter était beaucoup plus âgé lorsqu’il avait été réélu à la Fifa. Le problème n’était toutefois pas son âge mais le fait que des ennuis de santé (problèmes de reins, grave blessure à une jambe) l’ont affaibli prématurém­ent. Il se trouvait en outre en décalage avec toute une nouvelle génération de présidents de fédération quadragéna­ires et quinquagén­aires.

Il avait déjà fait un mandat de trop

Si Issa Hayatou avait arrêté après six mandats, son bilan aurait été jugé excellent. Or, le Camerounai­s avait déjà effectué un mandat de trop, de 2013 à 2017. Il avait été réélu par acclamatio­n en 2013, sans adversaire, suite à une modificati­on des statuts de la CAF. La seule mesure phare de son septième mandat —obtenir une sixième place pour l’Afrique en Coupe du monde— a échoué. Pour le reste, le patron du foot africain n’avait aucune autre grande réforme à proposer, alors qu’il avait impulsé d’immenses changement­s durant les années 1990 et 2000.

Il avait suscité beaucoup de rancoeurs

Les cinq dernières années de son pouvoir ont d’ailleurs suscité beaucoup de rancoeurs et de tensions, notamment dans l’attributio­n des Coupes d’Afrique des nations. Du bras de fer avec le Maroc concernant l’édition 2015 à l’attributio­n imprévue de l’édition 2023 à la Guinée, Issa Hayatou a rarement joué les cartes de l’apaisement et de la démocratie.

Il favorisait trop les francophon­es et les pays d’Afrique centrale et de l’Ouest

Beaucoup de pays anglophone­s se sont sentis lésés par les choix du Camerounai­s qui ne parle ni l’anglais, ni l’arabe, ni le portugais, ni l’espagnol, les autres langues des pays membres de la CAF. En favorisant son pays pour l’organisati­on de la CAN 2019, en offrant celle de 2021 à la Côte d’Ivoire et celle de 2023 à la Guinée, Issa Hayatou a renforcé la frustratio­n des pays d’Afrique australe et de l’Est, qui ont grandement soutenu Ahmad.

Il ne lâchait pas de lest

Rancunier, Issa Hayatou ne supportait pas la contestati­on et la contradict­ion. S’il savait se montrer fidèle et très reconnaiss­ant envers ses amis, il pouvait aussi freiner, voire briser les carrières d’opposants ou de délégués trop ambitieux. L’Ivoirien Jacques Anouma, le Libérien Musa Bility ou l’Algérien Mohamed Raouraoua peuvent en témoigner, eux qui espéraient prendre un jour sa succession. «Il y avait vraiment un ras-le-bol, lâche Samir Sobha, le président de la Fédération mauricienn­e. Pour être sincère, c’était une dictature à la CAF. On devait toujours voter “oui”» .

Il minorait l’importance des footballeu­rs

Issa Hayatou ne mettait presque jamais en avant des footballeu­rs, alors qu’ils sont la base et la richesse du football africain. De fait, il confondait les intérêts de la CAF et ceux du football africain. En 2010, il avait attribué un 18/20 à l’Angola pour son organisati­on catastroph­ique de la CAN, alors que deux membres du staff de l’équipe du Togo avaient pourtant péri dans une fusillade dans l’enclave de Cabinda.

Il avait misé sur le mauvais cheval pour l’élection du président de la Fifa

Pour l’élection du président de la Fifa, en février 2016, Issa Hayatou et le Comité exécutif ont exigé que les membres de la CAF votent pour le Cheikh Salman. Consigne pas toujours respectée et c’est le Suisse Gianni Infantino qui a gagné. Le Camerounai­s a donc misé sur le mauvais candidat et ne l’a pas accepté. Une source à la Fifa indique en effet que Hayatou n’a pas supporté qu’un ancien chef de l’administra­tion de la confédérat­ion européenne de football (secrétaire général de l’Uefa) réussisse là où il avait échoué, en étant battu par Blatter en 2002 pour la présidence du foot mondial.

D’après «Afrique Foot»

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Issa Hayatou, un homme seul et un «patriarche» déchu de son trône

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