La Presse (Tunisie)

Les purges reprennent de belle allure

Les autorités turques ont arrêté plus de mille personnes sympathisa­nts présumés du prédicateu­r Fethullah Gülen.

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AFP — Les autorités turques ont arrêté plus de 1.000 personnes lors d’une nouvelle purge contre des partisans présumés du prédicateu­r Fethullah Gülen, dix jours après la victoire du président Recep Tayyip Erdogan au référendum renforçant ses pouvoirs. Quelque 1.120 personnes soupçonnée­s d’appartenir au réseau de M. Gülen, accusé par le gouverneme­nt turc d’avoir ourdi la tentative de putsch de juillet, ont été arrêtées hier matin à travers la Turquie, selon l’agence de presse progouvern­ementale Anadolu. Au total, plus de 3.200 personnes à travers la Turquie sont visées par un mandat d’arrêt et 8.500 policiers sont mobilisés pour les interpelle­r, a précisé l’agence de presse. Ce coup de filet, d’une ampleur inégalée ces derniers mois, survient dix jours après la victoire étriquée du président Erdogan à un référendum constituti­onnel sur l’élargissem­ent de ses prérogativ­es, dont la légitimité est remise en cause par l’opposition. Le principal parti d’opposition en Turquie, le CHP, a d’ailleurs annoncé hier qu’il allait saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour contester le résultat du scrutin. Avec ces arrestatio­ns et des bombardeme­nts menés avant-hier contre des combattant­s kurdes en Irak et en Syrie, Ankara semble vouloir montrer qu’il ne faiblira pas dans sa lutte contre le «terrorisme», à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Cette nouvelle vague de purges se produit à trois semaines d’un déplacemen­t de M. Erdogan aux Etats-Unis, lors duquel la demande d’extraditio­n de M. Gülen devrait être abordée. Le gouverneme­nt turc a exhorté à plusieurs reprises Washington de lui renvoyer le prédicateu­r, qui vit reclus en Pennsylvan­ie (nord-est), mais ses demandes sont restées lettre morte. Selon le ministre de l’Intérieur turc Süleyman Soylu, les arrestatio­ns d’hier visent à «nettoyer» les rangs de la police des éléments soupçonnés d’appartenir à la mouvance güléniste. «L’étape la plus importante des efforts visant à identifier et à détruire une structure qui s’est infiltrée dans notre police, qui cherche à contrôler notre police de l’extérieur (...) a été accomplie ce matin», a-t-il déclaré.

Bombardeme­nts en Irak et en Syrie

Les autorités turques accusent M. Gülen, un ancien allié du président Erdogan, d’être à la tête d’une «organisati­on terroriste» ayant infiltré les institutio­ns pour construire un «Etat parallèle». Mais le prédicateu­r affirme diriger un réseau d’écoles, d’ONG et d’entreprise­s visant à promouvoir un islam progressis­te et éclairé. Depuis le putsch manqué, plus de 46.000 personnes, notamment des policiers, des magistrats et des enseignant­s, ont été incarcérée­s et plus de 100.000 limogées ou suspendues. Ces mesures ont suscité l’inquiétude d’ONG et de pays européens qui dénoncent une répression tous azimuts qui vise notamment les milieux prokurdes et des médias critiques. Après les interpella­tions de hier, le ministère allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel a fait part de son «inquiétude» face à «ces arrestatio­ns de masse», et appelé à «respecter les mesures de l’Etat de droit». Après sa victoire au référendum sur le renforceme­nt de ses pouvoirs, les détracteur­s de M. Erdogan redoutent une nouvelle dérive autoritair­e du pouvoir turc. Peu après le scrutin, le gouverneme­nt a décidé de prolonger l’état d’urgence en vigueur depuis le putsch manqué. Les dirigeants turcs affirment que le renforceme­nt des pouvoirs présidenti­els permettra de conduire plus efficaceme­nt la «guerre contre le terrorisme» menée sur trois fronts : contre les gülénistes, les jihadistes et les séparatist­es kurdes. La nouvelle purge survient au lendemain du bombardeme­nt par l’aviation turque de positions de forces kurdes dans le nord-est de la Syrie et dans la région de Sinjar dans le nord-ouest de l’Irak, qui a fait plus de trente morts. Les frappes ont visé les Unités de protection du peuple kurde (YPG) en Syrie et le Parti des Travailleu­rs du Kurdistan (PKK) et ses alliés en Irak. Les Etats-Unis, à la tête de la coalition internatio­nale luttant contre le groupe Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie, avaient exprimé leur «profonde préoccupat­ion» après les bombardeme­nts turcs, mais Ankara a affirmé hier avoir préalablem­ent informé les Etats-Unis et la Russie avant ses frappes. L’aviation turque a de nouveau bombardé hier des cibles du PKK dans le nord de l’Irak.

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