La Presse (Tunisie)

Le spectre de l’abstention

- Par Abdelhamid GMATI

Les Tunisiens peuvent donc s’inscrire sur les listes électorale­s en vue des élections municipale­s du 17 décembre prochain. Malgré quelques manquement­s, signalés par l’Associatio­n tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (Atide), notamment une campagne de sensibilis­ation faible, l’opération a connu un début encouragea­nt. A rappeler que quelque 5 millions s’étaient inscrits pour les élections de 2011 et 2014. Il faut dire que ces municipale­s ont connu quelques péripéties. On avait proposé les dates du 30 octobre 2016 puis du 26 mars 2017 pour organiser simultaném­ent les élections municipale­s et les régionales. Mais on a dû y surseoir, la loi électorale n’ayant pas été adoptée à l’été 2016. Elle le fut le 31 janvier dernier. Et malgré l’opposition de certains partis politiques qui préféraien­t pouvoir disposer de plus de temps, on annonça enfin ces municipale­s pour le 17 décembre. Donc, à partir de cette date, on en aura fini avec les conseils de délégation­s spéciales et les Tunisiens pourront choisir leurs représenta­nts municipaux. Et là se pose la question : combien de Tunisiens suivront le slogan «Allons voter» ?

Pour les municipale­s de 2000, on enregistra­it un taux de participat­ion supérieur à 76%. Aux élections d’octobre 2011, pourtant qualifiées «d’historique­s», plus de la moitié des Tunisiens ne se sont pas déplacés pour élire les membres de la Constituan­te. Pour celles de 2014, le taux de participat­ion aux législativ­es était de 61,8%. Seuls 3,2 millions de Tunisiens ont voté sur un total de 5,2 millions d’inscrits. Si on tient compte de la majorité électorale, soit 7 millions d’inscrits et de non-inscrits, environ 4 millions de Tunisiens en âge de voter ne l’ont pas fait. On a procédé à des analyses, à des recherches, à des sondages, pour comprendre les raisons de cette désaffecti­on pour le vote. Plusieurs raisons ont été avancées. Certains considèren­t que leur vote ne sert à rien et ne changera rien. En fait, on constate que la confiance est rompue entre les tunisiens et la classe politique. Inquiets de tous les problèmes qui se posent au pays, particuliè­rement la crise économique, les citoyens ne voient rien venir et sont saturés de discours, d’un trop-plein de partis politiques, de promesses non tenues, de succession de gouverneme­nts. D’où cette «fracture». Le chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed, en a fait le constat lui même. Et la multiplica­tion des mouvements sociaux (grèves, sit-in) s’explique par ce ras-le-bol.

Et comment cela pourrait-il changer lorsqu’on observe ce qui se passe sur la scène politique ? La discorde est toujours de mise, les appels à la sédition aussi, la lutte au sein des partis continue, et les demandes de changement du gouverneme­nt sont récurrente­s. Ajoutons à cela ce que la lutte contre la corruption révèle, comme l’implicatio­n de ministres, de députés, d’hommes d’affaires, de douaniers, d’animateur de télé, etc. L’absentéism­e et les échanges d’injures à l’ARP n’arrangent pas les choses. Tout cela fait dire aux observateu­rs que le taux de participat­ion à ce scrutin municipal, pourtant d’une grande importance, sera dérisoire. En fait, que veut le citoyen ? Il s’attend à des changement­s radicaux dans sa vie quotidienn­e. Concernant les municipali­tés, on attend une améliorati­on de l’environnem­ent, en particulie­r le ramassage et l’éliminatio­n des déchets et la simplifica­tion des procédures administra­tives.

Plus de cinq mois nous séparent de ces municipale­s. Aux partis politiques de proposer des programmes concrets pour répondre aux aspiration­s des électeurs et de présenter des candidats crédibles, capables de réaliser ces programmes. A défaut, l’abstention sera, encore une fois, la vedette de ce scrutin.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia