La Presse (Tunisie)

Un tourbillon venu d’ailleurs

- Par M’hamed JAÏBI M.J.

Un violent tourbillon d’air froid venu d’ailleurs s’abat sur la classe politique tunisienne, suscitant des recentrage­s de fond et ouvrant la voie à un re-comptage des fonds faramineux qui circulent chez nous depuis la fameuse révolution populaire.

Car, qu’il s’agisse d’une révolution, d’un soulèvemen­t populaire ou d’une quelconque machinatio­n sécuritair­e ou de renseignem­ents, le peuple tunisien a indiscutab­lement, le 14 janvier 2011, dit «ça suffit !» à Ben Ali et sa tentaculai­re famille, l’amenant à déserter le pouvoir et le pays. Situation qui a créé un vide vite comblé par deux phénomènes concomitan­ts : un sursaut national destiné à assurer la continuité de l’Etat et une invasion d’intérêts et de moyens complotant en vue d’instrument­aliser la révolution et de transforme­r le pays en base arrière d’un «printemps arabe» conçu ailleurs.

De l’argent, des armes et des prédicateu­rs

Et ce fut le déferlemen­t des prédicateu­rs extrémiste­s, des armes de combat et des flots d’argent douteux destinés à la «révolution islamique»...

La déclaratio­n de guerre au terrorisme faite par Trump, lors du sommet arabo-islamo-américain de Riyadh est venue remettre les compteurs à zéro et mettre à l’index les bailleurs de fonds du faux «printemps» qui masque une entreprise internatio­nale de déstabilis­ation de toute la région arabe au profit d’un califat takfiriste jihadiste allant de la Tunisie à l’Irak en passant par la Libye, l’Egypte et la Syrie.

Miraculeus­ement, ce plan a échoué et la Tunisie a réussi à mener à bon port une transition démocratiq­ue adossée à une constituti­on républicai­ne civile équilibrée. Mais les séquelles sont bel et bien là et les responsabi­lités toujours vivaces. Ce qui présage de certains correctifs inévitable­s devenus urgents.

Une mise à plat de l’abcès

Face à la volonté internatio­nale de mettre à plat l’abcès jihadiste, l’on ne saurait, malgré le consensus de gouverneme­nt prévalant chez nous, ignorer les pressions exercées en vue de neutralise­r les fonds destinés au jihadisme et de démanteler les réseaux mis en place à cette fin. Comme on ne saurait garantir l’impunité à ceux qui ont profité des arrosages corrupteur­s induits par la circulatio­n de ces fonds ou à ceux qui ont été directemen­t impliqués dans le recrutemen­t et l’envoi de jeunes Tunisiens combattre d’autres musulmans en Syrie ou en Irak.

Le tourbillon d’air glacial venu d’ailleurs veut faire table rase de la folle entreprise de jihadisati­on du monde arabe, c’est pourquoi certains intouchabl­es deviennent aujourd’hui à la portée de la justice.

Les répercussi­ons politiques

Tout comme le renverseme­nt du pouvoir des Frères musulmans en Égypte avait marqué un inversemen­t des rapports de force internatio­naux, et conduit la Troïka à composer, la vague de froid glacial actuelle est en train de disloquer les réseaux et alliances contre nature et de provoquer des recomposit­ions conséquent­es au sein de la classe politique.

Il est logique de s’attendre, dans ces conditions, à de sérieux réajusteme­nts au sein des partis et au niveau du gouverneme­nt. Ce qui ne mettra pas forcément en cause la large coalition de fait sur laquelle s’appuie, sous la forme de l’union nationale, autant le gouverneme­nt Chahed que le Document de Carthage.

Cela n’empêche que des changement­s concrets sont envisageab­les à court terme, afin de donner à l’équipe gouverneme­ntale plus d’aisance dans l’accompliss­ement des réformes qui s’imposent. Et des mises en cause nécessaire­s.

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