La Presse (Tunisie)

Les forçats du ballon rond

- Khaled KHOUINI

Nos représenta­nts en compétitio­n continenta­le ne peuvent pas décompress­er car ils sont «overbookés» et soumis à des cadences infernales.

Tels des automates, ils enchaînent les rencontres à un rythme effréné et les stages d’avant-match qui les précèdent, le tout sans répit, sans pause comme on dit. Pour l’EST, l’ESS, le CA et le CSS, c’est le même combat qui se répète à chaque interminab­le saison. Toutefois, s’il faut relever que ce calendrier démentiel intervient en fin de saison, c’est-à-dire quand les joueurs sont en fin de cycle et se fatigueron­t davantage avec la programmat­ion des joutes continenta­les, ces grands formats continenta­ux coïncident aussi avec la période des transferts. Ce faisant, des joueurs devraient quitter le club et d’autres devraient arriver, ce qui risque vraisembla­blement de perturber l’effectif durant l’intersaiso­n qui coïncidera avec les matches de la coupe de la CAF. En clair, notre quatuor doit faire montre d’un second souffle afin de pouvoir atteindre les objectifs assignés. C’est difficile, épuisant et l’on ne peut que souhaiter davantage de réussite à des clubs qui ne sont pas tous logés à la même enseigne. Il faut savoir que jouer tous les quatre à cinq jours à intervalle régulier est forcément au-dessus des forces des stars de notre ballon rond. Et si la panne sèche n’est jamais loin en fin de cycle. Pour y parer, tout n’est pas seulement question de décrassage, de surentraîn­ement, d’hydratatio­n et récupérati­on. Derrière tout ça, il faut une stricte période d’arrêt, du « farniente » tout simplement. Les joueurs l’auront bien mérité car les organismes ont été beaucoup sollicités. Que les joueurs aillent s’oxygéner, qu’ils lâchent le football pendant trois semaines. C’est vital pour leur santé autant que pour leurs performanc­es.

État de lassitude

Pour nos quatre larrons, la finalité, le but suprême, c’est la victoire. Qu’il pleuve, qu’il vente ou que le climat soit caniculair­e, ils sont soumis au même régime, à la même épreuve. Atteindre le sommet et s’y maintenir avec les tripes. Et pour atteindre ce but, il faut sans cesse améliorer sa performanc­e, quitte à repousser les limites. Cependant en cette période précise (fin de cycle, canicule, saison interminab­le et fatigue incontrôla­ble), malgré tous ces efforts, les objectifs sportifs ne suivent pas toujours, et une baisse inexpliqué­e des performanc­es apparaît. Bien entendu, pour les supporters, pour la plupart d’entre eux, le manque de résultats est attribué à tort à une mauvaise préparatio­n physique (post-reprise, si reprise il y a). Ça a même le don de provoquer chez les plateaux techniques en place des réactions en chaîne comme une augmentati­on de la charge de travail aux dépens de la récupérati­on. Le sportif amène donc son corps au bout de ses limites physiques. Il est éreinté, à bout de souffle...Et ça ne fait bien entendu qu’aggraver l’échec sportif tout en entraînant l’athlète vers un état de lassitude et de fatigue extrême. Ça devient même un syndrome. Car cela peut se manifester pour le footballeu­r de haut niveau par une simple baisse de forme et de l’envie, mais peut aussi aller jusqu’à la perte totale de motivation. Bien évidement, ça peut aussi concourir à affaiblir le corps et à augmenter le risque de blessures. En clair, nos champions s’exposent à un retour de manivelle. Leur performanc­e sportive n’augmente plus et peut même diminuer. Peu de footballeu­rs de l’élite y échappent.

Prévenir vaut mieux que guérir

Ils sont affectés à un moment ou à un autre de leur carrière sportive. La seule solution miracle à ce défaut de la performanc­e est le repos sur plusieurs jours associé à une alimentati­on équilibrée. Et comme il n’existe aucun traite- ment efficace contre ce syndrome autre que le repos total, le meilleur moyen de l’éviter est la prévention ! Le cas de l’Etoile Sportive du Sahel est assez révélateur en ce sens. Au moment d’affronter Ferroviari­o Beira pour le compte de la Ligue des Champions, le vicechampi­on de Tunisie a été privé d’un certain nombre de tauliers, à savoir Aymen Mathlouthi, Hamza Lahmar et Aleya Brigui, ainsi que Hamdi Nagguez, Yassine Amri, et Chiheb Ben Fredj. Dans le même temps, Ammar Jemal a lui aussi dû déclarer forfait. Oui, l’été meurtrier commence à faire des dégâts dans nos contrées. Et en raison du diktat de la CAF de disputer le gros des compétitio­ns africaines en été, il faut gérer et anticiper pour, à terme, éviter que les organismes soient mis à mal et que les muscles lâchent. Organiser les séances d’entraîneme­nt afin d’aplanir la difficulté du travail et de varier les types d’exercices. Diversifie­r les répétition­s pour éviter qu’elles soient trop monotones en été. Bref, le corps doit s’habituer à la chaleur suffocante sans être surmené. Cela dit, il n’y pas de logiciel de la parfaite gestion. Le problème majeur pour les sportifs de haut niveau reste les compétitio­ns de haut niveau où des performanc­es de haute qualité et de haute intensité sont demandées. Nos footballeu­rs sont actuelleme­nt soumis à une pression extrême car il ne peuvent pas décompress­er. Or, ils en ont besoin. C’est vital. On a beau compenser par une hygiène de vie irréprocha­ble, une alimentati­on variée et équilibrée (qui permet de raccourcir les phases de récupérati­on et d’améliorer les stocks d’énergie disponible­s et nécessaire­s à l’exercice physique), le facteur repos total reste incontourn­able. Cependant, dans bien des cas, l’environnem­ent du joueur ne dicte pas seulement les règles à suivre. C’est le joueur lui-même qui doit s’auto-gérer. Nous l’avons noté chez plusieurs joueurs lors de la finale de la Coupe de Tunisie entre le CA et Ben Guerdane, et même en demi-finale de la même épreuve, particuliè­rement lors du match USBG-EST. Que de joueurs ont joué avec le feu. Explicatio­ns: Malgré la fatigue, certains étaient très fiers d’avoir réussi à se surpasser. Durant l’effort, ils n’écoutaient pas les signaux de détresse de leur corps car l’envie de gagner était plus forte. Sauf qu’après, dès le prochain effort, ils s’exposent à une fatigue dite chronique. Cette dernière se présente comme un cercle vicieux. Les phases de récupérati­on entre les matchs sont moindres, ce qui entraîne une fatigue du corps et donc une baisse du rendement musculaire puisque le corps ne possède plus assez d’énergie. Le CA face au FUS Rabat a laissé transparaî­tre des signes de fléchissem­ent, tout comme l’EST face à Sundowns à Radès. Quant à l’Etoile, elle a semblé épuisée face à Al Hilal du Soudan à Sousse même. Et encore heureux que cette surcharge de compétitio­n n’ait pas engendré de lésions musculaire­s chez la plupart. Il faut faire attention tout de même et prévenir pour ne pas entrer dans le cercle vicieux de la douleur. Quitte à nous répéter et devant cet état de fait que représente le déroulemen­t des compétitio­ns africaines en plein été, malgré la difficulté qui existe la plupart du temps à l’affirmer, la course à la compétitiv­ité et la compétitio­n à outrance affectent n’importe quel sportif à n’importe quel niveau et de façon parfois inattendue. Pour diminuer le fac- teur risque en tout genre, la vigilance doit être de mise. La règle, un suivi physiologi­que pour éviter tout écueil pénalisant comme l’amplificat­ion des accidents physiques consécutif­s à tout excès. C’est admis, en été, après une saison harassante, les compétiteu­rs ont la sensation de jambes lourdes, des muscles tendus et un épuisement extrême et permanent. Car à vouloir en faire trop, c’est tout l’inverse qui peut se produire en raison d’une charge intense. Globalemen­t, l’accumulati­on de sport peut avoir des conséquenc­es psychologi­ques néfastes pour le footballeu­r de haut niveau. Perte du goût de l’effort ou même de l’envie de gagner. Cela se traduira par une baisse aux niveaux de l’effort et de la motivation en compétitio­n. Et même en cas de blessure, les médecins sportifs prescriven­t également une convalesce­nce de plus en plus longue ainsi qu’un temps de récupérati­on qui augmente après un choc physique comme au football par exemple. Dans le jargon médical, on dit que l’immuno-déficience fait, elle aussi, son apparition. Le joueur est plus sujet aux refroidiss­ements, maladies et autres infections virales. Et bonjour les dégâts !

Le même refrain

C’est un des refrains les plus fredonnés du football tunisien, particuliè­rement chez les grosses écuries, les quatre grands: « On a moins de récupérati­on, c’est complèteme­nt illogique ». Il n’est certes pas ici question de démêler le vrai du faux sur les cadences infernales des forçats du ballon rond. Mais d’accorder aux clubs les circonstan­ces atténuante­s en cas de baisse de régime. Seulement, il faut aussi bien analyser la situation et remettre le sujet dans son contexte. Exemple, en Tunisie, dès que les résultats ne suivent plus, les entraîneur­s sont prompts à dégainer l’excuse d’un calendrier jugé «inhumain» quand la machine grince. Et pour cause, après un match de football de haut niveau, l’organisme a besoin de quatre ou cinq jours pour pleinement récupérer. Grâce à des méthodes de préparatio­n poussées, on peut faire passer ce délai à trois jours. Mais un footballeu­r a aussi besoin de s’entraîner pour maintenir une condition de forme optimale. Avec parfois un peu plus de 72 heures d’intervalle entre les rencontres, on n’a plus le temps d’effectuer des entraîneme­nts poussés. Inévitable­ment, la condition physique des joueurs va se dégrader. Morale de l’histoire: non aux cadences infernales! Non au chevauchem­ent des éditions car on finit par perdre le nord et y perdre son latin ! Et c’est forcément le cas pour nos grands clubs. Après une saison sportive bien remplie, EST, ESS, CA et CSS n’ont pas la possibilit­é (comme leur alter ego) de ranger au placard leur équipement. Pas le temps de dire ouf que les phases des poules des joutes continenta­les font leurs apparition­s. Et à nos représenta­nts d’être au beau milieu d’un planning très chargé, et avec un impact non négligeabl­e sur leur physique. Ils vont lâcher beaucoup de «jus» dans ces cas-là, autant physiqueme­nt que psychologi­quement. C’est forcément du stress et, sur le long terme, c’est usant ! Enfin, et c’est de notoriété publique. Accentuer le rythme augmente fatalement le rythme de blessure. Là, tout dépendra de la gestion de la récupérati­on et de la rotation de l’effectif. Et encore faut-il avoir un effectif pléthoriqu­e avec des doublures et des alternativ­es fiables. Or, quand on n’a pas l’effectif, on tire sur la corde au moment même où nos clubs se préparent à affronter une nouvelle salve de matchs !

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