Insécurité
LA sécurité est une préoccupation majeure non seulement en Tunisie mais aussi dans d’autres pays, surtout depuis le développement du terrorisme. Notre ministre de l’Intérieur a communiqué des données édifiantes lors de son audition par les députés vendredi dernier : 245 cellules terroristes démantelées et présentation de 537 personnes devant la justice, en 2016. On apprend, aussi à ce propos, que sur un total de 2.252 affaires terroristes soumises depuis 2015 à la chambre des mises en accusation, 1.430 ont déjà été tranchées. Le ministre dévoile, aussi, que « 3.000 terroristes se trouvent actuellement dans les zones de conflit. Parmi eux, 60% sont en Syrie et 30% sont actifs en Libye. Les 10% restants se trouvent dans d’autres pays. 96% d’entre eux sont des hommes et qu’ils sont âgés de 24 à 35 ans. Le nombre d’individus de retour des zones de conflit s’élève à 800 personnes. Quelque 760 autres Tunisiens ont trouvé la mort dans ces zones ». Sur les 800 qui sont de retour au pays, 190 en détention, 137 en garde à vue, 150 assignées à résidence et 55 ont été neutralisées lors des événements de Ben Guerdane. Les autres sont maintenus en liberté sous surveillance sécuritaire. Enfin, 27.371 personnes suspectées de vouloir se déplacer vers les zones de conflit ont été interdites de voyager depuis 2013. Et rien ne garantit que ces terroristes ne passeront pas à l’acte d’autant que les cellules dormantes sont identifiées et démantelées presque quotidiennement. Et malgré les succès des forces de sécurité et des militaires, on ne cache pas que la menace persiste.
Cela explique-t-il la position de la Tunisie dans le classement mondial de la sécurité des touristes réalisé par le World Economic Forum: 102e sur 136 ? Les experts de cet organisme ont calculé dans quelle mesure un pays expose les touristes et les entreprises aux risques de sécurité principalement liés aux dommages graves aux personnes (violence et terrorisme). D’aucuns se sont étonnés de ce classement jugé exagéré d’autant que des pays, notamment européens, ont subi plusieurs attentats terroristes et sont mieux classés que la Tunisie. Il est vrai, aussi, que certaines parties se lancent délibérément dans la stigmatisation et cherchent à jeter l’opprobre sur telle ou telle nationalité des auteurs des attentats. Il faudrait en finir avec cette tendance et se rendre compte que le terrorisme n’a pas de nationalité et menace tous les pays du monde. Mais il y a un critère qui a été pris en consi- dération dans le classement : celui ayant trait aux manifestations violentes et la stabilité politique.
Or ce qui se passe depuis quelque temps dans notre pays invite à l’inquiétude. On l’a dit et redit et tout le monde est d’accord sur ce point : des manifestations pacifiques et des revendications citoyennes sont légitimes. Des partis politiques (Ennahdha, Al-Joumhouri, Ettakatol, Al-Amal, le mouvement Echaab) et des organisations nationales (Ugtt, Utica et Utap) viennent de signer une déclaration pour «exprimer leur soutien total au mouvement pacifique des jeunes de Tataouine». Cependant ces manifestants bloquent des routes empêchant des camions de transport des hydrocarbures d’effectuer leurs livraisons. Et le mouvement n’est pas spontané : il a été organisé, ces supposés chômeurs roulant en grosses voitures 4×4, logeant dans des tentes et ne manquant pas de nourriture. Plusieurs voix se sont élevées pour mettre en garde contre la récupération politique de ces manifestations. On indique aussi que parmi les manifestants on a identifié des membres du parti Harak Al-Irada et de la Ligue de protection de la révolution, dissoute en mai 2014. On rapporte que Imed Dghij, membre de la LPR, «a publié un post sur son compte Facebook où il incite les jeunes, de manière implicite, à mener un mouvement de protestation dans tout le pays et critique l’incapacité du gouvernement Youssef Chahed à créer des emplois et à mettre en place des projets de développement dans les régions intérieures ». Le secrétaire général du MPT, Mohsen Marzouk, a estimé, récemment, que « si les revendications sociales sont légitimes, certains partis politiques semblent les instrumentaliser pour semer le chaos ». Et un membre de l’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières (Etap) a affirmé, lundi dernier, que «ces manifestations pèsent très lourd sur l’économie et l’intérêt du pays. Certaines compagnies étrangères finiront par quitter le territoire pour s’installer dans des pays voisins ».
Ces manifestations ont été motivées, au début, par des revendications légitimes. Mais elles n’ont plus rien de pacifique et sont même hors la loi. Ont-elles été exacerbées pour perturber et faire échouer la visite que doit effectuer le chef du gouvernorat dans cette région? En tout cas, cela crée un climat d’insécurité qui n’attire ni les touristes ni les investisseurs.