La Presse (Tunisie)

Détresse d’une mère de famille

- Foued ALLANI

«Je n’en peux plus !». Cri de détresse d’une jeune mère de famille, intercepté tout récemment lors d’une discussion qu’elle entretenai­t avec une dame assez âgée chez l’épicier du coin. Nous nous préparions ce jour-là à rendre visite à une grande tante dans l’un des quartiers de la Médina et nous voilà face à un triste instantané, celui pris sur le vif lors de cette complainte. La jeune mère de famille en question paraît réellement fatiguée. Au cours du mois saint de Ramadan, qui vient de nous quitter, elle avait doublement trimé. Tout au long de l’année, elle est au four, au souk et au boulot et elle ne sait plus où donner de la tête, ni de la bourse. Son mari, au chômage depuis plusieurs années, lui complique encore plus la tâche. Devenu très agressif, ces deux dernières années, il lui empoisonne la vie. Et pour un oui ou pour un non, il s’emporte, l’insulte gravement et il lui arrive parfois de la maltraiter. L’oeil au beurre noir pour être précis. Surtout lorsqu’elle le presse de dénicher un boulot. Elle lui donne pourtant son argent de poche et de quoi acheter ses cigarettes, en plus du fait qu’elle assure toutes les dépenses de la famille dont elle est devenue l’unique soutien. Ce qui est de loin non évident. Résultat connu d’avance, elle est criblée de dettes. Infernal. C’est ainsi qu’elle qualifie son rythme quotidien, qui devient encore plus inhumain au cours de chaque Ramadan. Sa journée commence très tôt, avec la lessive puis le petit-déjeuner pour les enfants. Avant de rejoindre son lieu de travail, elle doit les accompagne­r. Les deux premiers à l’école primaire et le benjamin au jardin d’enfants. Monsieur, lui, continue de ronfler après sa longue veillée. Après une dure journée de travail comme agent paramédica­l, elle doit faire le marché, et ce, malgré son lumbago et la fournaise solaire. En rentrant, elle doit arranger un peu les lits puis ressortir reprendre les enfants. Puis c’est la fournaise de la cuisine. Après le repas, c’est la vaisselle, un petit intermède télé et hop, la révision pour les deux enfants scolarisés. Il faudrait aussi gérer les caprices du benjamin qui veut absolument accaparer les fourniture­s de ses aînés. Monsieur a entre-temps quitté le foyer conjugal pour le café du coin. Il ne rentrera que très tard sans se soucier pour un sou de perturber le sommeil de la mère de ses enfants qui venait de passer une journée infernale. Et souvent il s’amusera à faire le tour des chaînes de télé, avec tous les désagrémen­ts que cela occasionne­ra à sa pauvre épouse, qui, elle, devra se lever tôt pour affronter sa dure réalité, sa vie de forçat.

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