Les forçats du ballon rond
Nos représentants en compétition continentale ne peuvent pas décompresser car ils sont «overbookés» et soumis à des cadences infernales.
Tels des automates, ils enchaînent les rencontres à un rythme effréné et les stages d’avant-match qui les précèdent, le tout sans répit, sans pause comme on dit. Pour l’EST, l’ESS, le CA et le CSS, c’est le même combat qui se répète à chaque interminable saison. Toutefois, s’il faut relever que ce calendrier démentiel intervient en fin de saison, c’est-à-dire quand les joueurs sont en fin de cycle et se fatigueront davantage avec la programmation des joutes continentales, ces grands formats continentaux coïncident aussi avec la période des transferts. Ce faisant, des joueurs devraient quitter le club et d’autres devraient arriver, ce qui risque vraisemblablement de perturber l’effectif durant l’intersaison qui coïncidera avec les matches de la coupe de la CAF. En clair, notre quatuor doit faire montre d’un second souffle afin de pouvoir atteindre les objectifs assignés. C’est difficile, épuisant et l’on ne peut que souhaiter davantage de réussite à des clubs qui ne sont pas tous logés à la même enseigne. Il faut savoir que jouer tous les quatre à cinq jours à intervalle régulier est forcément au-dessus des forces des stars de notre ballon rond. Et si la panne sèche n’est jamais loin en fin de cycle. Pour y parer, tout n’est pas seulement question de décrassage, de surentraînement, d’hydratation et récupération. Derrière tout ça, il faut une stricte période d’arrêt, du « farniente » tout simplement. Les joueurs l’auront bien mérité car les organismes ont été beaucoup sollicités. Que les joueurs aillent s’oxygéner, qu’ils lâchent le football pendant trois semaines. C’est vital pour leur santé autant que pour leurs performances.
État de lassitude
Pour nos quatre larrons, la finalité, le but suprême, c’est la victoire. Qu’il pleuve, qu’il vente ou que le climat soit caniculaire, ils sont soumis au même régime, à la même épreuve. Atteindre le sommet et s’y maintenir avec les tripes. Et pour atteindre ce but, il faut sans cesse améliorer sa performance, quitte à repousser les limites. Cependant en cette période précise (fin de cycle, canicule, saison interminable et fatigue incontrôlable), malgré tous ces efforts, les objectifs sportifs ne suivent pas toujours, et une baisse inexpliquée des performances apparaît. Bien entendu, pour les supporters, pour la plupart d’entre eux, le manque de résultats est attribué à tort à une mauvaise préparation physique (post-reprise, si reprise il y a). Ça a même le don de provoquer chez les plateaux techniques en place des réactions en chaîne comme une augmentation de la charge de travail aux dépens de la récupération. Le sportif amène donc son corps au bout de ses limites physiques. Il est éreinté, à bout de souffle...Et ça ne fait bien entendu qu’aggraver l’échec sportif tout en entraînant l’athlète vers un état de lassitude et de fatigue extrême. Ça devient même un syndrome. Car cela peut se manifester pour le footballeur de haut niveau par une simple baisse de forme et de l’envie, mais peut aussi aller jusqu’à la perte totale de motivation. Bien évidement, ça peut aussi concourir à affaiblir le corps et à augmenter le risque de blessures. En clair, nos champions s’exposent à un retour de manivelle. Leur performance sportive n’augmente plus et peut même diminuer. Peu de footballeurs de l’élite y échappent.
Prévenir vaut mieux que guérir
Ils sont affectés à un moment ou à un autre de leur carrière sportive. La seule solution miracle à ce défaut de la performance est le repos sur plusieurs jours associé à une alimentation équilibrée. Et comme il n’existe aucun traite- ment efficace contre ce syndrome autre que le repos total, le meilleur moyen de l’éviter est la prévention ! Le cas de l’Etoile Sportive du Sahel est assez révélateur en ce sens. Au moment d’affronter Ferroviario Beira pour le compte de la Ligue des Champions, le vicechampion de Tunisie a été privé d’un certain nombre de tauliers, à savoir Aymen Mathlouthi, Hamza Lahmar et Aleya Brigui, ainsi que Hamdi Nagguez, Yassine Amri, et Chiheb Ben Fredj. Dans le même temps, Ammar Jemal a lui aussi dû déclarer forfait. Oui, l’été meurtrier commence à faire des dégâts dans nos contrées. Et en raison du diktat de la CAF de disputer le gros des compétitions africaines en été, il faut gérer et anticiper pour, à terme, éviter que les organismes soient mis à mal et que les muscles lâchent. Organiser les séances d’entraînement afin d’aplanir la difficulté du travail et de varier les types d’exercices. Diversifier les répétitions pour éviter qu’elles soient trop monotones en été. Bref, le corps doit s’habituer à la chaleur suffocante sans être surmené. Cela dit, il n’y pas de logiciel de la parfaite gestion. Le problème majeur pour les sportifs de haut niveau reste les compétitions de haut niveau où des performances de haute qualité et de haute intensité sont demandées. Nos footballeurs sont actuellement soumis à une pression extrême car il ne peuvent pas décompresser. Or, ils en ont besoin. C’est vital. On a beau compenser par une hygiène de vie irréprochable, une alimentation variée et équilibrée (qui permet de raccourcir les phases de récupération et d’améliorer les stocks d’énergie disponibles et nécessaires à l’exercice physique), le facteur repos total reste incontournable. Cependant, dans bien des cas, l’environnement du joueur ne dicte pas seulement les règles à suivre. C’est le joueur lui-même qui doit s’auto-gérer. Nous l’avons noté chez plusieurs joueurs lors de la finale de la Coupe de Tunisie entre le CA et Ben Guerdane, et même en demi-finale de la même épreuve, particulièrement lors du match USBG-EST. Que de joueurs ont joué avec le feu. Explications: Malgré la fatigue, certains étaient très fiers d’avoir réussi à se surpasser. Durant l’effort, ils n’écoutaient pas les signaux de détresse de leur corps car l’envie de gagner était plus forte. Sauf qu’après, dès le prochain effort, ils s’exposent à une fatigue dite chronique. Cette dernière se présente comme un cercle vicieux. Les phases de récupération entre les matchs sont moindres, ce qui entraîne une fatigue du corps et donc une baisse du rendement musculaire puisque le corps ne possède plus assez d’énergie. Le CA face au FUS Rabat a laissé transparaître des signes de fléchissement, tout comme l’EST face à Sundowns à Radès. Quant à l’Etoile, elle a semblé épuisée face à Al Hilal du Soudan à Sousse même. Et encore heureux que cette surcharge de compétition n’ait pas engendré de lésions musculaires chez la plupart. Il faut faire attention tout de même et prévenir pour ne pas entrer dans le cercle vicieux de la douleur. Quitte à nous répéter et devant cet état de fait que représente le déroulement des compétitions africaines en plein été, malgré la difficulté qui existe la plupart du temps à l’affirmer, la course à la compétitivité et la compétition à outrance affectent n’importe quel sportif à n’importe quel niveau et de façon parfois inattendue. Pour diminuer le fac- teur risque en tout genre, la vigilance doit être de mise. La règle, un suivi physiologique pour éviter tout écueil pénalisant comme l’amplification des accidents physiques consécutifs à tout excès. C’est admis, en été, après une saison harassante, les compétiteurs ont la sensation de jambes lourdes, des muscles tendus et un épuisement extrême et permanent. Car à vouloir en faire trop, c’est tout l’inverse qui peut se produire en raison d’une charge intense. Globalement, l’accumulation de sport peut avoir des conséquences psychologiques néfastes pour le footballeur de haut niveau. Perte du goût de l’effort ou même de l’envie de gagner. Cela se traduira par une baisse aux niveaux de l’effort et de la motivation en compétition. Et même en cas de blessure, les médecins sportifs prescrivent également une convalescence de plus en plus longue ainsi qu’un temps de récupération qui augmente après un choc physique comme au football par exemple. Dans le jargon médical, on dit que l’immuno-déficience fait, elle aussi, son apparition. Le joueur est plus sujet aux refroidissements, maladies et autres infections virales. Et bonjour les dégâts !
Le même refrain
C’est un des refrains les plus fredonnés du football tunisien, particulièrement chez les grosses écuries, les quatre grands: « On a moins de récupération, c’est complètement illogique ». Il n’est certes pas ici question de démêler le vrai du faux sur les cadences infernales des forçats du ballon rond. Mais d’accorder aux clubs les circonstances atténuantes en cas de baisse de régime. Seulement, il faut aussi bien analyser la situation et remettre le sujet dans son contexte. Exemple, en Tunisie, dès que les résultats ne suivent plus, les entraîneurs sont prompts à dégainer l’excuse d’un calendrier jugé «inhumain» quand la machine grince. Et pour cause, après un match de football de haut niveau, l’organisme a besoin de quatre ou cinq jours pour pleinement récupérer. Grâce à des méthodes de préparation poussées, on peut faire passer ce délai à trois jours. Mais un footballeur a aussi besoin de s’entraîner pour maintenir une condition de forme optimale. Avec parfois un peu plus de 72 heures d’intervalle entre les rencontres, on n’a plus le temps d’effectuer des entraînements poussés. Inévitablement, la condition physique des joueurs va se dégrader. Morale de l’histoire: non aux cadences infernales! Non au chevauchement des éditions car on finit par perdre le nord et y perdre son latin ! Et c’est forcément le cas pour nos grands clubs. Après une saison sportive bien remplie, EST, ESS, CA et CSS n’ont pas la possibilité (comme leur alter ego) de ranger au placard leur équipement. Pas le temps de dire ouf que les phases des poules des joutes continentales font leurs apparitions. Et à nos représentants d’être au beau milieu d’un planning très chargé, et avec un impact non négligeable sur leur physique. Ils vont lâcher beaucoup de «jus» dans ces cas-là, autant physiquement que psychologiquement. C’est forcément du stress et, sur le long terme, c’est usant ! Enfin, et c’est de notoriété publique. Accentuer le rythme augmente fatalement le rythme de blessure. Là, tout dépendra de la gestion de la récupération et de la rotation de l’effectif. Et encore faut-il avoir un effectif pléthorique avec des doublures et des alternatives fiables. Or, quand on n’a pas l’effectif, on tire sur la corde au moment même où nos clubs se préparent à affronter une nouvelle salve de matchs !