La Presse (Tunisie)

La Commission européenne présente un «plan d’action»

Les ONG appellent à ne pas se tromper de cible

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AFP — La Commission européenne a proposé hier «un plan d’action» pour soutenir l’Italie, débordée par des arrivées incessante­s de migrants sur ses côtes depuis la Libye, prévoyant notamment de nouveaux financemen­ts pour aider les autorités italiennes et libyennes à maîtriser la situation. Le plan, présenté au Parlement européen à Strasbourg (est de la France), prévoit de «renforcer encore les capacités des autorités libyennes grâce à un projet de 46 millions d’euros élaboré conjointem­ent avec l’Italie» et d’augmenter l’aide à l’Italie «grâce à une enveloppe supplément­aire de 35 millions d’euros prête à être immédiatem­ent mobilisée».

Un plan en 6 points doit être soumis demain à Tallinn aux 28 membres de l’UE Plusieurs ONG engagées dans le secours des migrants au large de la Libye ont vivement dénoncé hier l’idée d’un «code de conduite» à leur encontre, assurant que les ministres l’ayant proposé se trompaient de cible. En préambule d’un plan en six points qui doit être soumis demain à Tallinn aux 28 membres de l’UE, les ministres français, allemand et italien de l’Intérieur annoncent «travailler à un code de conduite pour les ONG» pour «améliorer la coordinati­on» en Méditerran­ée centrale. Depuis 2015, jusqu’à une douzaine de navires humanitair­es privés patrouille­nt au large de la Libye, et leur rôle prend de l’ampleur : selon les gardes-côtes italiens, ils ont réalisé 26% des opérations de secours en 2016 et 35% cette année, aux côtés de navires italiens, européens et commerciau­x. Profitant de leur présence au plus près des eaux libyennes, les passeurs ont commencé l’année dernière à envoyer des embarcatio­ns toujours plus fragiles et surchargée­s sans même plus se préoccuper de fournir aux migrants de l’eau, du carburant ou un téléphone satellitai­re pour les appels de détresse. Interrogée­s par l’AFP, plusieurs ONG se sont refusées à tout commentair­e avant d’avoir vu le code de conduite. «Nous sommes très perplexes parce que nous travaillon­s déjà sous la coordinati­on des autorités italiennes», a ainsi expliqué l’ONG maltaise Moas. «Il y a déjà un code de conduite en place, cela s’appelle le droit maritime internatio­nal», a déclaré à l’AFP Ruben Neugebauer, porte-parole de l’ONG allemande Sea-Watch. Ce code de conduite, «c’est de la poudre aux yeux, pour ne pas affronter le problème réel : c’est l’UE qui devrait procéder aux secours en mer, pas les ONG», a tempêté Loris De Filippi, président de MSF-Italie. «Si l’on oblige les ONG à se retirer, il y aura plus de morts, plus de drames. Si c’est cela qu’ils veulent, il faut avoir l’honnêteté de le dire». Entendu début mai à Rome par une commission parlementa­ire enquêtant sur les ONG de secours en mer, l’amiral Vincenzo Melone, responsabl­e des gardes-côtes italiens, s’était luimême emporté. «Nous sommes face à une tragédie aux dimensions invraisemb­lables», avait-il rappelé. Depuis 2014, les gardes-côtes italiens ont coordonné les secours apportés à plus de 590.000 migrants, tandis que plus de 14.000 autres sont morts ou ont été portés disparus. Mais «la solution n’est pas en mer», avait-il insisté, saluant l’aide des ONG.

Policiers à bord ?

Les gardes-côtes italiens ont d’ailleurs déjà organisé des réunions à Rome avec les ONG pour faciliter la coordinati­on et la communicat­ion. La prochaine est prévue pour le 13 juillet. «L’anarchie ne se situe pas dans les opérations de secours en Méditerran­ée, l’anarchie se situe en Libye, pays sans structures étatiques dignes de ce nom, où prolifère un trafic d’êtres humains à grande échelle», a expli- qué Sophie Beau, vice-présidente de SOS Méditerran­ée, récent prix de l’Unesco pour la recherche de la paix. «C’est réellement l’UE qui a besoin d’un code de bonne conduite», a renchéri Oscar Camps, responsabl­e de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms, sur son compte Twitter. «Vous êtes un facteur d’attraction, vous êtes de mèche avec les trafiquant­s, vous êtes financés par les mafias, vous êtes les taxis de la mer, nous allons fermer les ports... C’est vraiment nous le problème ?», a-t-il poursuivi. Ces accusation­s contre les ONG sont récurrente­s depuis le printemps en Italie, où elles ont été alimentées par des déclaratio­ns controvers­ées d’un magistrat et une surenchère politique. Selon plusieurs quotidiens italiens, le code de conduite interdira aux ONG de s’approcher des eaux libyennes et de communique­r avec les passeurs, y compris via toute forme de signaux lumineux. Il exigera aussi la présence d’un policier à bord. La commission parlementa­ire italienne avait déjà suggéré cette idée vivement rejetée par les ONG. «Cela entre en conflit avec nos principes humanitair­es», a expliqué hier M. Neugebauer. «Mais si des policiers veulent venir sur leurs propres bateaux, ils sont vraiment les bienvenus. Nous avons besoin de plus de bateaux !»

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