«L’usage de l’eau, un enjeu fondamental pour le développement de notre pays»
ENTRETIEN AVEC M.ABDALLAH RABHI, SECRÉTAIRE D’ÉTAT AUPRÈS DU MINISTRE DE L’AGRICULTURE, DES RESSOURCES HYDRAULIQUES ET DE LA PêCHE
«La situation des barrages est difficile pour la deuxième année consécutive, mais on est en droit d’espérer. Cette situation n’est pas catastrophique, néanmoins, la prudence doit être de mise. Des plans d’action sont déjà élaborés de façon collégiale en collaboration avec toutes les parties prenantes pour dépasser le cap du stress hydrique dans lequel vit la Tunisie, à l’instar d’autres pays maghrébins». C’est en ces termes que s’est exprimé M. Abdallah Rabhi, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, en nous accueillant dans son bureau.
«La situation des barrages est difficile pour la deuxième année consécutive, mais on est en droit d’espérer. Cette situation n’est pas catastrophique, néanmoins, la prudence doit être de mise. Des plans d’action sont déjà élaborés de façon collégiale en collaboration avec toutes les parties prenantes pour dépasser le cap du stress hydrique dans lequel vit la Tunisie, à l’instar d’autres pays maghrébins» . C’est en ces termes que s’est exprimé M. Abdallah Rabhi, secrétaire d’Etat auprès du ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, en nous accueillant dans son bureau. Comment se présente la situation pluviométrique actuelle ?
La moyenne pluviométrique annuelle est de 250 ml, elle passe du nord au sud de 1.500 à 50 ml, ce qui permet de collecter 36 milliards de m³ d’eau sur tout le territoire tunisien, dont 4.8 milliards sont mobilisables, soit 13% seulement. Le climat tunisien, semi-aride à aride, fait que l’eau soit une ressource rare. Par ailleurs, elle est inégalement répartie. 80% des eaux de surface provenant des précipitations sont concentrés dans le nord desservi par les barrages et 70% des ressources souterraines proviennent des nappes du Centre et du Sud. On compte actuellement 38 barrages, dont le principal est celui de Sidi Salem, avec une capacité de 550 millions de m³. La Tunisie est un pays qui a un ratio en eau de 467m³ / habitant par an, ce qui nous classe dans la catégorie des pays pauvres en eau, comme beaucoup de pays du Moyen-Orient et de la rive sud de la Méditerranée. En 2016, on n’a recueilli malheureusement, au niveau des barrages, que 34% de la moyenne. Il faut signaler que l’impact des barrages est très important au niveau de la desserte en eau potable du Grand-Tunis, Sfax, tout le Sahel et le Cap-Bon. Pour l’année 2017 et jusqu’à cette première semaine du mois d’avril, on n’a recueilli que 54% de la moyenne de la période. Le niveau des barrages a atteint pour le moment 1.077 milliards de m3, la moyenne de la période étant de 1.650 milliards de m3, pour les trois dernières années .Le barrage de Sidi Salem, qui est considéré comme étant le plus important, n’a atteint à ce jour que 39% de sa capacité de remplissage.
Quelles sont les mesures qui ont été prises ?
Depuis l’investiture du gouvernement d’union nationale, un plan d’action a été élaboré pour assurer un passage de l’été 2017 pour toute la République en se basant sur une évaluation des passages d’été vécus au cours des années précédentes. Ce plan d’action est bien résumé dans un livre intitulé «Livre Bleu» et qui englobe toutes les données se rapportant aux statistiques et aux projets relatifs au dessalement des eaux et la construction de nouveaux barrages, ainsi que les problèmes observés dans ce secteur au niveau de l’exploitation des ressources et les futurs plans d’action. Après achèvement des actions qui sont en cours, ce plan va permettre de ne plus revivre le calvaire des pénuries d’eau qu’ont connues plusieurs régions du pays l’année écoulée. Dans la même lancée, des mesures ont été prises pour faire face au stress hydrique; on a procédé au transfert de grandes quantités d’eau par pompage de certains barrages dans les zones qui étaient bien arrosées au Nord. Mais les coûts des opérations de pompage, qui se font actuellement au quotidien, demeurent élevés. On a en plus réduit la quantité d’eau consacrée à l’irrigation et opté pour plus de sensibilisation au niveau de son exploitation. Il fallait choisir entre l’eau d’irrigation et l’eau potable. Toutefois, une série de mesures ont été prises en faveur de certains agriculteurs pour les aider à créer des sondages.
Y a-t-il risque de pénurie pour certaines régions ?
L’année dernière, le problème de l’eau s’est posé dans diverses régions qui ont souffert du manque d’eau potable, notamment à Gafsa, au Kef, Kairouan, Kasserine, Zaghouan. Mais pour cette année, on a préparé, depuis le mois de septembre, un plan d’action pour assurer l’approvisionnement en eau potable durant l’été 2017. Le plan en question touche plusieurs villes, ainsi que les zones rurales qui sont desservies en eau par les associations d’usagers de l’eau, plus couramment appelées groupements de développement agricole qui sont au nombre de 1.428. Ce plan vise l’accélération du rythme des projets en cours et l’assistance de ces groupements qui connaissent des coupures à fréquence élevée.
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez ?
Le ministère s’attelle à réaliser 43 mégaprojets, dont 39 sont déjà en cours avec un budget de 3.795 milliards. Quatre autres projets hydriques seront réalisés au cours de cette année, moyennant une enveloppe de 246 milliards .L’année 2017 verra aussi le parachèvement des barrages à Jendouba, Bizerte, au Kef et à Gafsa, ainsi que le démarrage de l’installation de quatre stations de dessalement dans le Sud du pays. Le gouvernement a aussi mis en place un programme urgent pour la réalisation de 40 stations mobiles de dessalement et le forage de 34 puits profonds, ainsi que pour la réutilisation des eaux usées épurées dans le secteur agricole.
Une rationalisation de l’eau potable est-elle envisageable ?
On ne peut toucher à l’eau potable. On a déjà prévu une réserve d’eau potable pour la prochaine période estivale. Pour cette année, et malgré le déficit dû à un manque de pluviométrie, on a préparé un plan pour l’année prochaine. Il ne faut pas s’alarmer, les barrages continuent à assumer leur fonction, surtout avec la réserve stratégique en eau dont nous disposons dans les barrages de Barbara à Aïn Draham et à Sidi El Barrak.
Quelles sont les autres mesures prévues pour assurer une bonne saison estivale?
On a lancé une grande campagne pour l’économie de l’eau. Les gens doivent savoir que l’eau coûte cher. On ne doit perdre aucune goutte d’eau. Le feu vert a été donné pour l’élaboration de la stratégie du secteur de l’eau à l’horizon 2050. Le but est de sensibiliser toutes les tranches d’âge aux problèmes liés à l’eau et, partant, obtenir leur mobilisation en faveur de la protection de l’eau et de son économie. En Tunisie, l’agriculture consomme 77% de l’eau mobilisée, alors que les usages domestiques représentent 17% et l’industrie et le tourisme 6%. Un programme a été établi avec d’autres ministères dans le même cadre. Il va sans dire que l’année prochaine sera meilleure, quoique la quantité d’eau en réserve soit plus réduite. Nous aurons moins de problèmes que l’année dernière sur le plan macro, et nous espérons que cela s’améliorera d’une année à l’autre grâce aux programmes de dessalement en cours, aux plans d’action et aux campagnes de sensibilisation permettant d’économiser l’eau. Le message que je voudrais passer est que l’eau coûte cher dans un pays qui vit en dessous du seuil de la pauvreté hydrique. Un seul m3 d’eau dessalée coûte entre 2 et 3 dinars, et le budget consacré aux grands projets hydriques en cours au ministère de l’Agriculture est très élevé. L’usage raisonné de l’eau constitue un enjeu fondamental pour le développement de notre pays. Rien n’est plus important qu’une goutte d’eau.