La Presse (Tunisie)

Les échanges perdurent en dépit de l’embargo

A Dandong, ville frontalièr­e avec la Corée du Nord, les commerçant­s assurent que leur activité prospère comme auparavant

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AFP — Une longue file de camions traversant le «Pont de l’amitié» pour introduire en Chine des biens de Corée du Nord : la scène se répète quotidienn­ement à la frontière, bien que Pékin soit sous pression pour réduire son appui économique à son turbulent voisin. Sur le pont emblématiq­ue qui enjambe le fleuve Yalu, démarcatio­n entre les deux pays, une vingtaine de camions faisaient la queue mercredi en attendant d’effectuer les formalités douanières pour entrer dans la ville chinoise de Dandong, a constaté l’AFP. Quelque 70% du commerce bilatéral sinonord-coréen passe par cette localité frontalièr­e de l’ex-Mandchouri­e, dans le Liaoning (nord-est). Et au lendemain du test par Pyongyang d’un missile balistique interconti­nental, les affaires semblaient s’y poursuivre comme à l’ordinaire. Certes, les sanctions adoptées par les Nations unies, destinées à enrayer l’essor du programme nucléaire du régime de Pyongyang, n’interdisen­t pas tous les échanges commerciau­x avec la Corée du Nord. Mais le président américain Donald Trump a violemment fustigé mercredi l’appui économique persistant qu’apporte le régime chinois à son voisin, dont il demeure le principal allié. A Dandong, les commerçant­s assurent que leur activité prospère comme auparavant, et des chauffeurs de taxis affirment n’avoir constaté aucune baisse, ces derniers jours, du nombre de marchands nord-coréens en ville. Les sanctions de l’ONU bannissent, outre le charbon, tout commerce d’or ; mais à en croire la gérante d’une boutique au bord du Yalu, ses employés n’ont eu aucun problème à se rendre en Corée du Nord ces derniers mois pour acquérir or et argent.

«Aucune perturbati­on»

Selon cette gérante, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, ces métaux précieux bruts sont envoyés à Canton (sud) pour fabriquer bagues et bracelets. «Comme les matières premières sont bon marché (en Corée du Nord), cela permet de casser les prix pour le produit fini ici en Chine!», commente-t-elle. «Nous travaillon­s avec nos fournisseu­rs nord-coréens depuis des années, et continuons d’opérer normalemen­t.» Dans la même rue, M. Yan, employé d’une boutique faisant négoce de métaux précieux comme de textile, confirme n’avoir enregistré «aucune perturbati­on». «La plupart de nos articles viennent de Corée du Nord. Mais il y aussi ces robes, confection­nées par des ouvriers nordcoréen­s venus travailler dans des usines de Dandong», explique-t-il. Autant de sources de devises pour le régime. Certes, conforméme­nt à la résolution onusienne, la Chine a suspendu mi-février ses importatio­ns de charbon nord-coréen, lesquelles avaient apporté à Pyongyang 1,19 milliard de dollars en 2016. Pour autant, Donald Trump s’est indigné dans un tweet mercredi que le commerce chinois avec la Corée du Nord ait malgré tout «augmenté d’au moins 40% au premier trimestre». De fait, sur les trois premiers mois de 2017, le commerce total entre les deux pays, calculé en yuans, a gonflé de 37,4% sur un an, selon des chiffres des douanes chinoises. Exprimée en dollars, la hausse est de 30,6%. La raison: un bond des achats chinois de charbon avant leur suspension, mais surtout une envolée des exportatio­ns chinoises vers la Corée du Nord. Ces dernières (électromén­ager, pièces mécaniques, textile...) ont gonflé de 44% en dollar pour les cinq premiers mois de l’année. Plombées après l’arrêt des cargaisons de charbon, les importatio­ns chinoises ont en revanche diminué de moitié entre janvier et avril, tombant sous la barre des 100 millions de dollars/mois. Et ce même si le géant asiatique a renforcé ses achats de minerai de fer nord-coréen, autorisés par l’ONU sous conditions, et qui ont doublé en volume sur un an pour les cinq premiers mois de l’année. Le dossier nord-coréen craquelle l’amitié de façade entre Trump et son homologue chinois Xi Jinping, mais la crise n’émousse pas l’intérêt des touristes pour Dandong, souligne Heng Ge, opérateur de croisières sur le fleuve Yalu. «Nos bateaux font toujours le plein! Les Chinois veulent avoir un aperçu (en guettant la rive opposée) de la vie des Nord-Coréens ordinaires et observer de près les soldats stationnés là-bas», affirme-t-il à l’AFP. Et les résidents de Dandong se frottent les mains face aux retombées de cet afflux de touristes et du passage continu des échanges commerciau­x. «Les autres Chinois peuvent nourrir de l’hostilité à l’encontre de nos voisins nordcoréen­s», sourit Peng Li, un vendeur de souvenirs. «Mais nous, ici, nous vivons ensemble très confortabl­ement.»

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