Quand Raja n’est plus, rien ne va plus !

«C’est dur de mourir au printemps» , chantait Brel, mais la Faucheuse s’amuse à arracher nos plus belles fleurs à chaque printemps.

«C’est dur de mourir au printemps»

Il y a cinq ans, ce fut Jamil Joudy, ensuite Abdel Majid Lakhal, puis Gannoun, Ouled Ahmed, Adel Mothéré, Kalthoum Bornaz et puis d’autres encore et, maintenant, c’est au tour de Raja Ben Ammar de les rejoindre… une mort douce, sans grabuge… mais insupportablement douloureuse pour ceux qui la connaissent. Raja Ben Ammar est, certes, une de nos plus grandes comédiennes du théâtre tunisien, une grande dame, battante, fougueuse, téméraire et indomptable. Inutile d’étaler son CV et les nombreuses pièces de théâtre qu’elle a mises en scène et qu’elle a jouées avec son compagnon de scène et de vie Moncef Sayem, les formations qu’elle a encadrées, les années de vaches maigres qu’elle a vécues lorsqu’on s’est acharné à vouloir lui retirer son espace «Mad’art», les innombrables rêves de jeunes artistes qu’elle a adoptés… mais si on veut retenir une image… une seule de ce qu’est Raja Ben Ammar, c’est celle du 11 janvier 2011, jour du flash mob des artistes qui étaient en première ligne pour protester contre la dictature sur les marches du Théâtre municipal, lorsque notre Dame en noir, haut perchée sur ses talons, fière et altière, répondait aux flics qui voulaient lui interdire l’accès aux marches du théâtre : «Je n’ai de compte à rendre à personne, je suis là pour prendre le soleil, regarder le ciel, me poser sur les marches de notre théâtre, je suis libre de faire ce que je veux…» . Une pensée pour son inconsolable compagnon Moncef Sayem, ses nombreux artistes qu’elle a pris sous son aile, à tous ceux qui la connaissent et ont du mal encore à réaliser qu’elle est partie, à son public qui la suit de près, à ceux qui se souviennent de ses rares apparitions au cinéma… Raja est partie, son coeur généreux s’est avéré trop fragile pour supporter tant d’injustice... rien ne sera jamais comme avant… rien ne va plus.