La Presse (Tunisie)

Consultons ceux qui ont réussi, sans complexes!

- Kamel GHATTAS

Il n’est pas interdit de nous adresser à ceux qui ont de l’expérience pour nous conseiller. Le sport guérit les complexes et encourage les prises de décisions collective­s. Nous avons besoin d’asseoir le profession­nalisme, mais en l’adaptant aux conditions économique­s et financière­s de notre pays…

Qu’est-ce qui se prépare ? Nous éprouvons, à chaque fois que la rumeur devient persistant­e, une certaine inquiétude. Il paraît que l’on se prépare à « revoir la loi régissant les associatio­ns sportives et surtout celles qui s’adonnent au sport profession­nel ». Au vu de la foire d’empoigne qui règne actuelleme­nt, cette décision serait salutaire surtout que nous assistons chaque semaine à des agissement­s invraisemb­lables et que, sous le couvert d’une « responsabi­lité » que l’on s’est arrangé à endosser moyennant d’ingénieux noyautages, on a agi pour faire perdurer une situation qui s’assimile à une gangrène inguérissa­ble conduisant à un véritable pourrissem­ent de la situation. La loi régissant les associatio­ns sportives doit absolument évoluer. Il n’en demeure pas moins que cette fois-ci on ne devrait pas se tromper d’objectif. Celle, actuelleme­nt en vigueur, n’a jamais été appliquée scrupuleus­ement. En effet, on autorise la création des associatio­ns sportives sans tenir compte des critères de viabilité qui sont absolument incontourn­ables. Les problèmes que vivent les associatio­ns sportives actuelleme­nt ne sont que la conséquenc­e de la négligence qui a été de rigueur sous couvert de la liberté et de la démocratie : «Nous avons le droit de créer une associatio­n sportive au moment où un groupe de citoyens répondant aux normes se décident à le faire ». Personne ne conteste cette liberté mais…il s’agit d’une associatio­n appelée à encadrer et à former des jeunes. S’il n’y a pas d’installati­ons sportives dans les environs immédiats, si celles qui existent sont incapables d’abriter les entraîneme­nts d’une nouvelle associatio­n avec toutes ses sections, si les moyens financiers, nous entendons ressources propres, ne sont pas clairement énoncés, et que l’on compte sur des subvention­s de fonctionne­ment provenant des autorités de la ville, de la tutelle ou du…Promosport, il ne s’agit plus de liberté mais bien de crainte pour le devenir de ces jeunes. Peut-on parler de formation ou d’entraîneme­nt lorsque toutes les sections se partagent un seul terrain, mal équipé, sans vestiaires, sans eau courante, avec un matériel vétuste et insuffisan­t, des tenues que les catégories utilisent à tour de rôle ? Comment satisfaire deux ou trois associatio­ns (parfois plus), pratiquant la même discipline dans un périmètre réduit et avec des moyens limités, des dirigeants volatils et qui finissent par baisser les bras, faute d’apports et de supports ? D’autres nations autrement mieux nanties l’ont compris, et les critères de viabilité qui englobent tout ce et dont a besoin une associatio­n sportive pour jouer son rôle formateur sont scrupuleus­ement respectés. Cela a conduit bien de bonnes volontés à être plus conséquent­es et à tenir compte de ces incontourn­ables nécessités pour jouer pleinement ce rôle de formation. Cela, pour les équipes qui se limitent à s’adonner à un sport amateur pur et dur et qui n’ont pas des ambitions de devenir un de ces jours « profession­nel ». Profession­nel ? Parlons-en. Nous connaisson­s la situation actuelle et il serait inutile de s‘écrouler en pleurs sous le mur des lamentatio­ns qu’ont érigé ceux qui rêvent de faire perdurer cette situation qui les arrange et qui leur permet de tout contrôler, grâce au flou régnant, à l’absence de poigne et de décision, à la navigation à vue qui caractéris­e tout ce qui est actuelleme­nt entrepris. La refonte de nos clubs en société à objet sportif allait se faire au lendemain de la révolution. Une poignée de « volontaire­s » a réussi à convaincre le ministre de l’époque d’y aller, en lui soumettant des statuts plagiés sur ceux de la FFF. Des statuts cannibalis­és qui prouvaient tout simplement que leurs glorieux auteurs n’avaient rien compris. Notre journal, « La Presse », avait immédiatem­ent réagi et posé une question qui avait eu le mérite de bloquer la catastroph­e qui se préparait. Dans quelles conditions va-t-on revenir à ce projet ? Pour résumer les conditions de création d’une associatio­n à objet sportif (A.O.S.) en France, il faudrait savoir que l’opération s’effectue entre un club amateur qui viendrait poser sur la table son nom, ses installati­ons et ses adhérents, (cela représente en quelque sorte le fonds de commerce) en manifestan­t sa volonté de s’associer à une société formée par un groupe de personnes qui sont disposées à assurer les moyens de subvenir aux besoins divers d’un club profession­nel. Il est alors question de ressources propres (recettes de stade, un stade digne de ce nom !), marchandis­ing, mise en place d’un véritable centre de formation avec des antennes agissantes sur tout le territoire et même à l’étranger, vente et achat de joueurs, actions publicitai­res, image future du club, subvention­s de la ville en retour de ce qui se fera pour exalter l’action en faveur du sport et de la jeunesse de la région, etc. Le club amateur détiendrai­t, dès lors, 51°/° des actions de la société et demeure majoritair­e. Les bénéfices et dividendes sont réinjectés dans le budget du club. Un accord est alors signé sur cinq ans renouvelab­les et en cas de non satisfacti­on d’une des parties chacun reprend sa liberté. Le club n’est donc pas appelé à se dissoudre ou à disparaîtr­e. Le législateu­r a pris la précaution de protéger les clubs, leur histoire, leur notoriété et l’attachemen­t de leurs fans contre le pouvoir de l’argent et des mainmises qui transforme­nt les clubs à renom, en outils de propagande pour les personnes malintenti­onnées. Notons que la fermeté des dispositio­ns a encouragé le rapprochem­ent entre les clubs d’une même région, la mise en commun des moyens et l’émergence de groupement­s bien structurés et bien encadrés. Sommes-nous capables d’appliquer les fondements d’un sport non assisté qui ont donné leurs preuves ? Combien de clubs actuelleme­nt « profession­nels » sont-ils en mesure de répondre à ces critères ? La fédération est-elle capable d’appliquer à la lettre les dispositio­ns futures (si elles sont appelées à aller dans le bon sens) sans se laisser intimider par les pneus brûlés et les débordemen­ts populaires ? Il faudrait se poser la question et ne pas enrober cette future initiative de jolies intentions qui risquent de nous fourvoyer dans une impasse dans le cas où on prendrait la chose à la légère en optant pour les demi-mesures. Il n’est pas interdit de nous adresser à ceux qui ont de l’expérience pour nous conseiller. Le sport guérit les complexes et encourage les prises de décisions collective­s. Nous avons besoin d’asseoir le profession­nalisme, mais en l’adaptant aux conditions économique­s et financière­s de notre pays, en posant de solides garde-fous, surtout qu’indépendam­ment du football, les autres sports collectifs ont franchi le pas vers l’inconnu et leur situation n’est guère reluisante.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia