La Presse (Tunisie)

Bayrou et de Sarnez quittent le navire

Les deux cadors du MoDem sont susceptibl­es de devoir rendre des comptes après l’ouverture d’une enquête pour «abus de confiance et recel» le 9 juin par le parquet de Paris

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AFP — Sous la pression des affaires et de la démission en chaîne de quatre figures de proue du gouverneme­nt qui a réveillé les ardeurs d’une opposition renaissant­e, Emmanuel Macron et Edouard Philippe peaufinaie­nt hier le casting d’un remaniemen­t plus large que prévu. Nouveau rebondisse­ment hier matin: François Bayrou et Marielle de Sarnez, piliers du MoDem, ont annoncé qu’ils quittaient le gouverneme­nt, après Richard Ferrand lundi et Sylvie Goulard avant-hier. «J’ai pris la décision de ne pas faire partie du prochain gouverneme­nt. Je donnerai une conférence cet après-midi à 17h00», a déclaré le président du MoDem à l’AFP, soit une heure avant l’échéance fixée par l’exécutif pour l’annonce du nouveau gouverneme­nt. Dans la foulée, on apprenait que son bras droit au MoDem, Marielle de Sarnez, ministre des Affaires européenne­s, quittait elle aussi le gouverneme­nt pour présider le groupe du parti centriste à l’Assemblée. François Bayrou «souhaite se défendre» dans l’enquête sur les assistants parlementa­ires du MoDem et cela «simplifie la situation», a observé le porte-parole du gouverneme­nt Christophe Castaner, parlant d’une «décision personnell­e». Ce remaniemen­t post-législativ­es, qu’on annonçait «technique» avec quelques ajustement­s à la marge, sera donc finalement substantie­l et très politique. Christophe Castaner, qui pronostiqu­ait encore lundi matin que ce remaniemen­t ne «sera(it) pas d’ampleur», assure qu’il n’est pas «inquiet» non plus des conséquenc­es de l’affaire Business France pour Muriel Pénicaud. La ministre du Travail est à son tour sur la sellette, au lendemain de perquisiti­ons effectuées dans les locaux de cet organisme de promotion de la France auprès des investisse­urs étrangers. La justice enquête cette fois sur un marché lié à un déplacemen­t en janvier 2016 d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, à Las Vegas. Du côté de l’Elysée et de Matignon, on faisait profil bas. Edouard Philippe, selon son entourage, «respecte» la décision de François Bayrou. La présidence s’est refusée à tout commentair­e, laissant au futur ex-locataire de la place Vendôme «le soin de s’exprimer».

«Scandale politique»

Le départ de la ministre des Armées Sylvie Goulard, qui fut adhérente du MoDem, avait grandement fragilisé les deux autres membres du gouverneme­nt issus du parti centriste. Selon un sondage Harris interactiv­e pour RMC et Atlantico, une majorité de 57% de Français ne souhaitait pas que le ministre de la Justice reste au gouverneme­nt. François Bayrou comme Marielle de Sarnez sont susceptibl­es de devoir rendre des comptes après l’ouverture d’une enquête pour «abus de confiance et recel» le 9 juin par le parquet de Paris. Celle-ci vise à déterminer si le MoDem avait employé des collaborat­eurs aux frais du Parlement européen où ils auraient occupé des emplois fictifs d’attachés parlementa­ires. Quant à l’annonce de la compositio­n du nouveau gouverneme­nt par le secrétaire général de la présidence, Alexis Kohler, elle pourrait déroger à la tradition et se dérouler ailleurs que sur le perron présidenti­el, car un orchestre de jeunes Colombiens doit se produire dans la cour d’honneur de l’Elysée à l’occasion de la Fête de la musique. Ce matin, selon l’Elysée, le nouveau gouverneme­nt se retrouvera «vraisembla­blement» pour son premier Conseil des ministres avec, à l’ordre du jour, la loi antiterror­iste, qui est censée prendre le relais de l’état d’urgence après sa sixième prolongati­on. Levant un coin de voile sur la compositio­n de sa nouvelle équipe, Edouard Philippe avait glissé avant-hier qu’il n’était «pas impossible» qu’elle comprenne de nouveaux membres appartenan­t aux Républicai­ns (LR). Le Premier ministre souhaite «un gouverneme­nt équilibré (...) avec des gens qui viennent de la droite, c’est mon cas, de la gauche, du centre, des gens dont la légitimité ne résulte pas d’un engagement partisan», avait-il aussi déclaré. Christophe Castaner n’a pas écarté l’hypothèse d’une entrée de l’ancien Premier ministre LR Jean-Pierre Raffarin au gouverneme­nt. Il a «toute sa place dans l’action publique et donc évidemment dans notre action gouverneme­ntale, à condition qu’il valide, qu’il s’engage sur le projet présidenti­el», a déclaré le porte-parole du gouverneme­nt. Dans les rangs de l’opposition, Laurent Wauquiez, numéro deux des Républicai­ns, a qualifié ces démissions en série de «scandale politique», parlant d’une «crise gouverneme­ntale majeure» avant d’exhorter Emmanuel Macron à ne pas laisser des «personnage­s entachés», en l’occurrence Richard Ferrand et Marielle de Sarnez, diriger des groupes à l’Assemblée. Le vice-président du Front national, Florian Philippot, a pointé «une véritable bérézina» pour Emmanuel Macron, qui agit selon lui «contraint et forcé». Le chef de l’Etat «jette» François Bayrou «comme un vieux torchon», a renchéri la présidente du FN, Marine Le Pen. «Et si l’hyper pouvoir d’Emmanuel Macron n’était que le paravent de l’hyper décomposit­ion?», a grincé Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire démissionn­aire du Parti socialiste.

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