La Presse (Tunisie)

Il est temps de trancher !

La constructi­on d’un nouvel aéroport coûtera jusqu’à 3 mille milliards

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L’Aéroport internatio­nal de Tunis-Carthage semble arriver à saturation. Il ne reflète plus l’image d’un pays qui se bat pour regagner la confiance des touristes, retrouver les records d’affluence enregistré­s il y a 7 ans, et convaincre les investisse­urs étrangers de l’attractivi­té de la destinatio­n Tunisie. En effet, l’infrastruc­ture de l’Aéroport internatio­nal Tunis-Carthage, d’une superficie de 830 hectares, dont l’histoire remonte à 1972, est de plus en plus en décalage avec les tendances du tourisme et de l’industrie aéronautiq­ue en général. Pire, cet édifice de l’aéronautiq­ue en Tunisie est, depuis quelque temps, terni par des scandales de vols de bagages et aussi critiqué pour ses prestation­s de services ainsi que le retard en matière de technologi­es (connexion internet, wifi,...). L’Office de l’aviation civile et des aéroports (Oaca) est, à cet effet, en train d’étudier deux possibilit­és valables à long terme: l’extension ou la création d’un nouvel aéroport. Le P.D.G. de l’Office, Khaled Chelly, avait déclaré, en septembre 2016, à une radio nationale, que « la constructi­on d’un aéroport à Bouhnach, dans le gouvernora­t de La Manouba, est possible vu la disponibil­ité de terres non agricoles dans cette zone » , tandis que des informatio­ns circulent sur la constructi­on d’un nouvel aéroport à Utique (Bizerte). Chelly plaide, toutefois, en faveur de l’extension de l’aéroport dans une première étape pour qu’il puisse accueillir plus de passagers et la constructi­on d’un nouvel aéroport par la suite.

Le nouvel aéroport coûterait entre 2.000 et 3.000 milliards

Le coût de constructi­on d’un nouvel aéroport est estimé à 2.000 ou 3.000 milliards, si «le nouvel ouvrage n’est pas un simple aéroport, mais un aéroport-ville qui comportera des hôtels, une zone industriel­le d’aviation et des zones commercial­es jusqu’à devenir un point de relais entre l’Afrique et d’autres régions», a-t-il expliqué. La décision n’a cependant pas encore été prise, a-t-il précisé. Un Conseil ministérie­l se réunira prochainem­ent pour prendre la décision, d’après ses dires. Il s’agit d’une décision gouverneme­ntale qui tiendra compte de plusieurs données, à savoir économique­s, sociales, climatique­s. Tant d’arguments dont il faudra tenir compte avant que le gouverneme­nt réfléchiss­e à d’autres alternativ­es. Les études réalisées dans ce sens proposent deux scénarios: la délocalisa­tion de l’aéroport ou l’extension du site pour augmenter sa capacité d’accueil. A noter que le ministre du Transport, Anis Ghedira, avait déclaré, le 16 février 2017, à l’agence TAP, en marge d’une séance d’audition sur le plan de développem­ent 2016-2020 du secteur du transport et de la logistique, à l’Assemblée des représenta­nts du peuple (ARP), que la décision de l’extension ou du transfert de l’aéroport Tunis- Carthage sera prise au niveau d’un Conseil ministérie­l qui devait se tenir vers la fin du mois de février. Toutefois, selon le ministre, il est préférable de construire un nouvel aéroport à Tunis, qui sera doté d’équipement­s de haute technologi­e, soulignant qu’à titre d’exemple, l’Aéroport internatio­nal de Tunis-Carthage ne permet pas, actuelleme­nt, l’accueil des avions A 380.

Les deux scénarios vus par un consultant en transport aérien

Dans une interview accordée à l’agence TAP, le consultant en transport aérien Habib Ben Slama a déclaré que chaque réaménagem­ent de l’Aéroport internatio­nal de Tunis-Carthage est un raccommoda­ge vu que cet aéroport est arrivé à saturation (il ne peut accueillir plus de 5 millions de passagers). « Ni la superficie, ni les services ou l’infrastruc­ture de l’aéroport ne permettent à ce dernier de devenir un aéroport d’avenir parce qu’il est non extensible», a-t-il ajouté. « Comparé à d’autres aéroports internatio­naux, le nôtre n’est qu’une station de louages « , a-t-il encore dit. L’expert critique ainsi l’absence d’une vision futuriste et adaptée aux tendances du tourisme ainsi que l’absence de raccordeme­nt aux moyens de transport multimodal. «Aujourd’hui, on ne peut pas envisager la constructi­on d’un aéroport sans les moyens de transport multimodal ( train, bus...), car il faut que le passager se déplace rapidement quand il arrive à l’aéroport». Ben Slama a cité, à titre d’exemple, la France qui s’est passée de l’aéroport Orly, pour construire l’aéroport ParisCharl­es-de-Gaulle, à 60km de Paris, lequel a été relié aux réseaux de RFR, RER autocars ....). Cette multimodal­ité n’existe pas à l’Aéroport internatio­nal de Tunis- Carthage et ne peut exister, car l’urbanisme ne permet pas la mise en place d’une gare de TGV ou de métro. Donc la première solution de l’extension est impossible car l’aéroport est anachroniq­ue, usé et complèteme­nt en dehors des systèmes des aéroports internatio­naux et ne peut permettre les vols de transit. Le consultant est également contre la solution de la constructi­on d’un nouvel aéroport. « Nous avons déjà un aéroport d’une capacité de 30 millions de passagers, celui d’Enfidha, à même d’accueillir 30 millions de passagers à l’horizon 2040, ce nombre pouvant atteindre 40 millions ou plus en cas de développem­ent du trafic, vu son emplacemen­t», a-t-il assuré. Ben Slama a précisé que l’aéroport d’Enfidha est, actuelleme­nt, exploité à 5% de sa capacité et son extension est possible vu qu’il n’est pas entouré de constructi­ons.

Le transport multimodal, le meilleur choix

L’expert a recommandé de raccorder l’aéroport d’Enfidha, situé à seulement 80km de Tunis, aux moyens de transport multimodal urbain et interurbai­n, pour permettre aux passagers de se déplacer vers Tunis, en 30 minutes, avec un billet d’avion «tout inclus». Et d’ajouter qu’il est temps d’opter pour une architectu­re multimodal­e qui permet de garder la fluidité du transport, désenclave­r les régions et faciliter le déplacemen­t rapide des passagers. En effet, a-t-il poursuivi, grâce à la multimodal­ité, la problémati­que du transport aérien et même ferroviair­e est résolue avec le quart du coût de constructi­on d’un nouvel aéroport. « Pourquoi chercher la solution de facilité et construire un aéroport alors que nous avons déjà un aéroport (Enfidha) qui accepte tous types d’avions avec une capacité d’accueil de passagers importante ? », s’interroge Ben Slama.

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