Former les bâtisseurs de demain et les chercheurs visionnaires
Ce qui marquera certainement son passage à la tête de l’Ecole d’architecture, c’est l’ouverture réussie sur l’environnement professionnel et universitaire, social et culturel, national et international.
Elle a été la première femme tunisienne docteur en architecture, la première directrice de l’Ecole d’architecture et enfin la première femme architecte promue au titre de professeur en architecture, dernier grade de l’enseignement supérieur. Toutes ces premières fois cette Kairouanaise bon teint les assume avec discrétion et humilité. C’est qu’elle a été à bonne école. Fille d’instituteur, elle ne jure que par l’enseignement public, et sait qu’il faut se battre pour préserver cet acquis de la République. Après des études au lycée de Kairouan, puis une formation d’architecte à ce qui était à l’époque l’Itaaut, Najla Allani partit pour Nancy où elle obtint un DEA en « Architecturologie, science informatique et intelligence artificielle » à l’université Henri Poincarré, puis un PHD de « Science en Architecture » à l’Institut National de Polytechnique de Lorraine. Ses recherches portaient sur la modélisation de l’architecture, la reconstruction tridimensionnelle de tissus urbains, la simulation virtuelle de projets architecturaux et la restau- ration digitale de sites historiques et archéologiques. Une partie importante de ses recherches porte sur les espaces sacrés. En un mot, ce qui la passionne et ce qu’elle essaie d’appliquer, c’est l’introduction en architecture de nouvelles technologies.
Depuis 2014, Najla Allani dirige l’Ecole nationale d’architecture et d’urbanisme, une école qui compte 2.000 élèves et draine l’élite des étudiants. Cette seule école publique d’architecture est entourée, signalonsle, d’une dizaine d’écoles privées d’architecture alignées à l’enseignement public, mais souvent dotées de moyens leur permettant d’accéder à ces nouvelles technologies. Najla Allani s’attache à soulever une réflexion sur une réforme d’un enseignement dont certains modules datent d’une vingtaine d’années. Réforme que l’on souhaite fondée sur une philosophie globale de l’enseignement et de l’apprentissage, favorisant l’esprit critique, la curiosité intellectuelle et l’acquisition d’une solide culture générale. Sans jamais rien vouloir imposer, car elle est convaincue que les meilleures réformes, si elles sont mal acceptées, ne donnent aucun résultat, elle s’attache à marquer son passage à la tête de cette école par une volonté d’introduction de nouvelles tendances : un intérêt accru pour le développement durable, une meilleure liaison entre l’enseignement théorique et l’enseignement pratique, un accès aux nouvelles technologies, l’adoption du Building Information, c’est-à-dire la façon d’assurer la coordination immédiate des différents corps de métiers…
Ouverture sur l’environnement
Mais ce qui marquera certainement le passage de Najla Allani à la tête de l’Ecole d’Architecture, c’est l’ouverture réussie sur l’environnement professionnel et universitaire, social et culturel, national et international. Workshops, conférences, expositions, tables rondes, portes ouvertes se sont succédé au cours de ces dernières années, instaurant de nouvelles traditions, ancrant l’Ecole et ses étudiants dans un territoire géographique et intellectuel. Ces manifestations s’attachent à enrichir la réflexion, à favoriser l’agrégat des savoirs et la complémentarité des compétences. On se souvient des séminaires de cinquième année, l’an passé, où l’on invitait industriels et universitaires à se rencontrer pour de fructueux échanges. Cette année, on a invité des conférenciers du Maroc, d’Italie, de Suisse et de Pologne pour participer à des séminaires, offrant aux étudiants une ouverture sur l’international. Des workshops se sont multipliés, « Carnet de Voyage » en Espagne, « Architecture Citoyenne » qui avait pour objet la rénovation d’écoles primaires de La Soukra ou encore un workshop photo à Ksar Soudane sous la direction de Jacques Pérez. La marche orange à Sidi Bou Saïd a beaucoup fait parler et est devenue une tradition de l’Ecole et du village qui l’héberge. Et les travaux de fin d’année des étudiants concernent tous leur environnement immédiat. S’ouvrir sur le monde est un credo de l’Ecole, mais aussi accepter l’autre. Dans sa démarche pédagogique, incitant à la réflexion et à la tolérance, on a demandé aux étudiants de concevoir un lieu de culte commun aux trois religions monothéistes. Les travaux en résultant ont été exposés au musée du Bardo et constituent un magnifique cas d’école. Car Najla Allani en est fermement convaincue, il ne s’agit pas de former uniquement des architectes, mais aussi des acteurs sociaux qui acceptent l’autre, analysent les dilemmes et les conflits de leurs sociétés.