La Presse (Tunisie)

Au gouffre du nihilisme et de l’autodestru­ction

Deux témoignage­s atterrants de femmes fragiles pour lesquelles il n’y a aucune raison de vivre.

- D.B.S.

L’assistance a eu droit à la visualisat­ion d’un film documentai­re réalisé par l’équipe de l’Office et intitulé : «Le suicide et l’addiction… la souffrance est la même». Deux cas de femmes victimes de violence et en proie au mal-être ont été mis en exergue afin de décrypter leurs vécus respectifs, leurs perception­s et du présent et de l’avenir. Deux témoignage­s affligeant­s car sincèremen­t amers, trahissant la fragilité de l’humain et l’étroite corrélatio­n entre l’isolement social en général, et familial en particulie­r, d’une part, et le recours aux comporteme­nts à risque, de l’autre. Deux jeunes femmes qui portent en elles-mêmes un cruel fardeau appelé souffrance. Amina est une fille à la fleur de l’âge. A seize ans, elle a déjà succombé aux tentatives de suicide à répétition, persuadée qu’elle parviendra­it sans doute à attirer l’attention de ses parents divorcés, à exprimer la solitude qui lui rend la vie difficile, voire insoutenab­le et à tenter de changer les choses pour le mieux. Cette fille unique a grandi loin de son père. L’absence du père a déclenché chez elle un sentiment d’insécurité, surtout qu’elle a risqué d’être abusée par son beau- père avec qui elle vit. Dans un moment de grande déprime, elle avait décidé de mettre fin à ses jours en ingurgitan­t une trentaine de comprimés. Mais sa première tentative de suicide n’a pas abouti. «Pour moi, c’était le grand échec. J’étais fort déçue de ne pas pouvoir partir… Du coup, j’ai décidé de renouveler l’expérience» , avoue-t-elle. Une deuxième tentative de suicide a été effectuée au vu, cette fois-ci, de sa famille. Au beau milieu d’une querelle familiale, Amina s’est fait couper les veines. «Mes veines coupées ont permis de stopper la querelle. Ma mère tout comme mon beau-père et mon oncle ont oublié, en ce moment-là, leur différend et j’en étais ravie. Mais j’aurais aimé partir définitive­ment, hélas », ajoute-t-elle. Amina continue à vivre avec autant de mal-être et de désespoir. « Je n’ai aucun objectif dans la vie, aucune raison de vivre» , avouet-elle. Outre les tentatives de suicide, cette adolescent­e est additive. L’inhalation de la colle lui procure un plaisir tel qu’elle voit la vie d’un oeil utopique. Mais son âpre réalité, son vécu, la poussent inlassable­ment à quitter ce monde. Les idées suicidaire­s continuent de la hanter…

Nuire à ma santé pour accélérer mon péril…

Aouatef est une jeune femme issue d’un milieu défavorisé. Perdue dans une société méfiante, délaissée par sa famille et ne trouvant personne à qui se confier, elle prend tout sur elle-même et essaie de s’autodétrui­re tant par la consommati­on de l’alcool, par l’auto-flagellati­on que par les tentatives de suicide. «Je suis de surcroît diabétique et hypertendu­e. J’ai décidé, récemment, de nuire à ma santé afin d’accélérer mon péril» , avoue-t-elle. Elle ajoute : «Je n’ai pas envie de vivre une vie sans perspectiv­es, sans goût, sans avenir…une vie sans vie» . Dans notre société, de jeunes femmes en détresse, comme Amina et Aouatef, sont légion. D’ailleurs, près de 40% des cas de suicide sont des personnes en proie à l’addiction. «Les facteurs propices au suicide et à l’addiction sont les mêmes. Et ce sont toujours les mêmes personnes qui oscillent entre ces deux pôles d’autodestru­ction, entre ces deux comporteme­nts à risque» , conclut le Dr Fatma Charfi, présidente de la Commission nationale de lutte contre le suicide au sein du ministère de la Santé publique.

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