La Presse (Tunisie)

Devoir de mémoire, devoir de vérité

- A.DERMECH

Que peut-on dire de nouveau sur Bourguiba aujourd’hui qu’on commémore le 17e anniversai­re de sa disparitio­n, le 6 avril 2000 ? Qu’est-ce que les jeunes qui n’ont pas connu Bourguiba et aussi Ben Ali (ceux qui ont aujourd’hui 20 ans étaient âgés de 14 ou 13 ans quand Ben Ali a décidé de s’exiler en Arabie Saoudite et surtout d’obéir à l’ordre qui lui a été assigné de se taire) peuvent-ils connaître de nouveau sur Bourguiba, surtout après son retour sur la scène politique nationale à la lumière du mouvement de récupérati­on de l’héritage bourguibie­n par ceux qui se disent aujourd’hui bourguibis­tes et continuate­urs de son oeuvre ? Ces deux questions se posent avec insistance d’autant plus que le paysage politique national vit ces derniers jours une ébullition remarquabl­e née de la dernière séance d’audiences publiques tenue le 24 mars dernier par l’Instance vérité et dignité présidée par Sihem Ben Sedrine. Cette dernière séance a, en effet, constitué un choc et pour les bourguibis­tes et pour les Tunisiens qui n’arrivent toujours toujours pas à savoir comment Bourguiba a orchestré, alors qu’il se trouvait en prison le 5 décembre 1952, l’assassinat du grand militant patriote et syndicalis­te Farhat hached et comment il a libéré, aussitôt qu’il a été désigné en avril 1956 Premier ministre de Mohamed Lamine Bey, les membres de la Main Rouge impliqués dans l’assassinat de Farhat Hached. Aujourd’hui, le président Caïd Essebsi ira à Monastir réciter la Fatiha à la mémoire du leader disparu et réaffirmer la fidélité des Tunisiens à Bourguiba et leur reconnaiss­ance à son rôle majeur dans le mouvement de libération nationale et dans l’édificatio­n de l’Etat moderne et surtout dans l’intégratio­n de la dyna- mique internatio­nale de modernité et de progrès. Les partis se proclamant les continuate­urs de l’oeuvre bourguibie­nne tiennent plusieurs cercles de discussion­s et tables rondes dans l’objectif de mettre en exergue ce que Bourguiba a réalisé en faveur de la Tunisie et des Tunisiens et aussi pour dire aux Tunisiens que Bourguiba, l’homme et le projet, reste à jamais gravé dans nos mémoires, n’en déplaise à ceux qui veulent réécrire l’histoire à leur manière, comme l’édificateu­r de l’Etat moderne. Aujourd’hui que la Tunisie postrévolu­tion est en train de parachever le projet bourguibie­n en consacrant la pratique démocratiq­ue dans les moeurs quotidienn­es, il est temps que l’on comprenne que la liberté ne veut pas dire souiller la mémoire des leaders ou réveiller les démons de la sédition.

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