«Carthage» : quelle vocation ?
Difficile de prendre position sur la programmation de «Carthage» cette année. Qu’en dire en fait qui ne soit taxé «d’impressionnisme» ou de «jugement avant coup».
De plus, le contexte de l’ édition 2017 n’aura pas été favorable, loin de là. Il y a eu changement de directeur, il y a eu polémique, il y a eu manque de temps. Il y a eu, surtout(du moins c’est l’avis des organisateurs), «manque d’argent». Quatre cent mille de «coupe sèche» sur une contribution publique d’un peu plus de deux millions ont, semble t-il, pesé sur les choix. Ajoutons-y la terrible chute du dinar, et l’on aura une idée à peu près juste du «tableau des difficultés».
Le «handicap économique» s’est aggravé cette saison. Personne ne le nie. Et tout particulièrement les gens de la culture, artistes et médias. Eux savent bien qu’avec ce budget général de zéro et poussières, avec ces petits milliards de millimes qui n’«achètent» pratiquement plus rien sur les marchés du spectacle, jusque même sur les circuits dits «culturels, les grands festivals du pays, le plus «grand» de tous, le plus emblématique, «Carthage» et son somptueux théâtre romain, n’en sont plus «quittes» que pour «s’honorer d’un passé révolu» et «remuer quelques vaines nostalgies». Donner son avis sur un programme de «Carthage», en juger avant ou après coup, n’est dès lors que secondaire. On a relu un peu l’histoire : tout a calé à partir de la mi-80. Après le départ du dernier ministre bâtisseur Béchir Ben Slama (que l’on salue), puis, conjointement, avec l’arrivée de Ben Ali et l’avènement des industries musicales, des multinationales de la culture, et de la mondialisation. Le grand, l’emblématique festival international de «Carthage» a perdu contact avec sa vocation, depuis. Il naquit vraiment, années 70, sous le ministère de Chedly Klibi, avec des directeurs de la carrure de Tahar Guiga, Tahar Cheriaa, Hassen Akrout, puis de Raouf Basti, Salah El Mehdi, Raja Farhat, Samir Ayadi et Ali Louati. Ce ministre et ces directeurs travaillaient en commun pour un seul et unique objectif : faire de «Carthage» un chef-lieu international de la création culturelle. En aucun cas une scène à la romaine offrant au peuple «ses jeux». En aucun cas une joute lucrative, comptant «petitement» ses sous. Il n’y avait pas de tutelle à cette époque. Il y avait un grand ministre qui nommait de grands directeurs. La nomination, seule, dispensait de toute supervision. Et l’accord parfait sur la vocation culturelle exclusive de «Carthage» reflétait l’absolue entente autour d’une véritable politique d’Etat.
Les supervisions, les tutelles et les dépendances, les comptages de sous surgiront pour perdurer comme à jamais avec «la déculturation» qui s’est mise en marche voilà maintenant près de trois décennies.
Notre avis pour conclure : si la programmation de nos grands festival déplaît, régresse ou s’affaiblit, cela n’a plus rien à voir avec les comités de sélection ou les directions. Ne nous emballons pas comme ça à chaque fois, il n’y a qu’une chose en vérité : c’est qu’une caste de bureaucrates et d’administratifs parvenus, d’artistes carriéristes-opportunistes a mis (qu’à Dieu ne plaise) définitivement la main sur l’ensemble de l’organisation. Et les lois que l’on exhibe pour sa défense, aujourd’hui, ne sont que «couvertures» d’«amitiés suspectes», de «profits de toutes sortes» et d’«intérêts bien compris».
«Carthage» naquit vraiment, années 70… sous un ministre et des directeurs de carrure, qui travaillaient en commun pour un seul et unique objectif… faire de ce festival un cheflieu international de la création culturelle. en aucun cas une scène à la romaine offrant au peuple «ses jeux». en aucun cas une joute lucrative comptant «petitement» ses sous…