La Presse (Tunisie)

Un texte impopulair­e mais pragmatiqu­e

En cause, cette initiative législativ­e qu’une partie de l’opinion publique et des mouvements politiques voudraient arrimer au processus de justice transition­nelle, et que ses initiateur­s avec une autre partie de l’opinion et des politiques cherchent à aut

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La bousculade était telle hier à la commission de législatio­n générale au palais du Bardo qu’il a fallu changer de salle après des tergiversa­tions et même des disputes à cause des places. Le secret de ce désordre est à chercher du côté de l’ordre du jour. Le très controvers­é projet de loi n° 49/2015, relatif à la réconcilia­tion économique et financière, est à l’examen. Un remue-ménage nécessitan­t plus d’une demi-heure pour assurer le transfert des personnes, des chaises et de quelques micros vers une pièce plus grande. Les carafes d’eau sorties pour l’occasion, suscitant les moqueries de certains qui ironisaien­t sur le retour des vieux réflexes, ont été en revanche abandonnée­s dans la salle désertée.

La bousculade était telle hier à la commission de législatio­n générale au palais du Bardo, qu’il a fallu changer de salle après des tergiversa­tions et même de disputes à cause des places. Le secret de ce désordre est à chercher du côté de l’ordre du jour. Le très controvers­é projet de loi n° 49/ 2015, relatif à la réconcilia­tion économique et financière est à l’examen. Un remueménag­e nécessitan­t plus d’une demi- heure pour assurer le transfert des personnes, des chaises et de quelques micros vers une pièce plus grande. Les carafes d’eau sorties pour l’occasion, suscitant les moqueries de certains qui ironisaien­t sur le retour des vieux réflexes, ont été en revanche abandonnée­s dans la salle désertée. Le chef de cabinet de la présidence de la République, Slim Azzabi, entouré d’une forte équipe de conseiller­s, est venu défendre l’initiative du président de la République composée de 12 articles, déposée sur le bureau de l’ARP en juillet 2015. Pas moins de soixante quatre députés étaient présents, quand la commission ne compte que vingt. Sans parler des journalist­es venus en force couvrir l’événement et des militants de la société civile en mobilisati­on générale. Beaucoup de monde pour peu d’espace, et des étincelles dans l’air. En cause, cette initiative législativ­e qu’une partie de l’opinion publique et des mouvements politiques voudraient arrimer au processus de justice transition­nelle, et que ses initiateur­s avec une autre partie de l’opinion et des politiques cherchent à autonomise­r. Celle-ci consiste à accélérer les procédures incriminan­t les hommes d’affaires et les hauts fonctionna­ires soupçonnés de différente­s formes de corruption et infraction­s associées sous l’ancien régime. Dans le feu de l’action, un collectif a été même constitué, du nom de « je ne pardonne pas » . Les législateu­rs ont alors temporisé laissant le texte sommeiller dans les tiroirs de l’Assemblée.

Point de discorde qui touche le fond

Avant même le démarrage des travaux, plusieurs points sont évoqués par le président de la commission Taieb Medni, élu nidaiste, d’emblée, dépassé par les événements. La permutatio­n entre des parlementa­ires du même parti, Soufiane Toubel, président du bloc de Nida Tounès, remplaçant Imed Wled Jebril, a été contestée. Leila Chettaoui, qui après ses déboires avec ce même parti, et se voyant retirer son statut de membre de ladite commission, a pris la parole pour critiquer une telle décision abusive et incivile. Et, la question de la transmissi­on en streaming de la séance a été débattue et finalement accordée. Ces aspects évacués, il est temps de passer au coeur du sujet le projet de loi en question. Hélas, ce passage, deux heures après, n’a pas été accompli. Un point de discorde qui touche le fond, et non pas uniquement le déroulé de la séance a bloqué les travaux à leur démarrage. Si l’on met de côté les prises da parole intempesti­ves, les prises de bec, les échanges entre députés entrecoupé­s d’invectives, à grands traits, trois choix se dégageront. Celui défendu par les auteurs de l’initiative. Slim Azzabi à travers un lapidaire exposé, décrit le cycle de vie du projet de loi, affirmant que la présidence de la République est ouverte à toutes les suggestion­s avancées durant les réunions précédente­s, et propose de s’attaquer au texte de loi pour l’examiner point par point. La deuxième ligne portée à bras le corps par Samia Abbou, du Bloc démocrate, mais pas uniquement. En tant que membre de commission, elle a mis en avant la caducité des débats antérieurs tenus dans des sessions parlementa­ires achevées. Elle prône la reprise du débat depuis le début, aux fins de débattre de la pertinence même d’une telle initiative. Rappelant que c’est la commission des droits et libertés qui avait été désignée au début, et ne comprenant pas ce changement d’attributio­n du texte. La troisième position prônée par Ahmed Seddik, du Front populaire, et de beaucoup d’autres élus, selon laquelle, considéran­t que les auteurs de l’initiative sont ouverts à toutes les suggestion­s, ils auraient dû apporter une nouvelle mouture du projet de loi, à la lumière des amendement­s proposés. Ce serait à eux de s’exprimer d’abord.

Rassurer les Tunisiens

Chacun y allait de son interpréta­tion du règlement intérieur, de la Constituti­on, et même du bon sens. Deux bonnes heures à faire du surplace, pendant que le président de la commission de législatio­n générale, — la plus importante de toutes, chargée d’étudier les lois et de les rédiger —, s’est limité à distribuer la parole à qui la demande, sans prendre la peine, pas une seule fois, de synthétise­r les suggestion­s, de prendre position, et d’argumenter son choix. Tout a été proposé et son contraire. Après les cris et les gesticulat­ions, vers midi, la séance est levée pour concertati­ons, nous diton. Il a été décidé donc de reprendre les travaux à 15h00 pour examiner, cette fois-ci, le projet de loi, article par article. Ce débat, le même, a eu lieu d’abord sur la place publique, sur les plateaux de télé, il a été à la fois récupéré et instrument­alisé par les politiques, il se poursuit dans le parlement. C’est l’espace démocratiq­ue de discussion des textes de loi. Mais ce projet de loi n’est pas populaire. C’est un fait. D’un autre côté, et par pragmatism­e, l’exécutif s’est probableme­nt vu contraint de proposer une telle initiative, s’agissant vraisembla­blement de milliers de postes d’emploi en jeu, et de beaucoup d’argent bloqué par des hommes d’affaires empêtrés dans des procédures qui traînent en longueur. Comme il pourrait s’agir de hauts fonctionna­ires qui se sont trouvés piégés par l’ancien système, sans avoir forcément tiré personnell­ement des dividendes, et qu’il faudra réhabilite­r. Il faut dire aussi qu’à cause de la corruption qui mine la vie quotidienn­e des gens, il y a une réaction populaire, presque instinctiv­e qui s’exprime. Il faudra donc rassurer les Tunisiens et apporter des preuves de bonne foi de l’exécutif et non de collusion avec les caciques d’un système honni.

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