La Presse (Tunisie)

Cadeaux de l’été

- Par Abdelhamid GmAti

Dans son dernier rapport, la Cour des comptes a fait des « révélation­s inquiétant­es » concernant la gestion de l’argent public. Problèmes de gouvernanc­e, carences, insuffisan­ces, dépassemen­ts, violations avérées de la loi, sont les principaux constats. On doit dire que des cas de mauvaise gestion ont été relevés chaque année par cette institutio­n. Mais le récent rapport met en lumière des « nouveautés » qui s’apparenten­t à de l’escroqueri­e, de la corruption, de l’abus de biens sociaux. On apprend avec stupéfacti­on que 73 morts et 36 bébés ont été recrutés dans la fonction publique, ainsi que des amnistiés et des blessés de la révolution « incompéten­ts et indiscipli­nés ». Sans compter les morts et les non-affiliés qui reçoivent des soins et des médicament­s à la Cnss. L’affaire est trop grave pour être tue. Il faut identifier et sanctionne­r les auteurs et les bénéficiai­res de ces escroqueri­es.

L’été nous apporte aussi ses traditionn­els cadeaux : les augmentati­ons des prix. Nous venons d’avoir droit aux augmentati­ons des prix des carburants et du tabac. Ce qui retient l’attention, ce sont les raisons annoncées. Pour les carburants, une ministre avait prévenu, il y a quelques jours, que le citoyen devra supporter les conséquenc­es de l’arrêt de production des sites pétroliers dans le sud. C’est-à-dire que le citoyen devra payer pour les « carences de l’Etat ». Explicatio­n reprise par le ministre-conseiller auprès du chef du gouverneme­nt chargé du suivi des réformes majeures et président du conseil des analyses économique­s, Taoufik Rajhi : « Les protestati­ons observées à El-Kamour, gouvernora­t de Tataouine, constituen­t une cause indirecte de la hausse du prix des carburants à la pompe » ; puis il souligne que « la hausse des prix des carburants est due à la baisse du cours du dinar et à l’augmentati­on du prix du baril de pétrole ». D’autres sources motivent cette augmentati­on par la nécessité de réduire le déficit budgétaire dû « aux coûts élevés des hydrocarbu­res et la chute du dinar ». Puis on révèle que cette décision permet de se conformer aux directives du FMI. Il faudrait peut-être accorder ses violons.

Puis, le lendemain, augmentati­on des prix des cigarettes. On commence par laisser entendre qu’on risque une pénurie de tabac, la campagne anticorrup­tion empêchant les contreband­iers de fournir le marché. Puis, le ministre Rajhi explique qu’il s’agit d’une décision faisant suite à une recommanda­tion de l’Organisati­on mondiale de la santé ». Faut-il rappeler que la campagne antitabac de l’OMS date de plusieurs décennies, que dans plusieurs pays du monde, il s’est avéré que l’augmentati­on des prix des cigarettes n’avait qu’une incidence minime sur les consommate­urs ? Cette augmentati­on n’a qu’un seul but : procurer de l’argent aux caisses de l’Etat.

Plusieurs organisati­ons et personnali­tés ont dénoncé ces augmentati­ons. L’Ugtt estime que cette hausse est une violation de son accord avec le gouverneme­nt sur l’augmentati­on des salaires et détériorer­a le pouvoir d’achat du citoyen. En quelque sorte, on récupère d’une main ce que l’on a donné de l’autre, avec un bonus. E cela risque d’encourager la contreband­e. Pour l’Organisati­on de défense du consommate­ur, « la dernière augmentati­on des prix des hydrocarbu­res aura des répercussi­ons dangereuse­s sur les consommate­urs et les producteur­s ». Et on rappelle que « les hydrocarbu­res sont liés à plusieurs secteurs et produits. Ainsi l’augmentati­on des prix des hydrocarbu­res revient à augmenter les prix de plusieurs produits pour le consommate­ur. Le producteur se trouvera obligé de revoir à la hausse le prix de la marchandis­e à cause de la dernière augmentati­on et cela va se répercuter sur le pouvoir d’achat du consommate­ur par la suite ».

Pour le tabac, les contreband­iers trafiquent avec les cigarettes étrangères. Et la Régie nationale des tabacs a l’exclusivit­é de la production et de la distributi­on des cigarettes tunisienne­s. Et seuls les débits de tabac peuvent s’en procurer. Or certaines cigarettes tunisienne­s ne se trouvent plus dans ces débits mais sur le marché parallèle à des prix prohibitif­s. Ainsi un paquet de Cristal au coût de 1d,100 est vendu par les petits marchands au coin de rue et sur le marché parallèle à 2d. Idem pour la marque 20 Mars qui, au coût légal de 2d,500, se retrouve à un prix de 3d,800 sur le marché parallèle. Question : qui approvisio­nne ce marché illégal, sachant que la Rnta est la seule à pouvoir le faire ?

D’aucuns annoncent que d’autres cadeaux de l’été nous seront servis. Comme d’habitude. Et on trouvera des raisons et des explicatio­ns, même contradict­oires.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia