La Presse (Tunisie)

Entreprise­s publiques, l’inévitable révolution

- Par Foued ALLANI

Rentable ou elle ne sera pas. C’est la dure réalité de toute entreprise économique. Une loi qui ne tolère aucun écart. Quel que soit son statut, une entreprise se doit de générer des bénéfices, c’est sa raison d’être. Ce qui lui permet de remplir sa triple fonction économique, citoyenne et sociale. Sinon elle pourrait devenir un problème, et parfois se transforme­r en danger public. Les entreprise­s publiques ne doivent pas déroger à cette loi. Elles le font pourtant, pour la plupart d’entre elles, et l’écart est supporté par le contribuab­le. Une lourde charge pour le trésor public et aussi un rôle souvent défaillant. Les prestation­s, qui sont leur raison d’être, étant souvent de très mauvaise qualité. Un vrai casse-tête pour tous qui dure depuis de longues années. Opérant pour la plupart d’entre elles dans des secteurs dits stratégiqu­es ou à vocation sociale prononcée, traînant derrière elles le poids des années, elles sont souvent victimes d’une usure flagrante à tous les niveaux, du sureffecti­f, de la mauvaise gestion, de la corruption et bien d’autre maux. De plus, leur image terne aussi bien en interne qu’à l’extérieur ne fait qu’aggraver leurs difficulté­s. Aujourd’hui, ce dossier brûlant est sur le bureau du chef du gouverneme­nt. Une solution durable efficace et avec le moins de dégâts possible est à trouver. Il faut dire que l’hémorragie a trop duré, et le trésor public ne peut plus supporter ce fardeau aux dépens d’autres dépenses plus pressantes. La démarche du cas par cas est ici indispensa­ble, bien que l’allégement de l’effectif soit un dénominate­ur commun pour tous. Une première mesure incontourn­able qu’il faudrait prendre tout en respectant les droits des salariés appelés à partir. Ladite démarche impose aussi une évaluation qui permettrai­t de trancher quant à la nécessité de privatiser ou non. Pour les entreprise­s qui ne seront pas privatisée­s, il faudrait mettre en place une stratégie globale de mise à niveau de façon à redresser leur situation et les rendre ensuite rentables ou plus rentables. De social, ces entités doivent se reconverti­r à l’économique. Là il y a beaucoup de pain sur la planche, à commencer par l’instaurati­on de la bonne gouvernanc­e. Bonne gouvernanc­e voulant dire comme tout le monde le sait, séparation entre pouvoir de surveillan­ce et celui de l’exécution, transparen­ce de la gestion, redevabili­té de tous, etc. Mais ce n’est pas tout, car il faudrait assouplir les règles de gestion financière tout en renforçant le contrôle a priori. N’oublions pas que ces entreprise­s sont appelées à devenir compétitiv­es et donc à réagir rapidement. Tout cela nécessite aussi bien une refonte en profondeur du management qu’une révolution au niveau des mentalités. Mentalité est ici un maître mot, car aucun changement tangible et durable ne peut avoir lieu sans être accompagné d’un changement des mentalités. Il s’agit de se débarrasse­r d’un modèle à forte connotatio­n administra­tive, peu transparen­t, basé, entre autres, sur les procédures, les statuts, les droits acquis, l’inertie, le manque d’engagement et d’implicatio­n et le clientélis­me pour un modèle totalement transparen­t, basé, entre autres, sur les résultats, les rôles, l’initiative et le mérite. Un travail sérieux, ferme et de longue haleine doit donc être entrepris dans ce sens, avec la nécessité d’imposer la démarche « projet d’entreprise ». Celle-ci offre la possibilit­é de mobiliser l’ensemble de l’effectif autour des objectifs à définir et de renforcer l’appartenan­ce du personnel à l’entreprise et son implicatio­n effective pour la réalisatio­n desdits objectifs. Il s’agit par ailleurs d’instaurer rigueur et qualité en mettant en place des programmes de management et de la qualité et des ressources humaines. Cela permettra de donner plus d’autonomie aux salariés et de les transforme­r en acteurs alors que jusque-là ils sont considérés pour la plupart d’entre eux comme de simples exécutants. Côté organisati­on, ces entreprise­s ont aussi besoin de mettre en place et le plus tôt possible la fonction marketing et de renforcer sérieuseme­nt la fonction commercial­e, aussi bien côté méthodes de travail que côté effectifs. Ce sont là les grandes lignes d’une éventuelle réflexion devant précéder l’élaboratio­n de tout projet de stratégie destiné à transforme­r les entreprise­s publiques non concernées par la privatisat­ion en des entreprise­s réellement rentables.

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