Longue vie à la «Bonbonnière» !
Après quinze mois de travaux de restauration, le Théâtre municipal a rouvert hier ses portes au public. Retour sur un lifting d’un bâtiment classé, inauguré en 1902.
OEuvre de l’architecte français au nom lumineux Jean-Emile Resplandy, le Théâtre municipal ouvre ses portes à un public cosmopolite tunisois en 1902. Cet édifice, classé monument historique, représente un des rares théâtres de style Art nouveau au monde. En 2002, la «Bonbonnière» fêtait son centenaire. A cette occasion, des travaux menés par la municipalité de Tunis avec le concours de l’Association de sauvegarde de la Médina de Tunis (ASM) ont permis d’appliquer un lifting à ce «théâtre à l’italienne», selon l’expression consacrée. Ravalement de la façade, restitution de ses anciennes couleurs, consolidation du bâtiment et des escaliers, rénovation des fauteuils et de la tapisserie, restauration des décors de la salle des spectacles, du hall d’entrée et du foyer du premier étage… Toutes ces actions ont permis une rénovation partielle de ce lieu où Tunis a longuement dansé et chanté.
Le bâtiment menaçait ruine
Mais le temps passe et des architectures de ce gabarit, de cette profondeur historique et de ce prestige ont cycliquement besoin d’être revisitées. Voilà ce qui a motivé en 2013 le retour des équipes de la municipalité de Tunis et de l’ASM vers l’une des oeuvres majeures de Resplandy pour une intervention ponctuelle, cette fois-ci, sur les loges des artistes. Grace à laquelle un constat a été fait : le TM vieillit à vue d’oeil. Il menace même ruine au niveau de certaines de ses parties. La municipalité lance alors une opération de diagnostic général auprès d’un bureau d’études privé. «Il y avait urgence car le bâtiment souffrait sérieusement» , affirme le maire de Tunis, Seïf Allah Lasram.
L’expertise du bureau d’études
démontre que le théâtre demandait le lancement de travaux de fond qui vont de la consolidation de ses fondations, au renforcement de son plancher, à l’assainissement de ses sous-sols, au renforcement de sa toiture inclinée au niveau de la «Bonbonnière», jusqu’à la rénovation de ses fluides, électricité et revêtements du sol et la remise à niveau de sa sécurité incendie. «Nous avons également réaménagé le bloc sanitaire en fonction du standing du théâtre, refait les coulisses et les loges des artistes, rafraîchi les dorures des lieux, les boiseries, et la peinture du magnifique plafond du salon d’honneur représentant un ciel traversé d’oiseaux et de nuages» , précise Amel Meddeb, architecte et urbaniste de l’Association de sauvegarde de la médina.
«Nous avons gardé l’esprit des lieux»
Deux jours avant la réouverture du TM, les équipes de la municipalité sont à pied d’oeuvre pour finir à temps les travaux. Deux hommes mesurent le tapis rouge prévu pour couvrir les escaliers extérieurs. Une dame nettoie avec ferveur le rideau de la scène. Dans les locaux de l’ad-
ministration et de la zone guichet, on s’active encore… «Les espaces d’accueil du public sont prêts. A savoir le hall central, la salle de spectacle et le salon d’honneur. Notre intervention au niveau des locaux techniques se poursuivra jusqu’au mois de mai» , affirme Yassine Mahjoub, sous-directeur des études et nouveaux travaux à la municipalité de Tunis. Les revêtements du sol en marbre Chemtou dans un dégradé de rose allant du plus clair au plus foncé ont été enlevés et repris à l’identique. Une nouvelle partie a été aménagée au niveau de l’orchestre pour recevoir le public à mobilité réduite, qui peut accéder désormais à la salle directement de la zone guichets à travers un ascenseur panoramique. «Lorsqu’on nous dit que rien ne paraît changé au théâtre, nous sommes heureux, car c’est là la preuve que nous avons gagné notre pari. A savoir, intervenir en profondeur et dans les détails sur le bâtiment en gardant son esprit et son authenticité» , fait remarquer Amel Meddeb.
Un programme d’animation sur dix jours
Les travaux ont duré quinze mois et coûté près d’un milliard 900 mille dinars. Des fonds exclusivement municipaux ont été engagés pour cette opération. «Nous comptons poursuivre les mois à venir des actions pour l’amélioration de la sonorisation du théâtre» , promet le maire Seïf Allah Lasram. Un programme culturel accompagne pendant une dizaine de jours la réouverture du TM. Après l’orchestre symphonique tunisien, c’est au tour de la Traviata de Verdi, qu’une troupe de danse italienne se produira aujourd’hui. La Rachidia, la pièce «Cauchemar» de la Troupe de la Ville de Tunis, un spectacle de flamenco espagnol, un autre de danse russe et plusieurs pièces de troupes tunisiennes régionales de théâtre animeront les nuits d’après. Pour que ce lieu de mémoire continue à vibrer des différents arts, qui ont fait sa notoriété depuis que Sarah Bernhardt, Salama Hijazi, Georges Abiadh et Aly Ben Ayed s’y sont produits au cours du dernier XXe siècle. «Grace à cette opération, nous garantissons au Théâtre municipal au moins un autre siècle de vie et d’activité» , conclut Yassine Mahjoub.