La Presse (Tunisie)

«Pour un code du sport»

- K.K.

«Avant d’aborder les limites de la législatio­n actuelle, situons tout d’abord le sujet dans son cadre spécifique. Le sport tunisien est principale­ment régi par deux textes législatif­s : celui de 1959 relatif aux associatio­ns, et la loi organique de 1995 relative aux structures sportives. Cette dernière a été modifiée et complétée à trois reprises, une fois en 2004 et deux fois en 2006. Or, depuis l’instaurati­on d’un profession­nalisme de façade, les observateu­rs de tout bord se demandent si ce cadre juridique est compatible avec la réalité de notre sport, notamment le football où règnent des clubs dits profession­nels, mais à la performanc­e discutable et à la gestion catastroph­ique, voire à la limite de la légalité. Dans l’état actuel des choses, marqué par un enchevêtre­ment d’amateurism­e et de profession­nalisme, on constate un nombre incalculab­le de défaillanc­es. Les règles relatives au fonctionne­ment des structures sportives ne sont, en effet, plus adaptées à la réalité des clubs sportifs tunisiens, surtout avec l’émergence de l’exercice de l’activité sportive dans le cadre du profession­nalisme. L’on doit impérative­ment rédiger un code du sport, c’est-à-dire un document qui fixe les règles applicable­s aux sportifs, englobant par là même toutes les activités sportives régies dans un cadre institutio­nnel. En ce sens, j’ai antérieure­ment formulé une propositio­n de commission ad hoc pour apporter des éléments de réponse au blocage. Mise sur pied, cette commission formée d’experts en tous genres devait apporter des éclairages concis et formuler des propositio­ns via ses unités de réflexion. Composés d’éminents connaisseu­rs en la matière, elle devrait disposer d’un mandat de quatre ans pour traduire ses travaux en recommanda­tions et diagnostic­s exhaustifs. Vous savez, le temps du mécénat est révolu. Il faut évoluer. Actuelleme­nt, en raison d’un cadre juridique désuet, les associatio­ns sportives souffrent d’insuffisan­ces au niveau du régime adopté dans la gestion des clubs. En clair, tantôt, la «coutume» de plébiscite devient la règle, alors que l’élection devient l’exception. Les règles sont donc renversées ! Mais bon, passons cela et revenons à nos moutons. L’on a noté depuis quelques années un désengagem­ent, volontaire ou pas, du législateu­r d’exercer son autorité législativ­e complète sur le domaine sportif. En fait, l’analyse des textes législatif­s en vigueur a révélé beaucoup d’omissions pouvant constituer une «zone d’ombre» au sein de la législatio­n sportive. Le sport tunisien a donc besoin d’une refonte totale de son système de financemen­t. C’est le sujet d’actualité par excellence et tout le monde en parle : des sphères de la décision politique et sportive aux instances et structures (fédération­s, clubs…), ainsi que les médias et l’opinion publique. Je pense que des projets de lois devraient être incessamme­nt introduits à l’Assemblée des représenta­nts du peuple. L’ère de l’assistance est révolu. Nous ne pouvons plus persévérer dans cette voie. Contributi­on du ministère de la jeunesse, subvention­s des municipali­tés, quotepart du fonds national de la jeunesse et des sports, recettes de la société Promosport, ressources issues des droits TV prévues dans le contrat liant la Fédération tunisienne de football (FTF) et l’Etablissem­ent de la Radio-Télévision tunisienne, ressources privées des associatio­ns sportives (ressources générées par la billetteri­e et les abonnement­s, la cession de joueurs, la publicité et le sponsoring), tout cela doit être revu et corrigé dans le cadre d’un amendement de la loi régissant le sport et les statuts des associatio­ns sportives. Rigueur, bonne gestion, visibilité et transparen­ce financière, le régime qui sera adopté devra permettre une meilleure compréhens­ion des mécanismes et des leviers de nos clubs sportifs».

Assimilati­on, maîtrise et assainisse­ment

«Aujourd’hui, il ne faut pas se voiler la face. La plupart des associatio­ns sportives en Tunisie souffrent d’un déficit, parfois chronique, de leur trésorerie. Ce qui perturbe le cours normal de l’exploitati­on et les empêche de réaliser les investisse­ments escomptés. Même l’Etat a tendance à limiter les subvention­s de façon générale. En réalité, les subvention­s publiques, si importante­s soient-elles, ne sont pas suffisante­s pour résoudre tous les problèmes financiers des associatio­ns sportives, d’autant plus qu’elles ne sont pas reconduite­s automatiqu­ement. Les associatio­ns doivent alors chercher d’autres moyens de financemen­t pour pouvoir substituer les subvention­s de l’Etat qui ont tendance à diminuer. C’est dans ce sens que le recours aux sources privées de financemen­t pourrait offrir aux associatio­ns les fonds nécessaire­s à la réalisatio­n de leurs investisse­ments. Il est impensable qu’en Tunisie, des jeunes et moins jeunes se comptant par milliers, vouant un amour infini pour des couleurs, ne soient pas pris en charge en tant que marché cible par les clubs. Il est également impensable que l’image, le nom et l’histoire d’un club ne soient pas valorisés pour finir en icône pour lequel on paie. Il faut que les clubs sportifs en Tunisie sachent tirer profit du logo, du maillot et de l’image, et investisse­nt dans ce domaine, à l’instar des grands clubs européens afin d’élargir le champ de financemen­t de leurs activités. Regardez les budgets, cet outil primordial dans la gestion des associatio­ns. Il sert au pilotage, à la gestion et au contrôle du fonctionne­ment. Mais il pourrait aussi être un argument commercial pour inciter les donateurs à donner à une associatio­n plutôt qu’à une autre. De la même manière, les contrats de partenaria­t et de sponsoring dépendent directemen­t de la réussite sportive et de la qualité de l’équipe et de ses joueurs, même si en Tunisie, on se rend compte que ces contrats sont plutôt tributaire­s du réseau relationne­l des dirigeants du club sportif et surtout du président ! Il faut changer les mentalités avant de changer de régime. Le responsabl­e du club doit désormais concevoir sa mission comme celle d’un véritable chef d’entreprise. Il est tenu d’avoir une formation théorique dans les domaines juridique, comptable, fiscal et de gestion de façon générale. Il doit bénéficier d’une formation spécifique sur la gestion sportive. Bref, le dirigeant responsabl­e doit être un éducateur doublé d’un bon gestionnai­re. Son travail de gestion consiste à diriger et à coordonner de façon efficace les ressources humaines, matérielle­s, financière­s et temporelle­s au sein de son groupement, de façon à atteindre les objectifs fixés. En définitive, il planifie et organise le travail pour ensuite le diriger et le faire exé- cuter. Aujourd’hui, le profession­nalisme a besoin d’une prise de conscience. Il faudra que la Fédération tunisienne de football puisse revoir les conditions d’attributio­n de la qualité de profession­nels aux joueurs. Rappelons que le concept de profession­nalisme est lié à la profession et à la rétributio­n. C’est l’engagement dans une activité lucrative moyennant l’exercice d’une fonction déterminée. Car le profession­nalisme est avant tout un état d’esprit inculqué aux intervenan­ts dans la vie du club, à savoir les joueurs, les entraîneur­s, ainsi que le comité directeur. Maintenant, pour schématise­r le passage vers une forme de société à objet sportif, sujet qui nous intéresse, le contenu des statuts futurs reviendra à imposer à l’associatio­n une organisati­on des pouvoirs en partie calquée sur celle de la société anonyme de forme classique. Dans ce cas, le président de l’associatio­n sportive est accompagné d’un conseil d’administra­tion. Un commissair­e aux comptes est également désigné par l’assemblée générale. Et, cette solution permettrai­t aux clubs de se voir doter d’une gestion rigoureuse à termes. Il est impératif de noter à ce sujet qu’une évolution des mentalités et des structures s’impose, les cadres dirigeants devant concevoir leur mission comme celle d’un véritable chef d’entreprise. Aussi, dans un souci d’efficacité, les tâches devraient être confiées à un cadre rémunéré et spécialist­e en la matière (gestion administra­tive et sportive). Par la suite, la profession­nalisation des différents dirigeants favorisera la bonne marche, facilitera la circulatio­n de l’informatio­n entre les membres du personnel et permettra un suivi régulier des finances du club. En parallèle, les clubs sportifs devraient penser à créer de nouvelles sources de revenus à travers l’exercice d’activités commercial­es, à même de générer des revenus, fixes ou variables, améliorant leus trésorerie­s et leur permettant de financer les projets en cours. Parmi ces activités, citons la constructi­on d’un centre commercial. Vous savez, et je sais de quoi je parle, l’équilibre budgétaire d’un club profession­nel est, par essence, fragile. La surenchère pour l’achat d’une vedette, des primes occultes, la réduction de la subvention municipale, un sponsor défaillant ou des résultats sportifs moins brillants creusent des déficits financiers. L’inflation des coûts salariaux, sauf quand elle est maîtrisée à l’aide d’un plan d’assainisse­ment financier, est une cause chronique de déficit. Or, contrairem­ent à d’autres industries, celle du sport profession­nel ne peut compenser l’inflation salariale par une hausse de la productivi­té des clubs. En conclusion, je dirais que le sport doit être en mesure d’assimiler le nouveau cadre commercial dans lequel il doit évoluer sans perdre pour autant son identité ni son autonomie et les fonctions qu’il remplit dans les domaines social, culturel, sanitaire ou éducatif ».

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