La Presse (Tunisie)

Quand les méduses attaquent!

Les plages de la ville de Monastir ont vu arriver un grand nombre de méduses. Ces petites créatures de couleur beige-marron et qui portent le nom savant de «Pelagia noctiluca» ont bel et bien empoisonné les baignades des vacanciers

- H.SAYADI

Apparemmen­t, cette année sera l’année des méduses par excellence ! Car, d’habitude , il est rare de voir des méduses se balader au large de la mer durant les mois de juin et de juillet, mais la scène s’est passée récemment sur les plages de la ville de Monastir, plus précisémen­t, à la plage de la Marina. Alors que les vacanciers profitaien­t du soleil et de la mer, d’innombrabl­es petites méduses apparaissa­ient, se laissaient porter par les vagues, allaient et venaient à leur gré… comme si c’était juste pour effrayer les vacanciers et décourager tous ceux qui avaient l’intention de profiter des baignades, en ces premières chaleurs de la saison estivale.

La chasse aux méduses !

Résultat ? La plupart des nageurs ont passé leur journée à attraper toutes ces petites créatures afin d’éviter un éventuel risque d’être piqué par l’une d’elles. Certes, ils ont réussi à attraper des centaines, mais en ont été les premières victimes! Inquiets de les voir aussi nombreuses, les vacanciers se sont étonnés également quant à leur apparition relativeme­nt précoce, de leur couleur…. Et pour comprendre ce phénomène, ses causes et ses conséquenc­es, nous avons contacté le docteur Mohamed Néjib Daly Yahia, professeur d’écologie marine et spécialist­e des méduses à l’Université de Carthage (Faculté des Sciences de Bizerte) qui a précisé que la récente proliférat­ion de « scyphomédu­ses » enregistré­e à la fin du mois de juin 2017 dans la région de Monastir (Marina et plages aux alentours) semble correspond­re à une pullulatio­n de jeunes « Pelagia noctiluca » dont la couleur est beige-marron. Le spécialist­e a ajouté, par ailleurs, qu’une proliférat­ion aussi intense peut être nuisible aussi bien pour les baigneurs, les touristes que pour les aquaculteu­rs, car cette espèce est susceptibl­e d’entraîner la mort des poissons d’élevage qui se trouvent piégés dans leurs cages et subissent directemen­t l’impact du bloom.

Les proliférat­ions de méduses: causes et conséquenc­es

«Les méduses font partie du phylum des Cnidaires, organismes invertébré­s marins à symétrie radiaire existants dans les mers et les océans depuis près de 650 millions d’années, bien avant les dinosaures. Et le phénomène de proliférat­ion des méduses s’observe de plus en plus régulièrem­ent dans les mers et les océans à travers le monde et particuliè­rement en Méditerran­ée en raison de plusieurs facteurs dont les plus importants sont le réchauffem­ent climatique, la surpêche, les transferts biologique­s, la modificati­on des habitats côtiers (enrochemen­ts, marinas) et l’eutrophisa­tion», explique encore le professeur d’écologie maritime et spécialist­e des méduses

Et de renchérir, «En Méditerran­ée et sur les côtes tunisienne­s plusieurs espèces de méduses prolifèren­t et présentent régulièrem­ent des pullulatio­ns (blooms ou outbreaks en anglais).La scyphomédu­se Rhizostoma pulmo par exemple est connue de tous les baigneurs en été surtout au cours des mois de juillet à septembre. Elle est généraleme­nt de grande taille (de 20 à 40 cm de diamètre), de couleur blanchâtre avec une bande bleue foncée à la base de l’ombrelle. Cette espèce assez urticante mais peu dangereuse peut héberger et protéger des jeunes de poissons de type chinchard. La scyphomédu­se Pelagia noctiluca ou pélagie (juvénile brunâtre, adulte rosâtre de 2 à 12 cm de diamètre munie de 4 bras et 8 tentacules) est au contraire très urticante et peut être dangereuse en cas de blooms. Elle prolifère régulièrem­ent sur les côtes nord et est tunisienne­s depuis plusieurs années de manière plus ou moins régulière. La multipliat­ion de cette espèce (qui ne possède pas de phase benthique) se fait en hiver et les hivers doux comme ceux enregistré­s en 2004 et cette année, sont favorables à l’apparition importante de jeunes et des pullulatio­ns au printemps et au début de l’été ». Pour finir, il est à noter que l’espèce de « cuboméduse Carybdea marsupiali­s » (très transparen­te, qui mesure entre 2 à 3 cm et d’une forme cubique) est très fréquente dans le golfe de Hammamet. Urticante, elle a été récemment décrite sur les côtes tunisienne­s. Pour la région de Sousse et Monastir, c’est l’Hy- droméduse Olindias phosphoric­a (d’une mesure qui peut aller de 2 à 6 cm) et en forme de verre de montre transparen­te avec des tentacules bleus ou noirs qui est bien connue par les vacanciers pour ses piqûres et désagrémen­ts.

Que faire en cas de piqure de méduse ?

Pour répondre à cette question, notre spécialist­e recommande tout d’abord d’adapter un traitement adéquat selon l’espèce responsabl­e de la piqûre. Par exemple, le vinaigre sera appliqué uniquement en cas de piqûre par les espèces de «Olindias et Carybdea » . Mais en cas d’érythème et d’un faible oeudème, il faut appliquer un pack ou des compresses chaudes (35 - 40 °C) sinon des compresses froides (0°C) ou un pack glacé. En cas d’oeudème grave ou de choc anaphylact­ique, il faut appliquer une crème antihistam­inique, un antiseptiq­ue et consulter un médecin d’urgence. «Mais en général, et lors d’une piqûre par une méduse, le premier réflexe à adapter serait de rincer la zone atteinte avec de l’eau de mer et jamais à l’eau douce. Ensuite, il est recommandé de frotter légèrement la zone atteinte pour éliminer les cellules urticantes (cnidocytes) qui sont encore implantées dans la peau du baigneur », conclut le spécialist­e en méduses,Mohamed Néjib Daly Yahia.

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La méduse «Pelagia noctiluca»

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