Performances techniques, sensibilité et sobriété
La somptueuse Dar Kammoun, convertie en Palais de la photo, abrite actuellement une exposition d’oeuvres photographiques réalisées par des compétiteurs amateurs dans le cadre du concours de la photographie, initié par la manifestation Sfax capitale de la
Les cimaises de Dar Kammoun sont tapissées d’une trentaine de photographies ayant eu les faveurs d’un jury présidé par Pierre Gassin, partenaire du projet intégré «Palais de la Photo» dont les activités sont coordonnées par son commissaire Monêem Neïfar, président de l’Association Sfax Cinéma. Le thème du concours et en même temps de l’exposition concerne les sites et les monuments historiques jalonnant les circuits «Massarat et Mazarat» (circuits et lieux de visite rituelle) de la région, en l’occurrence les vestiges de Bararus, Botria-Acholla, le fortin de Younga, les Iles Kerkennah et la Médina, pris en photo sous tous les angles par les jeunes compétiteurs. Les oeuvres accrochées sont les rescapées d’une foison de photos soumises à une sélection sévère,avant d’être retravaillées et optimisées par Gassin, sans pour autant subir de maquignonnage ni de relookage. Mais il aura fallu auparavant éliminer un peu moins de trois mille images, techniquement réussies mais un peu trop prétentieuses, inanimées, inertes, froides et dépourvues de sensibilité. «En Tunisie, on n’apprend pas aux jeunes à voir. Il manque l’apprentissage de l’oeil dans le système scolaire. Les participants au cours ont manqué d’humilité, de vision et je dirais d’encadrement alors qu’ils sont armés d’appareils souvent de qualité, tant il est vrai que les performances de l’appareil ne font nécessairement pas l’artiste, ni l’ordinateur ou le beau stylo, l’écrivain». Et Pierre Gassin de pour- suivre : «Sur les trois mille photos, j’en aurais retenu au maximum une cinquantaine sur la base de deux critères déterminants, la simplicité et la sobriété, qualités ayant fait défaut à la majorité des images lesquelles ont péché à mon sens par le rajout d’effets d’art superflus et inappropriés » , avant de moduler : «Il faut dire à la décharge des compétiteurs qu’ils ont manqué de marge de manoeuvre et de liberté de choix. Les sorties en groupe dans le cadre d’excursions programmées ont constitué une contrainte de taille, ayant imposé la même lumière à tout le monde. D’où les étonnantes ressemblances des images obtenues et la méprise des auteurs même sur leurs propres images». Il n’en reste pas moins vrai que certains photographes ont fait montre de qualités extraordinaires, confectionnant des photos d’une grande beauté, celles accrochées aux cimaises du Palais de la photo, des oeuvres d’art qui sont le produit d’une connivence admirable avec leurs appareils, c’est-à-dire le fruit de leur aptitude à mettre en oeuvre avec bonheur leur maîtrise technique lors de leur démarche de création. En effet, il est aisément perceptible pour un oeil un tant soit peu exercé de déceler dans les images exposées le reflet de certaines sensations, un regard personnel et subjectif, le sens de l’originalité et la capacité à faire parler des objets inertes, pour ne pas dire, à faire en sorte de conférer une beauté sublime à des objets pourtant d’une banalité affligeante. Pierre Gassin annonce que l’exposition va quitter Dar Kammoun, l’un des édifices de la rue Cheikh Tijani à conserver son superbe et authentique cachet architectural. Mais le concept du Palais de la photo va continuer son petit bonhomme de chemin pour des séjours successifs à Oran et à Béjaia. De plus, on va ouvrir pas mal d’autres manifestations. On va lancer un festival de jeunes photographes-reporters dans tous les pays qui ont été touchés par la culture berbère, c’est-à-dire le Maghreb, l’Egypte, l’Espagne et la France. D’autre part, les photos de Massarat vont accompagner l’exposition «Vestiges et traces» au Louvre, avant de mettre bientôt le cap sur Tunis avant Oran, Béjaia, puis Paris, Marseille et Toulon. Pour rappel, «Vestiges et traces» est une anthologie époustouflante de brio et de maestria des oeuvres d’une pléiade de photographes professionnels invités à prendre en photo les monuments et les sites historiques de la région de Sfax. Il s’agit de Marianne Catzaras, Tunis, Sofiane Bakouri, Bejaia, Hamideddine Bouali, Tunis, Mounir Ben Hadj Khalifa, Msaken, Fayçal Rezkallah dit Fay Lafaille, Oran, et Pierre Gassin, Sfax. Lesdites oeuvres ont été récemment exposées à la Cathédrale, où a eu lieu la remise des prix aux trois lauréats du concours «Massarat et Mazarat», sélectionnés par un autre jury, en l’occurrence «Faïrouz Kotti (,1er prix), Chokri Sellami (2e prix) et Tarak Bouzid (3e prix), félicités en ces termes par Houda Kechaou, coordinatrice du comité exécutif de Sfax Capitale de la culture arabe 2016 : «A travers le regard neuf propre à la jeunesse, ils ont dévoilé et épousseté les trésors du patrimoine de Sfax, accomplissant une oeuvre spectaculaire. Merci à vous…Vos photos sont les miroirs de vestiges et de traces… indélébiles».