Les multiples facettes de la supercherie
Face à la cherté des voitures neuves, les citoyens désireux d’acheter une automobile se rabattent sur les marchés d’occasion pour acquérir une automobile de seconde main.
Trop de ressemblance en Tunisie entre le marché de l’automobile et celui de l’immobilier, tant au niveau du renchérissement des prix que sur le plan de la demande, dont le taux augmente d’une année à l’autre, malgré la baisse du pouvoir d’achat du citoyen. Au marché des voitures d’occasion à El Mourouj, qu’on a visité dimanche dernier, le nombre de véhicules exposés à la vente dépassait les 2.000, mais les acheteurs se comptaient sur les doigts d’une main. La peur de l’arnaque se lisait dans le regard de certains visiteurs armés d’une velléité d’acheter une voiture et le rêve de conclure une belle affaire.
Eviter l’excès de confiance
Le marché de l’automobile a enregistré l’immatriculation de 60.595 véhicules légers en 2016, soit une hausse de 11,8%, alors que le marché parallèle a connu une baisse de 15,1%, contrairement à l’année dernière. C’est que les voitures neuves séduisent plus les Tunisiens qui ne reculent devant rien pour s’endetter encore plus. Il n’en demeure pas moins que d’autres concitoyens optent pour les voitures d’occasion. Une démarche qui n’est pas toujours sans risque. Notre visite au marché de l’auto à El Mourouj nous a permis de découvrir ce monde où il faut être accompagné d’un mécanicien et avoir un «tuyau» au sein de la communauté des intermédiaires. Dimanche 2 avril 2017. Il est 8h00 et le marché des voitures à El Mourouj est déjà bondé. La majorité des vendeurs sont sur place depuis la veille, ils sont arrivés de très loin, du centre et du sud du pays en majeure partie. Ils prennent rapidement leurs quartiers, après avoir payé, bien sûr, leur droit d’entrée, 6 dinars pour les petites voitures et 10 dinars pour les camionnettes. Tout le long de la route qui mène au marché de l’automobile, un autre marché «parallèle» a élu domicile avec autant de véhicules exposés à la vente. Des marchands de pièces auto et même des vendeurs de friperie profitent aussi de cette aubaine. Les cris de ces derniers l’emportent sur ceux des vendeurs des véhicules qui se font plus discrets, mais non moins discrets que les acheteurs potentiels qu’on a rarement rencontrés. Volkswagen, Citroën, Peugeot et Renault sont les marques les plus exposées, pas de véhicules neufs et rarement des BMW et des Mercedes. Les grandes voitures affichent des prix exorbitants qui laissent les rares acheteurs perplexes. «Les voitures 4 et 3 cylindres de fabrication française ou allemande restent les plus prisées, selon l’un des intermédiaires de vente entre les particuliers. Mais le grand problème qui se pose au niveau du marché est celui de la confiance, il y a toujours cette peur de se faire arnaquer qui est perceptible chez certaines personnes, même lorsqu’elles sont accompagnées d’un mécanicien» , enchaîne-t-il. «Certaines anomalies au niveau du moteur ne peuvent être décelées qu’après deux ou trois mois» , nous a averti un autre intermédiaire.
Les multiples facettes de la supercherie
«Première main? Année de mise en circulation? Kilométrage? Prix ?» sont les questions qui reviennent comme un leitmotiv. Le plus souvent, on s’arrête à ce stade. Rares sont ceux qui passent à l’étape de la négociation. On a eu l’impression que les gens sont là par simple curiosité, mais l’un des «samsaras» qu’on a trouvé sur place a confirmé que c’est le manque de confiance qui pousse à se comporter de cette manière. Derrière la carrosserie rutilante et le moteur bien lavé d’un véhicule, se dissimule le plus souvent le visage hideux de l’arnaque, confirme un mécanicien qu’on a retrouvé sur les lieux. Une voiture en très bon état n’a point besoin de fard pour masquer les défauts, fait-il remarquer. Et d’ajouter que certains revendeurs peu scrupuleux peuvent «rajeunir» les voitures en trafiquant les compteurs kilométriques même des grandes marques. Ces pratiques de fraude touchent un véhicule d’occasion sur trois en Europe et un sur cinq en France, selon une étude publiée en 2014. Le danger est que les voitures d’occasion en provenance de ces pays ont la cote dans notre pays. Certains spécialistes dans la vente de voitures d’occasion en ligne ont créé leur propre argus automobile qui constitue un moyen fiable pour évaluer le prix d’un véhicule et auxquels qui on peut demander conseil. L’argus est considéré comme un guide d’achat qui tient compte de plusieurs critères d’évaluation, dont la date de mise en circulation du véhicule, le kilométrage, les options, ses équipements de base, l’état de la carrosserie et les règles de l’offre et de la demande. Aucune garantie n’est offerte au moment où le citoyen procède à l’acquisition d’un véhicule d’occasion, et la vente entre particuliers n’est pas toujours sans conséquences fâcheuses. Compteurs falsifiés, voitures de «première main» douteuses, un prix bas qui cache un grave dysfonctionnement du moteur, ou un prix élevé synonyme d’une fausse preuve d’irréprochabilité qu’affichent certains revendeurs, sont des pièges à éviter. La vigilance doit être de mise à plus d’un titre.