La Presse (Tunisie)

La passion cabiste au quotidien

Qui ne connaît pas Driss Haddad à Bizerte ?

- Béchir SIFAOUI

Son visage toujours jovial, ses critiques constructi­ves, son amour pour le football et pour sa famille ainsi que sa passion pour le dieu foot font de cet ex-internatio­nal du CAB dans les années 60 un homme équilibré et aimé de tous. Driss Haddad, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est né le 29 août 1941 à Bizerte. Il a signé sa première licence au club nordiste avec les minimes en 1956, il passe dans la catégorie des cadets en 1957 pour y rester une année. Puis, immédiatem­ent après, il connaît la consécrati­on puisqu’en 1959-60, il accède en équipe senior à l’âge de 18 ans. La même saison, il est convoqué en Equipe Nationale par l’entraîneur «Yougoslave» Kristic. Là, il côtoie N. Diwa, Mohieddine Sghaïer, Haj Ali, Tawfik Ben Othmane, Zarga, Badi, Rached El Meddeb, Salah Néji, Brahim Kerrit, Ahmed Sghaïer, Arbi Touati, Abdelmajid Chétali, Kanoun, Ridha Rouetbi et des meilleurs… «L’ambiance était fraternell­e, nous étions comme dans une famille. J’ai disputé mes premiers matches contre l’Irak et Malte. C’était des matches amicaux». En 1962, Matusik relève Kristic en EN. Il convoque de nouveaux talents pour renforcer le Club Tunisie. «Moncef Chérif, Rachid Chérif, Khaled (gardien), Moncef Gaïd ont intégré le groupe. On devait disputer la coupe d’Afrique en Ethiopie», se rappelle encore Driss Haddad. En 1963, on fait appel au Français Gérard (ancien gardien de but de Bordeaux) pour présider aux destinées de l’Equipe Nationale, se rappelle le milieu de terrain D.Haddad. Le nouvel entraîneur fait appel alors à Attouga et Mohamed Salah Jedidi notamment. «Puis ce fut au tour de Mokhtar Ben Nacef d’entraîner les Tunisiens à partir de 1965. Une nouvelle génération est arrivée et j’étais toujours là. Je pense à Tahar Chaïbi, Aleya Sassi, Ammar Mérichkou, Abdelwaheb Lahmar, Naoui, Ali Selmi, Douiri, Benzarti, Mghirbi, Machouch, Ben Mrad, Habacha, Ben Amor… avant l’arrivée de Jouini (USM), Touati, Hammami, Youssef Kaouel (CA), Youssef Zouaoui. On avait alors participé à un tournoi en Libye avec les Espoirs. L’aventure a duré jusqu’en 1972 pour ce qui me concerne. On élisait domicile à Bir El Bey à l’époque, le lieu de stage, et on s’entraînait à Hammam-Lif du lundi au vendredi. On nous libérait le week-end pour aller rejoindre nos clubs respectifs pour disputer les matches de championna­t. Notre passion était le football et le drapeau tunisien».

«On m’a enfermé dans les vestiaires en Ethiopie»

Le milieu gaucher de l’EN n’a pas gardé que de bons souvenirs. «C’était lors de la coupe d’Afrique des nations (1962). On a perdu en demi-finale (2-1) contre l’Ethiopie, après avoir mené 1 à 0 en première période de jeu. On a dû alors disputer un match de clas- sement contre l’Ouganda qu’on a gagné 3 à 0. Et alors que tous les joueurs passaient saluer l’empereur d’Ethiopie Hailé Selasié Ier, pour recevoir à l’occasion des médailles pour s’être classés 3e, j’étais tellement fatigué que j’ai tendu la main au monarque très mollement. Les gardes ont mal pris la chose, m’ont arrêté et m’ont enfermé dans les vestiaires pendant que la finale se déroulait entre l’Egypte et l’Ethiopie, fort heureuseme­nt pour moi, gagnée par le pays organisate­ur. On m’a alors libéré après plus de deux heures, grâce à l’interventi­on de Chédly Zouiten, Béji Mestiri, Boubaker Ben Jrad, tous responsabl­es à la FTF».

Que de péripéties avec le CAB !

L’internatio­nal cabiste a, certes, fait une longue carrière avec l’EN, mais il ne faut pas perdre de vue non plus qu’il jouait au CAB en même temps. Sa carrière footballis­tique s’est achevée en 1976, alors qu’il faisait double fonction entraîneur-joueur à la Stir de Zarzouna à l’époque. En équipe senior, en 1960, il était entraîné par l’Algérien Salah Rhim puis par Lauxy. Il nous apprend également que son frère Boubaker, qui a joué aussi au CAB demeure un bon buteur, dans le championna­t national avec 38 buts.

Le CAB n’a pas vécu que de bons moments. «Nous avons souffert énormément pendant la guerre de Bizerte et après le complot contre Bourguiba. Nous n’avions pas de terrain où nous entraîner, outre les réflexions désagréabl­es de certains responsabl­es de l’époque. Le résultat est que le CAB n’a pas réussi à se maintenir en D 1, mais Bourguiba a décidé que le CSHL ne devait pas rétrograde­r en D 2 et par conséquent tous les «bar- ragistes» ont été sauvés par cette décision politique. C’était en 1964 si je ne m’abuse», nous rapelle D. Haddad. Et ce n’est pas fini, le CAB s’est trouvé de nouveau dans une mauvaise passe lors de l’exercice 1967-68. En effet, les Cabistes devaient obligatoir­ement gagner devant le SRS pour pouvoir rester parmi l’élite. C’était alors l’ultime journée du championna­t. Les Cheminots de Sfax avaient auparavant disposé du CAB en Coupe de Tunisie en demi-finale en aller (3-0 à Bizerte) et retour (1-0 à Sfax).

Driss Haddad en sauveur…

«Il nous manquait, à cette occasion, sept joueurs titulaires. Il y avait en face Nefzaoui, Madhi, l’excellent gardien de but Karoui… Bref, le grand SRS des années 60. Le CAB obtient un penalty à la 80’, sifflé par l’arbitre Daoued. J’étais chargé de l’exécuter. Je frappe le ballon sur le côté gauche et Karoui, spécialist­e des arrêts de penalties, plonge du même côté, mais je marque quand même. Le CAB l’emporte 1 à 0 et est sauvé de la relégation» , poursuit-il l’entretien.

Entraîneur-joueur de la Stir !

L’ex-internatio­nal du CAB achève sa carrière comme entraîneur­joueur avec la Stir de Zarzouna, alors en D3 après avoir vécu plein de sensations fortes au CAB et en EN. Une carrière bien remplie, puisqu’il arrête de chausser les campons en 1976. «Le meilleur souvenir avec la Stir était ce match de Coupe de Tunisie en huitième de finale joué au stade AhmedBsiri contre l’EST que nous avons perdu 0-1, but de Abdeljabba­r Machouch» , se souvient-il encore de cette belle époque.

Dieu, la famille, la marche et les autres…

Aujourd’hui, Driss Haddad consacre son temps à Dieu, il effectue régulièrem­ent une Omra. Un vrai Hadj! Ses enfants, Afef, professeur d’arabe, Hajer, professeur de français et Riadh, chirurgien dentiste, lui rendent visite quotidienn­ement après la disparatio­n de sa femme il y a près de cinq ans. Il passe son temps libre également avec ses petits-enfants, à faire de la marche, à rouler à bicyclette. Il joue de temps en temps aux cartes (rami) et rencontre beaucoup d’amis avec lesquels il parle de football, du CAB, de l’EN, du foot étranger. Un homme paisible et bien équilibré dans sa vie de tous les jours. Enfin, nous ne terminons pas sans dire que durant l’entretien, Hadj Driss Haddad n’a cessé de regretter ce qui se passe actuelleme­nt dans notre sport d’une manière générale et plus particuliè­rement dans notre football. Il souhaite de tout son coeur le retour au calme dans nos stades et exhorte les autorités concernées à trouver les solutions adéquates aux problèmes actuels. «Vive le sport», conclut-il.

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