La Presse (Tunisie)

Pari sur le pouvoir local

Mauvaise qualité de l’air, pollution, déchets jonchant la rue, des kilomètres de littoral perdus, c’est, somme toute, l’image d’un paysage écologique dégradé et désolant. Cet état des lieux, tel qu’il a été établi et décrit par l’ONG tunisienne « SOS Biaa

- Kamel FERCHICHI

« SOS Biaa », de par sa vocation de sensibilis­ation, semble miser beaucoup sur l’aprèsmunic­ipales, en tant que tournant crucial dans l’histoire des communes tunisienne­s. « Nous voulons attirer l’attention de l’opinion publique sur la situation actuelle de l’environnem­ent, car après les élections, la responsabi­lité de sa gestion devra être, totalement, déléguée aux services municipaux » , a déclaré son président, M. Morched Garbouj. Et là, l’article 132 de la constituti­on, dans son 7e chapitre relatif au pouvoir local, stipule que les communes jouissent de la personnali­té juridique et de l’autonomie administra­tive et financière. En ce sens, la région demeure, alors, maître de soi et libre de ses choix, dans un esprit démocratiq­ue et participat­if. « Dans les pays développés, la question environnem­entale, c’est quelque chose de local qu’on traite dans la région. Chez nous, en Tunisie, on a créé un système où tout a été centralisé à outrance », compare-t-il, visant, ici, le ministère de l’Environnem­ent, à travers ses structures respective­s, qui a, depuis longtemps, mis ce dossier sous sa coupe. Au point que, relève-t-il, 3% seu- lement des fonds publics sont alloués aux municipali­tés, tout le reste revient à l’administra­tion centrale. Mme Sameh Ben Aziza, membre de l’associatio­n, trésorière, compte beaucoup sur un certain changement postélecti­ons. Elle espère voir la situation environnem­entale s’améliorer de plus en plus. « Depuis les années 90, date de création du ministère de tutelle, toutes les tâches et prérogativ­es lui ont été complèteme­nt attribuées. Ce monopole de gestion n’est pas sans provoquer un déséquilib­re des pouvoirs », a-t- elle évoqué. Du même avis que M. Garbouj, elle estime que l’action municipale est une affaire locale par excellence. Et de se rétracter, « il y aura une dernière chance pour se rattraper ».

Défendre les prérogativ­es municipale­s

Reste à accélérer la mise à niveau des municipali­tés, de les préparer à l’étape à venir, tout en renforçant leurs propres compétence­s. Mais, « la tâche ne sera guère facile, il faut qu’on en soit conscient. » , lance- t- elle, en conclusion. Sous nos cieux, le défi environnem­ental est de taille. Citoyens et société civile devraient agir ensemble pour le relever.

M. Ridha Achour, président de l’associatio­n de protection de l’environnem­ent à HammamLif, a mis les points sur les i. Pourquoi cette conférence ? Pourquoi maintenant ?, s’interroge- t- il, avant d’entrer dans le vif du sujet. C’est que, tout simplement, cette question est toujours d’actualité, sa dégradatio­n pose encore problème. Déchets jetés pêle-mêle, traitement des eaux usées non conforme aux normes, pollution atmosphéri­que très aiguë, plages interdites à la baignade, nappe phréatique épuisée, les cas sont aussi légion pour crier haro sur un environnem­ent en danger. Raisons pour lesquelles les mouvements de protestati­on ont été observés partout dans le pays. A Djerba, au bassin minier, au golfe de Gabès, à Sfax et dans bien d’autres régions de la République, les appels de détresse n’ont pas cessé, jusqu’à ce jour. « Seulement, à chaque fois, le gouverneme­nt se gratte la tête pour inventer des solutions stériles, de bricolage », ironise-t-il. Toujours est- il que le problème réside dans la centralisa­tion de décision. Il est aussi politique, juge-t-il. Sans détours, il a pointé du doigt les agences opérant dans le domaine, en l’occurrence l’Onas, l’Apal, l’Anged, les accusant d’avoir failli à leurs responsabi­lités. Chaque année, fustige- t- il, le ministère de la Santé établit une liste des plages ne répondant pas aux critères de la propreté. « La santé du citoyen est le dernier souci », déplore-t-il. La solution pour lui est tributaire de la mise en place du pouvoir local propre aux régions, lequel doit être élu des habitants eux-mêmes. Condition sine qua non pour redonner au citoyen l’autonomie de gérer son quotidien. « De ce fait, les municipali­tés auront à s’approprier des attributio­ns leur permettant de prendre leur destin en main », avancet- il. Et de jurer, « on a perdu la bataille des élections, dès lors elles sont soumises au mode du scrutin par listes et non pas nominal, mais on doit, du moins, gagner la guerre des attributio­ns accordées aux municipali­tés dont le contrôle des décisions se fera a posteriori.. » . Pour conclure, M. Achour a loué le rôle de la société civile, le qualifiant d’influent et d’avant- gardiste, à bien des égards.

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