La rentabilité des exploitations en jeu
L’huile d’olive, qui constitue le premier produit phare à l’export, est une filière à soutenir davantage afin d’améliorer sa performance
Le secteur agricole est un secteur stratégique pour l’économie tunisienne. Son importance a été bien mise en avant en 2015 puisque les exportations agricoles, surtout de l’huile d’olive, ont pu sauver l’année dans un contexte de baisse des recettes touristiques et de difficultés économiques aiguës. En 2016, il a pesé davantage avec la baisse des exportations de l’huile d’olive et des conditions climatiques défavorables. Ce qui provoque des interrogations quant à l’avenir de l’agriculture tunisienne et la nécessité de la mise en oeuvre d’une politique agricole à moyen et long terme. Dans ce cadre, l’Ecole nationale d’administration (ENA) a organisé, le 4 avril, une conférence sur la prospective du secteur agricole et l’alimentation à l’horizon 2030, avec la participation de l’éminente professeur Louise O. Fresco, présidente de l’Université de Wageningen aux Pays-Bas.
Cette conférence a mis en avant le rôle de l’analyse prospective dans l’anticipation des politiques et dans l’aide à la décision, selon Maher Sellami, président de l’ENA. Il affirme que cela est d’autant plus important pour le secteur agricole, dont dépendent la sécurité alimentaire et aussi le fonctionnement économique, environnemental et social. Mais malgré l’importance de l’agriculture tunisienne, ces maux persistent et recquièrent la mise en oeuvre d’une politique adéquate pour sauvegarder sa performance. M. Sellami indique la dépendance climatique, le morcellement des exploitations agricoles, la faible production, l’endettement excessif et le développement limité de la filière de transformation. “Des difficultés qui exigent de clarifier le positionnement du secteur pour l’édification de bases solides d’une agriculture prospère”, affirme-t-il. De son côté, Amor El Behi, secrétaire d’Etat auprès du ministère de l’Agriculture et de la Pêche, chargé de la production agricole, a précisé que l’accent a été mis, depuis l’indépendance, sur la garantie des produits de première nécessité, et on ne tenait pas compte de la rentabilité intrinsèque des exploitations agricoles. Il souligne que la Tunisie a atteint l’autosuffisance dans plusieurs produits. Mais pour certains, il s’agit d’une autosuffisance masquée comme pour la viande blanche, selon lui. Ce qui provoque des questionnements sur la politique agricole pour le futur en Tunisie.
Compétitivité
En outre, M. El Behi indique que la Tunisie reste encore dépendante de plusieurs produits. En 2016, elle a importé pour 1300 MDT de produits céréaliers, 400 mille tonnes de soja et 1.600 mille tonnes de maïs. “Devons-nous continuer à ce niveau dans un contexte de changement climatique? Dans quels produits devons-nous investir? Et quels choix devons-nous faire pour assurer notre sécurité alimentaire?”, s’interroge-t-il. A ce niveau, il affirme que le gouvernement oeuvre à trouver des solutions aux problématiques actuelles du secteur agricole, surtout avec la promulgation de la loi sur l’investissement qui a institué des primes et des encouragements spécifiques au secteur. “L’objectif n’est pas seulement de promouvoir la production agricole mais aussi de penser à la rentabilité des exploitations. Nous devons également penser à la compétitivité de nos produits dans un contexte international difficile et aussi sur les conséquences de la libéralisation du secteur, surtout que nous sommes en pleines négociations sur l’Accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) avec l’Union européenne. Les études prospectives peuvent nous aider à faire le choix”, signale le secrétaire d’Etat. D’ailleurs, M. El Behi précise que l’orientation des filières agricoles présente de grands défis. L’huile d’olive, qui constitue le premier produit phare à l’export, est une filière à soutenir davantage afin d’améliorer sa rentabilité et aussi conserver sa spécificité tunisienne par rapport aux variétés étrangères. Il indique également que la notion de filière doit être renforcée davantage afin d’orienter chaque région vers une spécialisation.