Négocier n’est pas céder
L’équation est la même depuis quelque temps: comment répondre aux revendications souvent très légitimes des régions en matière d’emploi et de développement sans retomber dans une forme de gouvernement qui est celui de l’Etat providence... Aujourd’hui, tous ceux qui feignent d’ignorer que le rôle de l’Etat n’est plus d’offrir des emplois aux citoyens mais de créer les conditions naturelles de leur création et de leur multiplication à travers le libre jeu économique, tous ces gens-là n’élèvent pas le débat politique dans le pays. Ce n’est pas faire profession de libéralisme que de le rappeler, mais simplement d’esprit critique.
Le mécontentement des habitants de Tataouine a ses raisons. Il est le résultat d’un échec global de notre politique de développement régional, malgré quelques réussites ici ou là dont on a utilisé l’exemple pour masquer le fossé qui existe depuis des décennies entre certaines zones favorisées et le reste du pays. La révolution, malgré ses slogans et ses objectifs, n’a pas su inverser cette tendance néfaste. Au contraire, le désordre qu’elle a suscité n’a fait souvent qu’aggraver la précarité des populations. Mais quelque chose d’important a changé, malgré tout: le gouvernement ne se dérobe plus à son devoir d’écoute et il ne cherche plus à maquiller la réalité. Il n’essaie plus de répondre aux revendications en les faisant taire : il explique, il parlemente, il négocie. Il transige parfois en décidant des aides, il ouvre aussi des portes en vue de solutions communes, bonnes ou moins bonnes... Mais faut-il pour cela qu’il cède, comme certains le voudraient ? Voilà qui est moins sûr. Surtout si ces mouvements de revendication se transforment en mouvements de sédition.
Quoi qu’il en soit, il faut affirmer sans ambiguïté que, face à certaines demandes, le gouvernement avait le devoir de ne pas céder, et de faire preuve d’une fermeté d’autant plus forte que les protestataires espéraient le faire plier sous la pression. Exiger qu’une part déterminée des ressources de la région soit utilisée pour cette région elle-même, c’est en apparence se réclamer d’un principe d’équité, mais c’est en réalité introduire dans le mode du gouvernement de notre pays un principe de division dont la généralisation mènerait à la ruine de toute solidarité interrégionale... Ajouter à cela une méthode qui consiste à défier ouvertement l’autorité de l’Etat, dans une démarche qui vise à porter atteinte à l’unité du pays, c’est achever de créer l’impasse et susciter une vive désapprobation là où la sympathie aurait pu être de mise.
En fin de compte, c’est aussi cela le drame de notre pays : que ceux qui ont un pouvoir d’influence sur des populations en situation de désarroi n’utilisent pas cette influence pour donner plus de crédibilité et plus de pertinence à certaines actions de protestation, mais qu’ils cherchent à capitaliser les mécontentements en dépit du bon sens et de l’intérêt de tous, y compris de ceux qu’ils prétendent défendre. La souplesse de l’Etat à l’ère démocratique n’est pas une faiblesse, et elle ne devrait pas induire certains esprits mal inspirés à s’égarer dans des agissements excessifs et stériles, dont seuls peuvent se réjouir ceux qui n’ont pas à coeur l’intérêt du pays et son unité.
la souplesse de l’Etat à l’ère démocratique n’est pas une faiblesse, et elle ne devrait pas induire certains esprits mal inspirés à s’égarer dans des agissements excessifs et stériles, dont seuls peuvent se réjouir ceux qui n’ont pas à coeur l’intérêt du pays et son unité.