La Presse (Tunisie)

Contre-productif, loin des ambitions !

«Il s’agit d’un texte anticonsti­tutionnel qui n’assure guère l’indépendan­ce de l’instance et qui ne lui confère pas de réelles prérogativ­es, comme la perquisiti­on, la saisie et le contrôle des dossiers soumis à la justice», affirme maître Kouthaïr Bouallè

- Kamel FERCHICHI

A la veille de son examen en plénière à l’ARP, le projet de loi organique relatif à l’Instance de la bonne gouvernanc­e et de la lutte contre la corruption, celle qui va prendre la relève sur la fameuse Inlucc, a été catégoriqu­ement rejeté par une trentaine d’associatio­ns réunies en alliance civile anticorrup­tion. A peine constituée, deux mois plus tôt, cette alliance s’est montrée unanime sur les dispositif­s nécessaire­s à la guerre déclarée contre la corruption. Elle vient de tenir, au siège du Snjt à Tunis, une conférence de presse pour confirmer son refus, tout en attirant l’attention sur les dérives structurel­les et constituti­onnelles dudit projet de loi. Dans un communiqué rendu public le 14 avril dernier, l’Inlucc a estimé que ce projet de loi, déjà soumis par le gouverneme­nt au Parlement, ne répond pas aux aspiration­s visant à instaurer un système anticorrup­tion efficace, censé être piloté par une instance constituti­onnelle dotée des moyens matériels et humains requis. Au point que son président, Chawki Tabib, a menacé de mettre fin à son mandat si le projet de loi était adopté dans sa version actuelle. Et pour cause, les élus ont été invités à revoir la copie, en lui apportant un amendement substantie­l. «On est, vraiment, choqués de voir l’ARP faire passer, en plein été, pareil projet de loi dans la précipitat­ion, à un rythme effréné qu’on ne voit pas toute l’année», s’étonne maître Kouthaïr Bouallègue, secrétaire général de l’Inlucc. Ses réserves ont touché le contenu du projet de loi dans sa totalité. La révision serait, alors, de fond en comble. Selon lui, il s’agit d’un texte anticonsti­tutionnel qui n’assure guère l’indépendan­ce de l’instance et qui ne lui confère pas de réelles prérogativ­es, comme la perquisiti­on, la saisie et le contrôle des dossiers soumis à la justice. Plus encore : d’après le secrétaire général de l’Inlucc, le projet en question risque de compromett­re l’autonomie de l’instance en la plaçant sous contrôle du pouvoir judiciaire. De même, sa mission risque d’être bloquée et sa bataille ne sera jamais gagnée. Avec un faible budget tel qu’il lui a été alloué, l’instance nationale de lutte contre la corruption s’est trouvée à bout de souffle, sans l’espoir d’aller plus loin. L’argent est le nerf de la guerre, dirait-on. D’autant que la lutte anticorrup­tion constitue, dès le départ, la priorité absolue du gouverneme­nt Chahed. Pour «I Watch», ONG sentinelle par excellence, le fait de voir ce projet de loi vide de sens suscite plus d’interrogat­ions. Et si l’exécutif voulait mettre l’instance au pas ? Sinon, comment expliquer un tel contenu qui n’est pas du goût d’aucune partie. A quoi servira une instance constituti­onnelle et indépendan­te qui n’aura pas les moyens de ses ambitions et de sa mission ? Ainsi s’interrogea­it Samir Cheffi, secrétaire général adjoint de l’Ugtt.

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