La Presse (Tunisie)

Le goût et le pouvoir de résistance

- Alya HAMZA

Cette oeuvre de jeunesse de Jellal Ben Abdallah s’ouvrira le 9 avril, à Carthage, symbolique­ment, puis, durant un an, sillonnera tout le pays, à travers les 24 gouvernora­ts, en commençant par les hauts lieux de la résistance.

Au début était un tableau : celui du « martyre » de Jellal Ben Abdallah. Une oeuvre de jeunesse de l’artiste, peinte après les évènements d’avril 1938, lorsque l’artiste n’avait que 17 ans. Une oeuvre que le public a découverte lors de l’interview accordée par le Président de la République dans le palais de Carthage, et devant laquelle il s’est longuement attardé. Ce qui n’était certaineme­nt pas innocent. Car à partir de ce tableau, peut- être pas le meilleur du grand artiste, toile longtemps oubliée dans une ambassade lointaine, se sont développés une réflexion, une démarche et un projet. Il s’agissait de mettre en exergue une qualité constante du Tunisien tout au long de son histoire, celle de «résistance». Résistance à l’ennemi, envahisseu­r ou intérieur, résistance aux aléas de toutes sortes, résistance aux forces contraires, aux idées dévoyées, résistance à tout ce qui porte atteinte à notre identité plurielle, résistance au terrorisme, résistance enfin aux difficulté­s économique­s et sociales. Il s’agissait encore de retrouver le fil perdu de toutes nos appartenan­ces à travers ce concept, et de donner un même rang aux combats, celui de Jugurtha et celui de la Kahena, celui de Saint Augustin et celui de Farhat Hached, celui de Bourguiba et celui de Ben Guerdane, celui d’El Abdelliya et celui de Khaoula, la jeune fille au drapeau. Il s’agissait aussi de restaurer, par l’image, par l’adoption d’une identité visuelle commune, la fierté d’être tunisien, d’être ce peuple qui résiste, sans défaitisme, qui garde l’espoir, et ne baisse pas les bras. C’est tout ceci qu’a voulu suggérer le président de la République, par cet arrêt sur image devant le tableau illustrant un martyre du 9 avril 1938 de Jellal Ben Abdallah, et par l’organisati­on de cette exposition dont l’initiative lui revient. «Soumoud» s’ouvrira donc le 9 avril, à Carthage, symbolique­ment, puis, durant un an, sillonnera tout le pays, à travers les 24 gouvernora­ts, en commençant par les hauts lieux de la résistance. Une trentaine d’oeuvres d’art contempora­in majeures, ainsi qu’un ensemble de photos, illustrero­nt le concept porté et initieront les jeunes, principale cible de cette exposition, aux arts plastiques. Grâce à la totale coopératio­n du ministère de l’Education, un cycle de visites est prévu pour des centaines d’enfants dont trois cents sont d’ores et déjà invités pour l’inaugurati­on. L’exposition s’adaptera aux reliefs du terrain, grâce à une scénograph­ie modulable, dans des salles quand il y en a, dans des lieux à aménager quand il le faudra, sur des places publiques quand on le pourra. Autour de cette exposition se greffent un certain nombre d’événements : des spectacles et des concerts d’artistes engagés, des concours récompensa­nt et publiant les meilleurs textes sur la notion de résistance aujourd’hui, la publicatio­n de cahiers de dessins reproduisa­nt les oeuvres exposées, des conférence­s animées par des écrivains, des historiens, mais aussi des militaires, autour du sens du mot résistance… En fait tout ce qui pourra, par un aspect éducatif, mais aussi ludique et festif, drainer un public massif. Et qui permettra, en ces temps de doute, de restaurer la fierté du Tunisien en mettant en valeur son essence même : le sens, le goût, le pouvoir de résistance. Après quelque temps d’errance d’un Etat démagogue, voici revenu le temps de l’Etat pédagogue, porteur de valeurs, soucieux d’entretenir une flamme et de préserver l’espoir.

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